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dimanche 31 mai 2015

Un jour (de) chez moi (3)

D’abord les enfants autour du tamtam qui a, toute la journée, séché au soleil. A intervalles réguliers on aspergeait d’eau la peau pour la tendre encore plus. Une manière de parfaire le son qui sera produit, de le rendre plus grave, plus intense. C’est encore pour cela que la peau enroule deux poutres sur lesquelles s’assoiront de part et d’autre les plus grosses des femmes pour mieux tendre la peau. La batteuse se mettra au centre et, avec deux bâtons, percutera régulièrement la peau. C’est un art que peu de femmes maitrisent encore chez nous. Tenwazel, la fille de l’une des grandes maitresses de cet art, feue Salka Mint Hayjara, joue encore à la perfection l’art du tamtam.
Quand elle commence à jouer des deux bâtonnets, elle est entourée de femmes qui forment la chorale tout en produisant une rythmique d’accompagnement par le battement des mains. Le chant est composé de quelques poèmes dédiés à la gloire des héros d’antan. Une poésie sans prétention aucune mais dont la simplicité consacre la beauté. Parce qu’elle la rend encore plus populaire, plus excitante pour ceux qui la chantent et qui y mettent toute leur énergie et leur art.
Place aux femmes et aux adultes. Plus la fin de journée approche, plus les gens s’excitent autour du tamtam. Les hommes arrivent avec leurs bâtons à la main. Ils doivent entrer deux par deux, parfois trois mais il faut beaucoup d’art et de précision pour jouer à trois. C’est une danse typiquement de chez nous. Même si elle existe ailleurs, c’est dans la région de Mederdra que les gens excellent dans cet art et c’est ici qu’ils en font un sujet de conversation et un objet de convoitise. Il a longtemps fait partie ici des critères qui font le gentilhomme. Comme toutes les belles choses de la tradition, il s’est peu à peu perdu mais il conserve toujours le même intérêt populaire.
Quand deux joueurs de bâtons entrent en scène, les joueuses de mains s’excitent tout autour ajoutant à l’électrification de l’ambiance qui atteint son paroxysme quand le claquement du bois vient compléter l’harmonie déjà produite par le son lourd du tamtam et les battements de main. Les femmes entrent en scène en battant des mains. Elles dérangent rarement les joueurs de bâtons. Au contraire, on dirait que le désordre ainsi créé contribue à donner un niveau supérieur au jeu… d’ailleurs ce n’est plus un jeu, c’est une danse qui prend forme souvent très clairement. Les bâtons ne sont plus qu’un complément servant aux danseurs pour parfaire leurs mouvements. Le spectacle est complet.
Sans s’en rendre vraiment compte, spectateurs, joueuses de mains et joueurs de bâtons, danseurs de fortune, tous se retrouvent au milieu de l’arène. Un moment de communion et d’exaltation extraordinaire. C’est justement ce qui fait que cet art est resté populaire. Parce qu’il implique tout le monde, concerne tout le monde, emballe tout le monde.
Comment faire pour le réinventer, le restaurer et le préserver ? c’est la grande question que je pose ce jour-là dans le quartier du Gawd à Mederdra.
«Celles qui savent les mots tels qu’ils étaient chantés, qui battaient le tamtam comme il fallait, ceux qui savaient manier le bâton à la perfection, celles et ceux qui pratiquaient cet art comme il fallait, ceux-là sont partis. Ils sont désormais ensevelis de sable à quelques encablures d’ici, dans le cimetière où il y a désormais plus de gens que nous connaissons qu’il y en a dans la ville des vivants…»
En me répondant cela, Tenwazel Mint Hend, la batteuse, me rappelle à moi, tous ces hommes et femmes qui ont peuplé mon enfance, ces hommes et ces femmes qui sont restés éternels dans le souvenir des habitants de la ville. Son père Mahmoud, sa mère Salka, mais aussi bien d’autres qui avaient un sens du partage, de la solidarité, de la dignité, de l’humilité…
Qu’Allah accueille nos morts dans Son infinie Bonté dans le Saint de Ses Paradis.

samedi 30 mai 2015

Da’esh reprend des couleurs

Au début était une organisation créée par des résistants irakiens qui entendaient rendre la vie difficile aux conquérants américains. Un ancien chef des renseignements irakiens de l’ère Saddam Hussein, entreprend de monter des groupes de combats très structurés et très cloisonnés. Pour rendre son réseau plus efficace, il se retire en Syrie dès le début de la rébellion et entreprend de s’y installer pour en faire une base arrière au monstre qu’il allait lâcher dans la nature. La terreur et le renseignement sont ses armes principales. Il soumet les populations et attire les volontaires de toutes parts.
A ce moment-là, les Américains ne savent pas quoi faire de l’Irak dont la partition se dessine déjà avec la création d’un Kurdistan au nord et le règne des Chiites dans le sud. La création d’une entité représentant les Sunnites complèterait le tableau.
A ce moment-là, les pays du Golf, principalement l’Arabie Saoudite et le Qatar, terrifiés par la menace du «printemps arabe», cherchent désespérément à contenir la contagion en multipliant les foyers de tension loin de leur zone. La Libye, l’Egypte et surtout la Syrie sont le théâtre sur lequel les velléités guerrières des monarchies vont s’exprimer. La Front Al Nouçra, branche d’Al Qaeda et surtout Da’esh sont des leviers dont il faut prendre la commande pour pouvoir les utiliser dans la guerre d’influence.
A ce moment-là, la Turquie cherche à imposer son leadership au monde arabo-musulman de l’espace sunnite. Face à l’Iran chiite, plus rien n’empêche la Turquie de restaurer son influence sur cet espace, jadis faisant partie de l’Empire Ottoman. Cette même Turquie ne voulant pas d’un Etat kurde à ses frontières sauf s’il va contribuer à atténuer les revendications des Kurdes en Turquie. Pour satisfaire l’un et l’autre des besoins, le chaos dans la région peut servir.
Le chaosle chaosle chaos constructif… qui a inventé ce concept ? N’est-ce pas là l’inspiration première de l’administration américaine pour recomposer la région de manière à détruire toutes les entités insoumises au diktat ?
Tout converge pour que la communauté internationale ferme les yeux, si elle n’encourage pas. Da’esh peut proliférer comme prolifèrent les virus. Toujours les mêmes armes : la terreur et le renseignement.
Aujourd’hui, l’Etat Islamique est une réalité. Le plus grave, c’est qu’il se présente désormais comme la milice d’autodéfense sunnite. C’est pourquoi il s’en prend aux mosquées chiites en Arabie Saoudite et ailleurs. Il prétend protéger les Sunnites en Irak contre les milices chiites répondant à l’appel de l’Imam Hussein, ceux du Yémen contre les Huthis, de Syrie contre les Alaouites, du Liban contre le Hezbollah, du Pakistan contre les Chiites de ce pays… le danger est bien celui-là : contrairement aux combattants d’Al Qaeda, ceux de l’Etat Islamique sont servis par les stratégies déployées par les pays engagés militairement et diplomatiquement dans les équilibres au Moyen-Orient. Pour les Arabes, l’ennemi principal est l’Iran. Tout ce qui peut affecter ce pays et ses supposés alliés (les Chiites) est à soutenir. Pour la Turquie, tout ce qui peut lui assurer un leadership au niveau de la zone est le bienvenu, y compris le soutien actif ou non à des groupes comme Da’esh. Pour les Etats-Unis et leurs alliés, tout ce qui peut procurer plus de sécurité à Israël est à faire, y compris (et surtout) la destruction des potentiels arabes et musulmans.
La guerre interconfessionnelle est une aubaine pour tous. Autant l’encourager, au moins la laisser faire.

vendredi 29 mai 2015

Un jour (de) chez moi (2)

Une discussion avec mon ami Mohameden qui me fait une lecture de l’évolution sociopolitique de la région de Mederdra. Quelques grands facteurs de transformation (dont on ne citera qu’un) et un élément fondamentalement «perturbateur».
Le facteur déterminant a été celui de la création de l’Etat moderne. Cette création s’est faite sur les ruines de l’ordre traditionnel que l’Emirat représentait. La proximité de la capitale du nouvel Etat a fait que la naissance de l’un signifiait nécessairement la mort de l’autre.
«Ne vous étonnez point si les leviers tribaux sont encore plus efficacement utilisés ailleurs. Les habitants de ces régions ont tout cédé au Pouvoir central de l’époque. Ce qui subsiste aujourd’hui n’est qu’une tentative de résurgence du fait tribal pour faire comme les autres». 
Est venu s’ajouter à cela les effets de la forte scolarisation dans tous les milieux. «La scolarisation a eu deux conséquences principales : la fonctionnarisation des cadres et l’émancipation des couches laborieuses».
Tous les diplômés ont pris pour modèle les premiers fonctionnaires de leur environnement. C’est ainsi que toutes les familles, ou presque, comptent aujourd’hui des salariés parmi elles. Si dans le temps, les campements vivaient des revenus du commerce pratiqué par les hommes partis au Sénégal et dans les villes naissantes, on ne compte plus que sur le salaire d’un ou plusieurs membres de la famille.
Esclaves, tributaires et suivants se sont massivement libérés de l’autorité traditionnelle. Cette libération a pris très souvent la forme d’un abandon pur et simple de l’activité qui vous affectait le statut qui est le vôtre. Ceux qui travaillaient la terre ont abandonné les champs tout comme ceux qui gardaient les troupeaux, ceux qui forgeaient, ceux qui foraient, ceux qui tissaient… chacun a abandonné cette profession qui le maintenait dans une situation d’exploité.
L’abandon massif des secteurs traditionnels de production et la fonctionnarisation des nouvelles élites ont créé une mentalité d’assistés qui a été aggravée par l’utilisation de la politique comme source de revenus. Depuis plus de trois décennies, faire la politique est devenu payant. Pour ce qu’elle rapporte sans demander une quelconque aptitude.
Vint la sécheresse. Le premier cycle affectant la région du sud-ouest est celui de 1968. Un jour de septembre de cette année-là, plus rien n’existait. Bergers et cheptels survivants avaient fui plus à l’est, à la frontière du Trarza et du Brakna. «’Aam Breykilli», du nom de ce puits vers lequel se dirigeront les bêtes et les hommes pour y trouver quelques pâturages de subsistance. Cette année noire marque encore les esprits dans la région de Mederdra. Puis se succédèrent la sécheresse des années 70 et celle des années 80. A chaque fois, mouraient plus de bêtes provoquant la pauvreté de nouvelles populations, puis leur exode vers les centres urbains les plus proches.
Des villages, des parcours, des puits furent abandonnés pour les bidonvilles de Mederdra, de Rosso, de Nouakchott… Tous les prétextes étaient bons pour quitter sans donner l’impression qu’on fuyait. A la fin des années 70 et au début des années 80, le prétexte principal était de suivre les filles admises au concours d’entrée en sixième et qui devaient donc aller dans les collèges puis les lycées. A chaque étape son lot de migrants forcés.
«Ceux qui sont restés sont soit ceux qui n’ont aucun moyen d’aller, soit ceux dont l’attachement à la terre était très fort». Les premiers préféraient leurs cantonnements où le niveau de vie – si l’on peut parler de niveau de vie – leur permettait de répondre plus ou moins aux exigences de la survie. Les seconds préféraient mourir dans le terroir hérité plutôt que de grossir le rang des mendiants dans les villes. En fait, tous survivaient grâce à l’assistance de l’Etat et/ou de membres de la famille partis travailler en ville.
«Vous remarquerez que les villages ayant survécu à ces époques sombres sont aujourd’hui perdus au milieu des dunes, d’un océan de sable qui semble les recouvrir inexorablement. C’est bien parce que les habitants, véritables survivants de ces époques, ne manifestent aucune velléité à transformer, à influer sur la nature qui les entoure…» Aucune tentative de reboisement, aucune culture, aucun effort pour produire…
«Nous en sommes là. A attendre que la pluie tombe, que l’Etat déclenche de nouveaux programmes d’urgence, qu’un fils ou un cousin se rappelle notre existence…»
Fataliste, mon ami occulte le dynamisme social impulsé par l’aspiration des uns à sortir de leurs conditions, des autres à maintenir leurs positions. Ce qui oblige les uns et les autres à se surpasser… et à la société d’évoluer.

jeudi 28 mai 2015

Un jour (de) chez moi

Je suis à Mederdra aujourd’hui pour assister à une cérémonie organisée par une partie de ma famille. Je retrouve quelques senteurs que mon odorat pollué avait perdues. Je retrouve aussi quelques vieilles amitiés, de vieilles connaissances, des femmes et des hommes qui m’avaient vu grandir avant de me perdre de vue puis de me retrouver aujourd’hui, vieux comme je suis.
J’ai l’impression que toutes et tous ceux qui m’ont vu naitre parmi ces gens-là, me traitent comme s’il s’agissait de l’enfant de toujours. Une manière peut-être de (se) refuser de grandir : si le vieux qui est là est l’enfant d’antan, cela veut dire ce que cela veut dire.
Parmi eux ceux qui n’ont pas changé ou presque, gardant les mêmes traits de visage, les mêmes rides que je leur connaissais à l’époque de la tendre enfance, les mêmes réflexions, les mêmes attitudes…
Meryem est la première à me parler des «préparatifs pour accueillir le Président qui arrive dans les jours qui viennent». Elle me demande si elle peut le rencontrer pour lui dire ceci : «Avant, nous avions un préfet qui partageait déjà très mal ce qui arrivait ici comme aides, aujourd’hui nous en avons trois en plus de leur adjoint. Du coup on ne reçoit plus rien de ce qui nous est envoyé…» Une manière de désapprouver la nouvelle nomenclature de l’administration qui crée des postes d’adjoints au préfet, de directeur de cabinet…
Mais là où Meryem semble le plus irritée, c’est quand elle parle de «ces réunions organisations sur initiative des élus et fils du département pour mobiliser les populations». Pour se demander : «Pourquoi ces cadres ne viennent pas se réunir ici ? Nous sommes les populations à mobiliser et la ville se trouve à 150 kilomètres de Nouakchott, pourquoi rester là-bas ?»
En fait, les «cadres» craignent probablement de devoir redistribuer ce qu’ils ont comme fortune. Ils craignent encore de se donner en spectacle en arrivant chez des populations qu’ils ne connaissent que lorsqu’une échéance politique approche. Comment reprendre de la forme devant des gens qu’on a été incapable de satisfaire ? des gens qui ont entendu toute sorte de promesses jamais tenues, d’explications toujours fausses ? Pour Meryem les raisons de la tenue de telles manifestations ailleurs, «c’est bien parce que le menteur a intérêt à éloigner les témoins et nous sommes des témoins gênants». Et d’enchainer sur «le temps des grands»…
«Nous sommes orphelins d’un temps que tu as connu très jeune, celui des hommes dignes et des belles femmes, celui de la générosité et du faste, celui de la vérité et de la baraka…» Ici je me rendis compte qu’elle et moi nous n’avions pas les mêmes raisons de regretter (de pleurer dans son cas) ce temps-là.
Le monde de Meryem était fait d’injustices et d’inégalités. Il couvait cependant en son sein une charge d’aspiration au changement, à plus d’égalité, à la citoyenneté. Il permettait à des jeunes, nourris aux valeurs de l’Etat moderne, de se rebeller et de dénoncer les carcans de l’ordre ancien. Si je peux regretter ce temps qui avait pour moi une saveur particulière, celle des espérances, il ne devait pas en être de même pour mon interlocutrice qui vivait les conditions difficiles de la servitude. Mais le syndrome du Paradis perdu est toujours là.

mardi 26 mai 2015

Le drame des Peulhs au Mali

De plus en plus de réfugiés arrivent du Mali pour s’installer dans le camp de Mberra non loin de Bassiknou dans le Sud-est mauritanien. Exclusivement des Peulhs, celle fois-ci. Selon les informations diffusées par les organes de presse français, ces nouveaux réfugiés fuient l’Armée malienne qui chercherait à faire payer aux nomades et transhumants de la zone les récentes attaques sanglantes menées ici et là par des groupes de jeunes issus de l’ethnie peule.
RFI nous apprend que «des dizaines de femmes et d'enfants sont arrivés en camion ces derniers jours au camp de Mbera, en Mauritanie. Originaires de Dioura ou Nampala, au sud de Tombouctou, ces Peuls disent avoir fui des violences contre leurs campements, comme le raconte le coordinateur des réfugiés qui les a accueillis à Mbera».
C’est la première fois qu’on enregistre un tel afflux. Cité par RFI, un responsable du HCR (Nouakchott) nous apprend que «les Peulhs représentaient moins de 1% de la population. La majorité de la population du camp de Mbera, ce sont surtout des Arabes, à 50,8% et des Touaregs, qui représentent 48%». Avant d’ajouter que «cet afflux intervient dans un contexte où on pensait que les choses se stabilisaient un peu au camp de Mbera et en fait on se rend bien compte aujourd’hui que la situation est toujours volatile, toujours précaire.» responsables du HCR et ceux des réfugiés craignent le pire avec la multiplication des actes de violence qui suscitent les représailles de l’Armée malienne.
«Ils disent qu’il y a plus de cent personnes arrêtées dans leur zone et qu’il y a l’armée malienne qui est en train de fouiller leur maison, les torturer, les frapper, rapporte le responsable des réfugiés au camp. Et qu’ils sont partis à cause de cela.» Et d’expliquer à RFI qu’«il y a eu une attaque entre Goundam et Tombouctou, il y a eu une attaque dans la ville de Bintagoungou, à Léré. Il y a des attaques partout».
Cette composante de la population malienne souffre aussi de la suspicion qu’elle suscite chez les autres ethnies. Les groupes armés défendant désormais chacun les intérêts de sa communauté, reflètent dans leurs comportements ce racisme ambiant. Du coup les Peulhs entendent créer des milices d’autodéfense pour réagir à la discrimination dont ils sont victimes. Malheureusement, les groupes jihadistes ont largement profité de cette situation pour recruter dans la jeunesse peule. Les vieux relents du Jihad sacré du 19ème siècle ont vite refait surface. Ce qui explique que cette communauté est prise entre mille feux. Les groupes armés – indépendantistes et miliciens pro gouvernement malien – leur reproche de ne pas travailler avec eux. Le pouvoir central réprime ce qu’il considère une nouvelle poche de rébellion. Tandis que les pourparlers de paix ignorent leur situation particulière.
En somme, si la situation dans le Nord malien continue de pourrir et si les différentes factions n’arrivent pas à mettre en œuvre le plan de paix et à embarquer toutes les populations, la guerre dans la zone pourrait prendre l’aspect d’une guerre civile. Il sera difficile à ce moment-là d’arrêter la violence.

samedi 23 mai 2015

TEDx Nouakchott

Le concept est inconnu du large public. Surtout en Mauritanie où c’est seulement la deuxième édition de cette manifestation. Il s’agit d’une sorte de meeting qui voit l’intervention de gens qui ont «quelque chose à dire» ou, pour utiliser les termes consacrés, «des idées qui valent la peine d’être diffusées» (Ideas worth spreading). L’objectif étant d’«oser repenser» le monde à travers l’exposition d’expériences personnelles, de points de vue, de visions, de philosophies…
Créé par la Fondation Sapling foundation, le concept présente des conférences sur des thèmes variés avec des personnalités parfois inattendues, parfois connues, mais toutes ayant une capacité à bien présenter et à convaincre. L’objectif étant d’amener l’auditeur à «oser repenser» sa vie.
Pour sa deuxième édition, les promoteurs de l’idée – Mohamed Ali Bediyouh qui l’avait déjà organisée à Casablanca, Mohamed Salem Ould Ahmed Saleh l’informaticien de génie, Yousra Chérif et tous ces jeunes qui cherchent à se libérer et à libérer leurs compatriotes des contingences et pesanteurs de l’immobilisme -, les promoteurs ont choisi de multiplier les intervenants et les thèmes.
La protection du consommateur et l’expérience d’une association locale avec ce constat inquiétant : plein de produits périmés, de produits exposés sur le marché dans de mauvaises conditions, aux côtés de poisons, sous le soleil ; pas assez de contrôle et peu de réactivité des citoyens.
Puis l’expérience d’une tentative réussie de faire d’un produit local, jusque-là méprisé en tout cas classé dans la sphère de «l’inutile» parles Mauritaniens d’aujourd’hui, d’en faire une denrée précieuse dont les multiples dérivés servent dans différents aspects de la vie. Il s’agit de Toogga, ce fruit sauvage qui est destiné à être l’Argan de nos latitudes.
Mohamed Baba Said, l’un des promoteurs du projet, explique (très bien) le processus qui a vu naitre le projet, ses retombées sur le pays, les structures déjà mises en place pour sa mise en œuvre… Nous savons désormais qu’il faut 20 kilogrammes de fruits pour avoir un litre d’huile et que la capacité de la petite structure déjà fonctionnelle à Nouakchott est de 200 litres par an. On apprend aussi qu’il n’y a pas de déchets dans le processus de transformation parce que tout, dans le fruit, est utilisable. «Toogga emnav’ayn», disent les Hassanophones pour dire la multitude des services que ce fruit rend à celui qui sait s’en servir.
L’Ambassadeur des Etats Unis d’Amérique, Larry André devait lui intervenir sur le thème «l’objectivité, idéal impossible». Très pédagogue – très philosophe aussi -, l’Ambassadeur Larry André a mis à profit sa grande expérience pour inculquer la notion de relativité surtout quand il s’agit de la recherche de l’objectivité. Concertation (consultation) autour d’une question (avec tous les protagonistes), la compréhension de tous ses paramètres, la confiance en l’intuition, la sincérité et l’honnêteté dans le jugement à faire… sont autant de valeurs qui assurent une meilleure appréciation de la problématique et d’en avoir un regard plus objectif, en tout cas plus équitable. Assez pour avoir le meilleur angle d’attaque, décider et agir dans les temps utiles (il ne faut jamais laisser le temps passer dans les hésitations et le refus d’y aller).
Le point d’orgue de la soirée est sans doute ce monument qu’est Jean Sahuc, un ingénieur qui a débarqué en Mauritanie en 1954 et qui ne l’a plus quittée. Un témoin et un acteur de la construction de la capitale Nouakchott, de projets de routes et même du chemin de fer reliant Zouérate à Nouadhibou. Il faut l’écouter pour se rendre compte d’où nous venons et qu’est-ce que nous avons fait de nous-mêmes et de notre pays. «Repenser la Mauritanie», refonder les vocations premières, réinventer les objectifs premiers… Oser le faire…
Le féminisme a son mot avec Nejwa Kettab qui partage une profonde réflexion sur «le féminisme face à la norme sociale». Du concept de «carrière matrimoniale» pour désigner cette vocation à multiplier les mariages chez nos femmes, à l’illusion de l’émancipation consacrée par un rôle de premier plan accordé à la femme alors qu’il découle d’un mépris évident. Tout le cheminement mène à une vision machiste et parfois misogyne.
Pr Dia Al Housseinou, psychiatre «au pays des marabouts» parlera longuement (et efficacement) des interférences entre les thérapies traditionnelles et celles modernes, de cette tendance des Mauritaniens à toujours chercher à jouer sur deux tableaux : la Modernité et le Conservatisme. La schizophrénie commence ici (le constat n’est pas du Pr Dia).
Sidi Ould Sweyne’, jeune professeur à l’école des ingénieurs, grand connaisseur du Japon devait présenter un concept : IKI. C’est un concept né au Japon pour traduire la nécessité de trouver un symbole national à même d’imposer une identité à tout citoyen japonais. Cette recherche de l’identité a été l’élément moteur du décollage du Japon. Ould Sweyne’ propose un système éducatif sur la recherche d’un identifiant national (IKI), le développement de l’innovation et la motivation. En somme, la promotion de l’intelligence créative et innovante et la règle du mérite.

On finira la soirée par des propositions : «repenser l’écologie», et même «repenser la poésie»… Autant dire que l’objectif de «la bande à Bediyouh» - la sympathie qu’ils suscitent m’autorise à les appeler de la sorte – est largement atteint. Une manière de rappeler aux plus sceptiques d’entre nous qu’il existe une Mauritanie dynamique et entreprenante. A travers les jeunes de TEDx Nouakchott, ceux de Startup-Mauritanie, ceux de WikiStage-Nouakchott et bien d’autres, nous comprenons que la Mauritanie n’est pas seulement ce foisonnement d’oiseaux de mauvaise augure, d’intellectuels archaïques et conservateurs, de jeunes mal formés et sans éducation… que dans cette Mauritanie subsiste une frange de jeunes qui sont le vrai espoir de demain. Heureusement. 

vendredi 22 mai 2015

Remaniement partiel

Le départ de Sidi Ould Tah est la raison principale de ce remaniement qui n’a finalement touché que trois départements.
D’abord le département des affaires économiques et du développement occupé par Ould Tah depuis le 31 août 2008 et la formation du premier gouvernement des lendemains d’un certain 6 août. Un record de longévité qui sera difficilement battable sous la présidence de Mohamed Ould Abdel Aziz. C’est finalement Sid’Ahmed Ould Raïss, l’ancien gouverneur de la Banque centrale de Mauritanie (BCM) qui hérite du portefeuille.
On savait que l’homme était en instance de retour depuis que, répondant à une question concernant le lien de son limogeage avec l’affaire Maurisbank, le Président avait dit au journaliste qui posait la question : «… qui vous dis qu’il (Ould Raïss, ndlr) n’est pas destiné à d’autres fonctions ?». C’est fait.
Sid’Ahmed Ould Raïss est, dans l’entourage de Ould Abdel Aziz, le mieux indiqué pour succéder à Ould Tah qui va à la Banque arabe pour le développement économique de l’Afrique (BADEA). Ancien ministre des finances et Gouverneur de la BCM, Ould Raïss connait bien le dossier des affaires économiques. L’habitude de côtoyer, de discuter, de négocier avec les partenaires techniques et financiers du pays lui donne quelques atouts dont on a besoin en ces temps où les relations avec le FMI connaissent un relâchement non déclaré. La méthode de gouvernance du département pourrait ne pas subir de grands changements : le ministre restera le seul maitre à bord…
Deuxième «mouvement», celui opéré au ministère de la Justice qui accueille une nouvelle figure : Me Brahim Ould Daddah. Un nom qui revient dans la sphère de l’Exécutif, il y a tentation de titrer : «Un Ould Daddah au gouvernement, jamais vu depuis 1978». Jusque-là conseiller à la Présidence de la République, Me Brahim Ould Daddah a fait ses preuves dans plusieurs dossiers de négociations (Dakar, les Chinois dans la pêche…). Il va au gouvernement comme ministre d’un secteur qu’il connait bien. Son prédécesseur, Sidi Ould Zeine, grand économiste de renom, a pu faire avancer bien des dossiers, notamment celui des prisons et ceux liés à l’esclavage et au volet mesures à prendre au niveau de la Justice dans la feuille de route élaborée par le gouvernement en accord avec l’organisme chargé des Droits de l’Homme aux Nations-Unies. Mais la réforme fondamentale du secteur judiciaire attend encore. Elle demande certes un engagement politique déterminé, mais aussi une vision clairement définie du département. L’avocat saura-t-il faire sauter le verrou de l’immobilisme ?
Sidi Ould Zeine succède à Ismael Ould Sadeq au département de l’habitat et de l’urbanisme. On peut se demander ce que vient faire l’économiste dans cette galère où l’on ne parle que de gazra et de kebba. Pourtant, les capacités de l’homme à élaborer une vision, puis à la présenter et à la défendre, lui donnent la chance de pouvoir être celui par lequel les objectifs initiaux, notamment l’éradication de la gazra, seront réalisés. Avec aussi cette possibilité d’amener les populations à s’approprier la stratégie mise en œuvre. Du coup, l’opération qui est perçue jusqu’à présent comme une opération technique vaine, peut être réalisable. Surtout que son aspect politique et social sera mis en évidence par un ministre qui peut rester à l’écoute des populations et qui a le courage d’aller au-delà des blocages qui empêchent jusqu’à présent l’éradication de la gazra.

En somme, le remaniement n’est pas celui annoncé par les salons de Nouakchott. Il n’est pas celui attendu par l’opinion publique. Il n’est pas non plus le remaniement que dicte la conjoncture. Mais le Président Ould Abdel Aziz a toujours préféré opérer par remaniement partiel jusqu’à aboutir à un renouvellement de ses gouvernements.

mardi 19 mai 2015

Diabira Maaroufa, ange ou démon ?

Si l’on s’en tient à la réalité du parcours de Me Diabira Maaroufa, le nouveau Président du FNDU, on dira qu’il fait partie de cette classe politique qui a fait ses chemins aux temps où «le politiquement correcte» imposait aux opérateurs mauritaniens un minimum de cosmopolitisme et d’ouverture sur le vis-à-vis.
Me Maaroufa n’a jamais déserté la scène depuis les années 60, même s’il est parfois entré dans une clandestinité qui donnait l’impression d’une hibernation prenant parfois beaucoup de temps. Son nom est lié aux mouvements revendicatifs des années 60 et 70, sans faire partie des figures emblématiques du mouvement des Kadihine ou de ceux des nationalistes noirs. Il est resté un inspirateur à distance. Jouant un rôle déterminant dans les organisations estudiantines noires. Sans pour autant verser dans l’excès nationalitaire.
Il sera ministre de la justice puis de l’industrie de Mohamed Khouna Ould Haidalla. Sa force de caractère l’oblige à quitter le gouvernement. Il revient à sa profession et devient Bâtonnier de l’Ordre national des avocats de Mauritanie. Il défend les prisonniers d’opinions dans quelques procès à retentissements politiques.
Les années Ould Taya en font une personnalité centrale dans la lutte pour les droits. Il signe quelques-unes des pétitions demandant la démocratisation de la vie et l’apurement des dossiers humanitaires. Il devient président du Groupe de recherches et d’études pour la démocratie et le développement social, GREDDS, section Mauritanie. L’homme politique glisse lentement vers l’action humanitaire. Ce qui l’oblige à plus de consensualisme, donc plus d’ouverture, plus de prédispositions au dialogue… C’est donc un homme de dialogue qui est choisi pour diriger le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU). Même si diriger un tel conglomérat ne veut pas dire en tenir les rênes… Surtout que…
Nonobstant ce portrait, certes sommaire, mais collant plus ou moins à la réalité de l’homme Diabira Maaroufa, l’opinion publique mauritanienne en a une autre image. Beaucoup moins prestigieuse que la simple réalité. De tout temps, l’homme a fait l’objet d’attaques.
De la part de ses confrères qui ont toujours insisté pour dire qu’il n’a défendu que dans les dossiers où «il se sentait concerné» : «Aux procès de 1986 et 87 où les cadres noirs étaient mis en cause, au procès de 2003 où le Président Ould Haidalla dont il a été ministre avait été mis en cause». Pour eux, «l’avocat devenu Bâtonnier par défaut pour quelques mois (après la nomination du Bâtonnier Ahmed Killy Ould Cheikh Sidiya, trois tours n’ont pu départager Mes Yahya Ould Abdel Qahar et feu Diagane Mamadou, ndlr) a toujours évité la confrontation directe avec les autorités».
De la part de ses compagnons de lutte qui ne lui ont jamais pardonné ses velléités de leadership et sa force de caractère. Cela se traduit en terme de classification par «Diabira Maaroufa est un animiste qui ne croit en rien, profondément sectaire en plus».
De la part de ses adversaires politiques de l’époque, nationalistes arabes, militants du Mouvement national démocratique (MND), Kadihines et autres, pour lesquels «il n’a jamais été autre chose qu’un raciste nationaliste étroit».
En concert ou non avec les autorités, les détracteurs de Me Diabira Maaroufa ont réussi à coller des clichés «diaboliques» à la personne. Si bien que l’image qu’il a reste très imprécise et très controversée.

Le premier challenge du nouveau Président du FNDU est aujourd’hui de se refaire une image plus proche de sa réalité. Ce sera difficile quand on voit qu’il est au milieu de ceux qui ont dépensé toutes leurs énergies pour diaboliser l’homme et son combat. Entre confrères, compagnons, adversaires politiques d’antan, administrateurs, responsables de renseignements, idéologues au service… à la proie d’hier de prendre le dessus aujourd’hui… en sachant que les réflexes et les relents sont restés les mêmes.

lundi 18 mai 2015

Pour une paix durable

Solennelle, la signature l’accord de paix entre le gouvernement malien et les rebelles du Nord. La présence de la supervision de la communauté internationale empêchera-t-elle cet accord de finir comme les précédents ?
Tous les cycles de rébellion dans le Nord malien ont fini par des cessez-le-feu puis des accords politiques qu’on croyait à même de stabiliser le Mali et la région du Sahel qui ne peut que souffrir de l’instabilité de ce pays charnière.
Avec toujours le même souci de répondre à quelques-unes des exigences des groupes rebelles dans le but de satisfaire les exigences qu’on reconnait légitimes en général. Experts et diplomates sont à chaque fois appelés à la rescousse pour éteindre le feu en essayant de répondre à une partie des problématiques. Aujourd’hui, l’accord paraphé à Alger par l’ensemble des acteurs mais signé à Bamako par seulement une partie d’entre eux (sans les rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad), reconnait deux choses essentielles : l’intangibilité des frontières du Mali et la nécessité de reconnaitre des droits aux populations des régions du Septentrional malien.
La reconnaissance solennelle de ces deux principes permet tout si toutes les parties se rendent à l’évidence. Du côté de la rébellion il est temps de savoir qu’aucun pays au monde et surtout pas dans l’environnement du Mali n’acceptera de revenir sur le principe de l’intangibilité des frontières. Reconnaitre aux Touaregs ou aux Arabes (Maures), ou encore aux Peulhs du Nord du Mali une once de souveraineté, c’est mettre en péril les fragiles équilibres qui existent dans les pays voisins et du coup risquer de bouleverser les cartes et les frontières. Qui peut le permettre ?   
Du côté du pouvoir central malien, le temps d’engager un processus profond de réconciliation nationale, ce temps est arrivé. Pour ce faire il va falloir arrêter avec les approches politiciennes adoptées jusque-là. La recherche constante à instrumentaliser les groupes du Nord, soit pour calmer une situation, soit pour la provoquer, soit pour diriger les groupes les uns contre les autres.
L’expérience catastrophique de la gestion de ce dossier sous l’ère Amadou Toumani Touré doit servir aux dirigeants actuels. Voilà un Président – un pouvoir – qui a laissé faire dans une partie de son territoire. Allant jusqu’à jouer le jeu des trafiquants et des terroristes. Leur servant de protecteur, parfois de receleur, de conseiller, de soutien et toujours d’intermédiaire. C’est bien cette politique catastrophique qui a fait du Mali un sanctuaire des groupes terroristes de la zoné sahélo-saharienne (mais maghrébine). Ce n’est pas par hasard si tous les combattants d’Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) ont fini par faire du Nord malien un Jihdistan accueillant ceux de Boko Haram et autres groupes jihadistes de Libye. C’est bien le choix d’un gouvernement qui a fait de cette région une zone de non-droit. Première exigence pour le Mali : recouvrer l’entière souveraineté sur l’ensemble de ces régions.
Parce qu’elles sont encore infestées par les groupes jihadistes, il est juste que le Mali bénéficie d’un soutien actif et réel des pays engagés dans la guerre contre le terrorisme. Mais très tôt, l’Armée malienne doit pouvoir par elle-même imposer son autorité partout sur le territoire malien. Une manière pour elle de faire oublier les revers de la dernière décennie.
Deuxième défi pour le gouvernement d’Ibrahim Boubacar Keita : rétablir la confiance entre le gouvernement central et les populations locales. Il s’agit d’aller au-delà des représentants de circonstance pour parler à ces populations, pour interpeller en elle la soif naturelle pour le bien-être et la sécurité et leur démontrer sur le terrain que l’Etat malien est désormais engagé à leurs côtés pour leur assurer justement paix et bien-être.
Troisième défi : mettre en confiance et en synergie les peuples et Etats voisins du Mali. Aucun des pays du champ ne peut être tranquille en sachant que le danger est encore là. Les menaces d’instabilité sont venues du Mali, que ce soit en Algérie, en Mauritanie, au Niger, au Sénégal, en Guinée ou… ou… Le Mali a constitué – constitue encore – une source d’inquiétudes pour ses voisins. Le besoin de le voir saisir l’opportunité de cette sympathie internationale largement exprimée lors de la cérémonie de signature des accords, ce besoin est très fort. C’est à la diplomatie malienne d’éviter les incompréhensions avec les voisins et les querelles inutiles.

Pour sa part la communauté internationale, toute la communauté internationale, doit cesser d’encourager les rébellions. Si les gens du Nord ne comprennent pas le message, il va falloir le leur faire comprendre par la fermeté vis-à-vis de leurs velléités répétées de travailler pour la partition du Mali. Aucun prétexte ne peut justifier cette partition.

dimanche 17 mai 2015

Quelle nouvelle politique du riz ?

Lors de sa visite à Kiffa, le Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz a eu droit à une exposition qui se voulait un lancement de la campagne pour la promotion du riz mauritanien. D’ailleurs, une série de sketchs et de spots publicitaires diffusés sur les antennes des télévisions et des radios nationales, avait accompagné cette campagne. Le gouvernement avait alors décidé de subventionner le riz mauritanien en le vendant dans les boutiques SONIMEX à 130 UM le kilogramme. Tout ça ressemblait à une belle opération «consommons mauritanien» que le gouvernement engageait.
La semaine dernière, le gouvernement a décidé de rehausser le prix du kilogramme de riz mauritanien pour le vendre à 205 UM au lieu de 130. Le riz mauritanien est-il devenu si convainquant ? n’a-t-il plus besoin de promotion ? L’on remarque qu’en même temps que le prix augmentait, les campagnes de promotion sont arrêtées. Alors ?
Il faut dire que la production de riz en Mauritanien a suscité – continue de susciter – de grands étonnements. Si dans le temps, la politique de production a été l’occasion de grandes malversations entrainant l’échec des politiques agricoles en Mauritanie, elle est restée, malgré les déclarations solennelles, l’une des poches de la gabegie.
En effet, c’est bien autour de la commercialisation du riz que les grosses affaires s’opèrent. Cela commence par le décorticage qui occasionne des contrats mirobolants au profit des propriétaires des usines et au détriment de l’acheteur principal qui est la SONIMEX. Cela continue avec les boutiques Emel où de nombreux trous financiers ont été détectés ces dernières années. Aujourd’hui, la SONIMEX aurait une sérieuse ardoise contractée auprès des usiniers. Et, plus grave, des quantités énormes de riz avarié achetés à prix fort.
Certains usiniers continuent de ne pas épurer leur passif en riz, des quantités pour lesquelles ils avaient été payés à l’avance par la SONIMEX qui n’a rien fait jusqu’à présent pour recouvrir ses biens.

La riziculture, imposée par la Banque Mondiale comme pôle du développement agricole dans la Vallée du Fleuve, a absorbé 90% des financements destinés au secteur. Depuis quelques années, le ministère de l’agriculture essaye de sortir d’une logique infernale en diversifiant la production. L’expérience réussie de la culture du blé, mais aussi le développement du maraichage dans des zones habituellement oubliées des politiques publiques, annoncent un revirement qui sera certainement bénéfique pour l’agriculture en Mauritanie. 

samedi 16 mai 2015

Blues et spleen, l’artiste est mort

B.B. King est mort à l’âge de 89 ans. Riley B. King, de son vrai nom a régné en maitre absolu sur la scène musicale depuis la fin des années 40. Il est resté le Roi du Blues. Incontesté, incontestable.
A la fin des années 70, le jeune lycéen que j’étais découvrait le blues comme genre de musique en même temps qu’il récitait Baudelaire et qu’il s’émerveillait devant les sonnets décrivant cet «esprit gémissant en proie aux longs ennuis», tanguant entre Spleen et Idéal. Une tragédie intime qui nous initiait à l’humaine condition en nous proposant de partager la douleur exprimée de la plus belle des manières : l’art poétique.
Quelqu’un nous offrait une vieille cassette de variétés américaines. Il y avait là notamment une interview de Marvin Gaye sur Motown, la célèbre maison de disques américaine. Il y avait aussi une ou deux chansons d’Aretha Franklin, d’Etta James, de James Brown qui nous était beaucoup plus connu et de B.B. King dont on n’avait jamais entendu parler.
Nous étions une bande de copains d’études que tout art émerveillait. On baignait encore dans une adolescence qui nous empêchait d’entrer carrément dans le cycle de la maturité. La musique, la poésie, la lecture, le théâtre étaient pour nous, plus que des moyens d’évasion, des armes de résistance. Résistance à la langueur qui commençait déjà à déployer sa chape. Résistance au reflux des idéaux humanistes qui s’annonçait déjà. Résistance à l’obscurantisme qui s’exprimait déjà dans les velléités à vouloir imposer à tous SA VERITE. Résistance à l’ennui qui détruisait toute volonté de se libérer des pesanteurs sociales, de s’émanciper des carcans iniques.
On apprenait que cette musique qui a donné le Jazz et même le rock’n’ roll, que le blues, contraction de blue devils (diables bleus) était né de la souffrance des noirs aux Etats-Unis d’Amérique. Qu’il avait quelques enracinements profonds en Afrique. On commençait à lui trouver des parentés avec le k’haal karr de la musique Bidhâne. Et quand on revenait aux gospels, à ce qu’ils comportent  d’inspirations religieuses, on rappelait dans nos discussions que le k’haal karr est consacré aux panégyriques dédiés à la gloire du Prophète Mohammad (PSL). Qu’en général, les mots sont composés de telle manière à exprimer en même temps la vanité de la condition humaine, le regret de ne pas avoir vécu en ces temps de sublimation où le Prophète (PSL) existait, la misère de la vie ici bas… Ecouter le k’haal karr vous procure une peine intense, c’est un peu «avoir le blues». Ce n’est pas par hasard que le medih (louanges au Prophète, PSL) soit devenu l’art de prédilection de la communauté haratine. Comme les gospels, il redonnait espoir face au dur labeur quotidien.
Nous apprenons que  comme beaucoup de nos artistes musiciens, B.B. King avait donné un nom à sa guitare qu’il appelait Lucille, un nom et une histoire. En 1949, l’artiste naissant se produisait dans un bar quand une bagarre éclate entre deux hommes. La bagarre est si forte qu’un incendie éclate. Dans la précipitation, B.B. King fuit comme tous les autres le lieu en feu. Il se rend compte qu’il a oublié sa guitare qui est sa raison de vivre. Il défie alors les flammes qui détruisent tout et réussit à sauver le plus cher des objets pour lui. Quand il apprend que la bagarre a été provoquée par un sentiment de jalousie autour d’une femme nommée Lucille, il décide de donner le nom à la chose qu’il aime le plus : sa guitare.
Le «Blues boy» vient de nous quitter. Il restera parmi nous, tant qu’on soufflera les airs : The thrill has gone, Everyday I have the blues, Rock me baby, Sweet sixteen ou Lucille.
Les 17 Grammy Award qu’il a obtenus en font certes l’artiste le plus distingué de tous les temps, mais ils ne récompensent pas l’immense talent de B.B. King. Adieu l’artiste !

vendredi 15 mai 2015

Le vrai problème

C’est une discussion provoquée par un ami qui interpellait l’un de nos médecins de retour d’un stage à Dakar. «Mon frère, dis-moi quelles différences as-tu perçues entre la médecine exercée en Mauritanie et celle exercée au Sénégal ?»
Le médecin regardé longtemps son interlocuteur avant de lui répondre : «La différence à mon avis ne se situe pas au niveau de la pratique médicale encore moins du niveau des praticiens, pas non plus de la qualité des services… La différence fondamentale vient des malades eux-mêmes». Et d’expliquer : «A son arrivée, le malade mauritanien est déjà sous pression psychologique de ses accompagnants. Par leur comportement, ils le convainquent qu’il arrive à terme du processus qui le mène à la mort fatalement. Ils ne s’arrêtent pas à ce niveau.
Quand je commence à l’ausculter, il se trouvera toujours quelqu’un qui va souffler que je tiens mal les instruments. Quand je le couche sur l’un des côtés pour avoir une meilleure vision, quelqu’un dira que j’ai aggravé sa situation. Lorsque je prescris un premier traitement en attendant les analyses, un autre dira toujours que ce médicament est pourri avant de conclure que le docteur lui-même ne sait rien faire…»
La suite nous la connaissons. Il faut courir chercher un parent, même s’il s’agit d’un infirmier. Avant de demander que le malade soit évacué, si bien sûr ses parents ont la possibilité de prétendre à un tel luxe.
En fait, cette attitude de défiance n’est pas seulement causée par l’exercice de nos praticiens qui a fait perdre aux usagers la confiance dans notre système sanitaire. Elle vient aussi de cette tendance à croire que tout ce qui vient de nous est moins que rien. Si bien que les phrases la plus partagées dans nos milieux, des plus simples aux plus complexes, de l’élite à la masse, c’est bien celle-là : «Ce pays est maudit. On ne peut rien en attendre. Tfou !...»
Tout ce qui indique la méprise. De là à la haine, il n’y a qu’un pas qui est allègrement franchi par beaucoup d’entre nous.
La médiocratie – l’ensemble du personnel administratif et politique – qui a fait main basse sur le pays, non pas par le mérite mais par l’exercice politicien (et mafieux) des affaires publiques, veut bien nous faire croire que tous se valent, tous se ressemblent.
Les nouveaux moyens de communication sociaux sont venus s’offrir aux plus entreprenants pour imposer cette sinistrose qui règne désormais sur nous.
On en oublie que les marchands de malheur ne peuvent être des promoteurs de futurs meilleurs. Ceux qui nous désespèrent du présent nous installent dans une attitude définitivement craintive de l’avenir. Rien ne peut plus nous faire espérer en un avenir meilleur à force d’entendre ces discours nous annonçant l’apocalypse imminente (guerre civile, effondrement de l’Etat…).
Heureusement que nous résistons encore à cette noirceur qui veut, tel un linceul, nous ensevelir inexorablement. Heureusement que nous comprenons que c’est une manière d’excuser le manque de perspective chez ceux qui ont fait du mauvais présage une arme pour se faire une place. Dépeindre en noir notre situation, nous désespérer de ce que nous sommes, c’est nous obliger à croire que tout ce qui peut advenir est mieux pour nous. Et, plus grave, que tout ce qui est advenu était meilleur. Annihiler le passé, assassiner le futur, en noircissant le présent.

jeudi 14 mai 2015

Enfants de la rue

Ce matin, j’ai découvert un groupe d’enfants dormant à ‘entrée de l’immeuble qui abrite les bureaux de La Tribune. Une image que je n’ai pas vue depuis longtemps : une dizaine d’enfants collés les uns aux autres comme pour compenser le manque de couverture et de matelas. Il n’ya pas de confort dans ces conditions. Alors on se sert pour donner l’impression de gagner, le temps d’une nuit, une chaleur humaine, une solidarité quelconque par le partage de cette condition difficile.
Le premier à se réveiller est le plus jeune. A peine soixante-dix centimètres, il doit peser moins de 25 kilogrammes. Un t-shirt jadis blanc, bouffant, et une culotte noircie par l’usage. Il se lève, ramasse un pot qui était là, s’en va à l’intérieur de l’immeuble et ressort avec de l’eau. Il se lave sommairement le visage comme pour chasser le sommeil et s’en va s’appuyer sur la voiture stationnée là.
L’un des habitants arrive et commence à réveiller la petite meute bruyamment. Sans violence, mais avec fermeté. Il les oblige à faire semblant de prier, ce qu’ils font sans ablutions. Ils se regardent et commencent à s’envoyer des invectives. Le plus âgé d’entre eux, celui qui a le plus de muscles ne semble pas être le chef. C’est un petit blanc, tout sale, qui donne les ordres. C’est d’ailleurs lui qui se lève le premier pour se diriger vers l’intérieur de l’immeuble : comme il est encore ensommeillé, il choisit de se recoucher sous les escaliers de l’intérieur. Il est immédiatement suivi par ses compagnons. Sauf le plus petit, le plus chétif qui s’est appuyé contre la voiture avant de sombrer dans un profond sommeil.
J’apprends qu’ils viennent depuis une semaine dormir dans le coin. Alors je décide de leur poser des questions. J’apprends par la bouche de l’un d’eux qu’ils travaillent pour le compte d’un homme d’affaires connu et qui a une entreprise de collecte de poubelle. Le plus âgé refuse de me parler de leurs familles et de leurs relations entre eux, se contentant de me donner le nom du personnage et de me dire : «nous enlevons la poubelle pour…» Mais ses réponses ne me satisfont pas.
Le chef – celui qui donne l’impression d’être le vrai leader du groupe – donne une autre version. Il s’agit d’un groupe qu’il utilise lui-même pour son «entreprise». Et de raconter «son» histoire.
Ce petit bout d’enfant raconte qu’il a fui sa famille – sa mère et son frère – pour les misères que lui faisait cet ainé «particulièrement méchant». Il a laissé sa mère quelque part en Adrar – il refuse de dire exactement où comme pour la préserver de ce qu’il considère «l’indignité de vivre» qu’il a adoptée. Grâce aux petits boulots, il a survécu jusqu’à présent. Il y a plus d’un an, il a réussi à avoir son propre âne et un attelage (charrette). Il a décidé alors de travailler dans la collecte des ordures. Les gens le payent pour transporter les ordures vers les dépôts et sur place il trouve toujours quelques bricoles qu’il remet en circuit moyennant des sommes plus ou moins importantes.
Conscient de son incapacité à faire marcher seul l’entreprise, il a mis sur pieds une bande de copains, ayant sensiblement son âge. Quand la situation va bien, ils travaillent jusque tard dans la nuit. Ils cherchent alors où dormir. Ils sont habitués depuis un certain temps à venir ici. Cela leur convient bien parce qu’ils ne font pas l’objet de brimades et ne sont pas sujet aux violences que leur font subir d’autres quand ils les découvrent dans leurs voisinages.
Il raconte même comment ils ont perdu leur âne pendant près de deux mois, comment ils l’ont retrouvé par enchantement trainant non loin de l’emplacement qu’ils avaient l’habitude d’utiliser comme enclos…
Ce phénomène, je le découvrais le matin en ce jeudi 14/5… au soir, j’apprends par la télévision l’adoption d’une loi ayant pour ambition d’éradiquer le travail des enfants. J’ai alors pensé à ces gosses qui travaillent pour eux-mêmes, à tous les enfants qui travaillent pour le compte de leurs parents, à tous les enfants jetés dans les rues pour mendier au profit de leurs marabouts, à tous les orphelins qui n’ont d’autre choix que celui-là… que va-t-on faire pour leur éviter justement de trimer dans des conditions difficiles ?  

mercredi 13 mai 2015

Bonne sortie plutôt

Télévision de Mauritanie interpelle, une fois par semaine, l’un des ministres du gouvernement pour faire une évaluation générale de son département. C’est une vieille émission qui a pour titre «al hukuma vi mizaane cha’b» (le gouvernement sur la balance du peuple). Mais il faut reconnaitre que cette émission animée par notre confrère Sidi Ould Nemine a connu une nette évolution. Il suffit pour cela de suivre son numéro de ce soir consacré au secteur de la santé.
Dans sa présentation, le jeune journaliste qui a accumulé une grande expérience malgré son âge, a touché à tous les aspects de la problématique du secteur. Les infrastructures sanitaires, les ressources humaines, la politique du médicament, l’incapacité du ministère à imposer son autorité, l’absence totale de confiance des usagers… Si bien que quand il prend la parole pour introduire ses propos, le ministre Ahmedou Ould Jelvoune se met dans la position de la contre-attaque : «J’essayerai d’utiliser l’occasion que vous m’offrez pour contrecarrer l’image extrêmement négative qui vient d’être présentée en parlant du secteur…»

Le ton est donné. Il s’agira d’une véritable discussion entre un journaliste qui veut savoir (et faire savoir au ministre les appréciations qu’on a du secteur) et un ministre qui veut convaincre pour inverser l’image. Le refus du premier de se contenter d’écouter simplement et la détermination du second à donner des chiffres, tout cela a fini par donner une bonne émission.

mardi 12 mai 2015

L’exemple anglais

La victoire des conservateurs aux législatives de la semaine dernière en Grande Bretagne, cette victoire a fait l’effet d’un tsunami sur la classe politique de ce pays. La plupart des hommes politiques ayant subi la défaite ont été obligés de démissionner pour dire qu’ils avaient tiré la leçon de la débâcle. Du coup, partout en Europe, particulièrement en France, le débat a été ouvert autour de la nécessité d’imposer l’attitude comme une loi.
Pour beaucoup, «c’est la seule façon de provoquer le renouvellement de la classe politique». Pour d’autres, «il est temps d’exiger des acteurs politiques de répondre de leurs mauvais choix, de leurs mauvaises prestations». Car ailleurs, particulièrement en France, les acteurs politiques se comportent en véritables «opérateurs» se permettant les hauts et les bas qui s’imposent à eux, jouant à volonté de la démagogie et du populisme et ne répondant jamais de leurs déboires.
Héritage laissé par la colonisation ou caractéristique sociale «autochtone» ? Le fait de ne jamais répondre de ses actes caractérise aussi l’espace politique mauritanien. Plus qu’ailleurs, l’acteur politique n’est pas tenu ici d’avoir un parcours exemplaire, de payer pour ses choix et ses engagements. D’abord parce que la politique est assimilée à un jeu où la perfidie et le mensonge sont des armes à utiliser. Ensuite parce que la mémoire commune ne retient rien du parcours, souvent chaotique de ces acteurs. Ils s’affranchissent alors de toutes les considérations morales qui devaient leur imposer d’avoir un cursus irréprochable, clair et rigoureux. Deux illustrations.
Monsieur X a longtemps milité dans un parti d’opposition. Il a longtemps joué des coudes pour se faire une place auprès du leader de son parti. Allant jusqu’à manœuvrer pour faire le vide autour de ce leader afin de se présenter comme le plus fidèle des soutiens. Il a réussi à pénétrer l’espace intime du leader. Poussant cette intimité jusqu’à accéder à tous les aspects de la vie personnelle de son chef.
Arrivé à ce stade, et sans transition, Monsieur X nous annonce sa décision de changer de camp. Il rejoint le camp du pouvoir. Commence pour lui une frénétique course de communication. Il lui faut faire la démonstration de son nouveau positionnement. Cela se traduit sur la place publique par des attaques violentes (parfois vulgaires) contre son ancien leader et son parti. En cachette, il doit avoir livré tout ce qu’il sait de la vie cachée de celui dont il a su violer l’intimité.
Mais en général, un comportement comme celui-là finit toujours par «consommer» son auteur. Ses nouveaux maitres ne se pressent pas de le récompenser (même si…). Il attend. Intervient alors un changement. Les maitres ne sont plus les maitres. L’espoir de voir ses anciens «amis» devenir les maitres est grand. Et avec lui la volteface de Monsieur X.
Monsieur Y est un cadre du parti au pouvoir, de tout parti au pouvoir. La dernière fois qu’on l’a entendu publiquement parler, c’était pour vilipender les opposants au régime qu’il défendait. Il montait alors combines sur combines pour diaboliser les opposants, fustiger leurs causes, débaucher leurs militants les plus significatifs, les accuser de tous les maux…
Il participait sans vergogne au sac du pays, à la corruption des mœurs politiques, au pillage des ressources publiques, au détournement des programmes de développement, à la culture de contrevaleurs…
Arrive le moment de la fin d’un cycle. Monsieur Y fait semblant d’être quelqu’un d’autre. Il découvre subitement qu’il y a de l’injustice dans l’exercice quotidien du pouvoir, qu’il y a la mauvaise gestion, qu’il y a les pratiques esclavagistes, qu’il y a des inégalités sociales criantes… Il adopte les causes justes et réussit à faire oublier qu’il a été l’artisan – ou l’un des artisans – du système qu’il dénonce désormais. Il est «militant» et même «victime». Il côtoie à cet effet les honorables défenseurs des causes justes, réussit à les devancer dans le mouvement en occupant les premières lignes, à couvrir de sa voix les leurs.
Dans la Mauritanie d’aujourd’hui, c’est désormais Monsieur X et Monsieur Y qui sont l’incarnation des causes justes, du combat des déshérités, du soulèvement des victimes… après avoir été les bourreaux d’hier, les complices de tout temps… ils confisquent aujourd’hui la grandeur du combat à mener pour l’émancipation de l’homme mauritanien et salissent la noblesse de cette cause.
Monsieur X et Monsieur Y ne sont que des échantillons de toute une classe politique qui refuse se remettre en cause, de se démettre, de quitter la scène malgré ses excès.