Dans le papier remis par le Premier ministre au Secrétaire permanent du
FNDU, on note d’abord l’engagement de la Majorité à s’inscrire dans la
dynamique du dialogue constructif inclusif, en vue de créer «une atmosphère
politique apaisée». Partant de ce principe et «en vue de concrétiser sa
volonté d’ouverture, la Majorité déclare sa disponibilité à discuter les thèmes
suivants qui ont été soulevés par l’Opposition».
Thèmes à discuter : la
couverture par les médias publics des activités de l’Opposition, le
rétablissement de la confiance entre les deux pôles, l’arrêt de l’exclusion des
cadres et hommes d’affaires de l’Opposition («s’il s’en trouve»),
réorganisation du Conseil Constitutionnel, organisation de nouvelles élections
municipales et législatives consensuelles et recul des sénatoriales,
restructuration de la CENI, accord sur un calendrier électoral, réforme de la
Constitution pour lever la limitation d’âge pour la candidature aux
présidentielles, interdiction à l’Armée Nationale d’interférer dans la
politique, organisation d’élections présidentielles anticipées, redéfinir les
pouvoirs du Parlement et du Premier ministre, l’Unité nationale, la sécurité
publique et extérieure, la loi et la transparence dans la gestion des affaires
publiques, neutralité de l’administration, indépendance de la justice,
relations des partis au pouvoir avec l’administration et la redéfinition du
leadership de l’Opposition.
Le document conclut à la nécessité de discuter l’ensemble de ces
questions «dans le cadre d’un dialogue national consensuel auquel tous les
acteurs de l’espace politique national». Chacune des deux parties sera
conviée à désigner des représentants à ce dialogue.
Même si le document (en Arabe) précise qu’il répond à des doléances
écrites, nous n’avons pas connaissance d’un écrit autre que celui de la
proposition de Messaoud Ould Boulkheir. Or de nombreux points soulevés par le
document du Premier ministre ne figurent pas dans la proposition de Ould
Boulkheir. Notamment la question de l’organisation d’une élection
présidentielle anticipée, mais pas seulement. Alors ?
Dans sa copie, le Premier ministre s’est voulu exhaustif : il a
complété la proposition de Ould Boulkheir par toutes les demandes
antérieurement exprimées par l’Opposition, mais aussi par tout ce qui peut
l’intéresser. Les dix-huit points recouvrent effectivement le spectre
revendicatif de l’Opposition dans son ensemble. Cela pose plusieurs problèmes.
D’abord de quelle opposition parle-t-on quand on fixe les protagonistes
au nombre de DEUX ? Dans les documents on se suffit à désigner LE POUVOIR
et L’OPPOSITION comme les deux parties prenantes. Dans ce cas, le label
OPPOSITION désignera en même temps ceux de la CAP (Wiam, APP et Sawab) et ceux
du FNDU. Mais accepteront-ils d’être traités au même niveau, de désigner leurs
représentants d’un commun accord, de défendre les mêmes points de vue… ?
Même au sein du FNDU, les divergences sont évidentes et s’expliquent par
les différences dans les approches et dans les conduites. Si le parti Tawassoul
a participé aux dernières élections législatives, abandonnant ses compagnons de
la défunte Coordination de l’opposition démocratique (COD), c’est bien parce
que sa vision de l’avenir politique du pays et de son rôle sur l’échiquier est
différente des autres. Si l’Union des forces du progrès (UFP) doit payer le
prix du boycott qu’elle a adopté malgré de fortes réticences au sein des masses
populaires et même de l’élite dirigeante, c’est bien parce que la direction
historique s’est inscrite dans la logique d’autres composantes de la COD
comme le Rassemblement des forces démocratiques (RFD) de Ahmed Ould Daddah. Les
sentiments l’ont emporté à ce moment-là, mais la Raison a repris le dessus plus
tard.
Autant dire que la proposition du gouvernement peut paraitre comme une
manœuvre dans la mesure où l’on est sûr de côté qu’il sera difficile de trouver
un accord entre les acteurs de l’Opposition. Surtout si ceux-ci lisent la
proposition comme étant un moment de faiblesse, la conclusion est alors : «il
ne faut pas aider le pouvoir à sortir de ses problèmes, mais le laisser
s’empêtrer encore plus pour provoquer sa chute inéluctable». Cette
conclusion amène à refuser toute ouverture sur le vis-à-vis.
On peut cependant refuser en adoptant une attitude de
rejet pur et simple. C’est mortel et on le sait. On peut aussi faire des
contrepropositions impossibles à réaliser et dans ce cas faire croire à une
disponibilité qui n’est pas réelle mais qui a l’avantage de renvoyer la balle
ailleurs, loin de son camp.