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dimanche 5 avril 2015

Jean-Christophe Rufin se trompe

C’est en lisant une interview accordée par Jean-Christophe Rufin à un site électronique étranger que je suis tombé sur cette information : «La Mauritanie est aujourd’hui le porte-avion français dans cette région. La base d’Atar, à l’ouest du territoire, qui concentre l’essentiel de notre aviation dans la zone a rapidement constitué une alternative par rapport à la base de Dakar. Elle a l’avantage d’être dans une partie reculée à l’abri de l’opinion publique».
Ce bout d’information argumente le jugement de ce grand spécialiste de la région, spécialiste pour avoir exercé dans certains pays comme le Sénégal, avoir écrit un roman qui a eu un succès autour de la thématique du Jihadisme et avoir joué un rôle de premier plan dans les pourparlers qui ont donné l’Accord de Dakar entre les protagonistes de la vie politique en Mauritanie. Pour être aussi médecin, historien, écrivain, diplomate et académicien.
Mais ce bout d’information qui fonde tout ce qui a été dit sur les rapports entre pouvoirs sahéliens – et notamment mauritanien – et la France de François Hollande, ce bout d’information est faux du début à la fin. Rien n’est vrai dans ce qui est dit ici avec autant de désinvolture et d’assurance en même temps.
Atar n’est pas à l’ouest de la Mauritanie, mais au nord-est, au nord si l’on veut être plus précis. Elle n’a jamais concentré une aviation française pour constituer une alternative à une quelconque base aérienne pour la France, à plus forte raison celle de Dakar. L’aéroport d’Atar est situé dans la ville et n’est donc pas une partie reculée à l’abri de l’opinion publique. Le mouvement des avions se limite à quelques rotations d’avions de combat Tucano achetés dernièrement au Brésil par la Mauritanie, ou encore à des arrivées et départs d’avions de type CESSNA appartenant à l’Armée de l’Air mauritanienne. Dans les périodes de formation des élèves officiers de l’Académie de l’Air d’Atar, ce mouvement est un peu plus intense que la normal. Sinon, le rythme doit être celui de trois à quatre rotations par semaine, sauf cas exceptionnel. On ne peut rien cacher de ce qui existe sur cet aéroport, du reste très ouvert sur son environnement. Alors la Mauritanie ne peut pas être le porte-avion français dans cette région.
Jean-Christophe Rufin doit revoir sa copie et trouver d’autres arguments pour corroborer ses thèses sur les nouvelles relations de la France à l’Afrique. Pour ce qui est de la politique de François Hollande dans la région, pourquoi oublier les déboires des opérations Serval, Sangaris, Barkhane… ? Notre académicien aurait trouvé de meilleurs arguments pour stigmatiser la politique du Président actuel.
Nous savons que ce qu’il a écrit ici sur Atar et le rôle de la Mauritanie pour l’aviation française est faux. Alors qu’en est-il de tout ce qu’il écrit sur les autres pays que nous ne connaissons pas ? C’est ici la raison du dépit, parce qu’on a toujours lu Son Excellence avec intérêt, on a souvent adopté ses explications sans réserves. Et maintenant ?
Par ailleurs, ces affirmations venant d’un spécialiste peuvent bien justifier le ciblage d’Atar et de son aéroport par les groupes jihadistes qui écument dans le Mali voisin. N’est-ce pas là une sorte d’excitation de ces illuminés qui s’attaquent à tout ce qui peut relever des intérêts français à leurs yeux ?

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