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mercredi 7 janvier 2015

L’horreur au siège de Charlie Hebdo

Ils avaient bien calculé leur coup : cette réunion de rédaction de Charlie Hebdo sera la dernière pour les plus brillants des dessinateurs de cet hebdomadaire «bête et méchant». Quand les agresseurs ont crié dans la rue «Nous avons tué Charlie !», ils exprimaient là toute l’absurdité du crime crapuleux qu’ils venaient de commettre. En ce mercredi matin, les secondes qui ont précédé la tuerie, Charlie Hebdo est au bord de la faillite. Ses provocations désinvoltes, son style corrosif à l’excès, son irrévérence maladive, ses acharnements contre une religion donnée (l’Islam), la stigmatisation de l’Islam cultivée comme un dogme… tout ce qui fait le journal satyrique a fini par lasser malgré la brillance des dessinateurs qui sont là. Même l’intelligence, même la puissance de la créativité finissent par forcer au détournement des regards à force d’éblouir.
Depuis près d’un an, Charlie Hebdo ne vend plus 50% de son tirage – à peine 30.000 exemplaires. Le journal subsiste grâce à quelques dernières volontés, des donateurs sur le point d’arrêter. Les journalistes sont aux abois. Il est très probable que l’un des sujets évoqués en cette matinée de réunion hebdomadaire de la rédaction, était l’état critique du journal.
Les meurtriers sont venus. Ils ont froidement tué et blessé ceux qui étaient là avant de se retirer en disant qu’ils venaient de «venger le Prophète Mohammad» (PSL).
Au-delà de tout ce qui sera dit sur les meurtriers et leurs intentions, sur l’Islamisme et le radicalisme, sur l’intégration des Musulmans de France, ou sur l’horreur du geste malheureux, il est important pour nous ici de savoir qu’il s’agit certainement là d’une affaire franco-française. Même si elle met en cause des égarés de l’Islam de France, elle ne peut et ne doit satisfaire chez nous aucune soif de vengeance. Elle ne peut et ne doit être considérée comme un acte d’héroïsme à célébrer. Elle ne peut et ne doit susciter chez nous un quelconque sentiment d’approbation ou de culpabilisation. Hormis le dégoût que suscite toute haine, la révolte qu’inspire tout extrémisme, le refus que nourrit toute barbarie. Nous sommes des humains et en cette qualité, nous sommes choqués par tout ce qui peut découler de la déshumanisation des individus.
Non, le problème en France n’est pas l’Islam, ni les Musulmans, encore moins leur capacité à s’intégrer, à fondre dans la République, à en reconnaitre et à en assimiler les préceptes. Le problème, c’est bien la capacité de la société française, d’essence judéo-chrétienne, à adopter l’Islam et ses fils. Les dérives s’alimentent les unes les autres. Les extrémismes se nourrissent les uns des autres. Dérives et extrémismes naissent de l’excès qui peut prendre la forme de marginalisations, d’exclusions, de stigmatisations… tout ce qui est le lot de la communauté musulmane de France… comme si cette communauté n’était pas la deuxième du point de vue nombre après celle catholique… Ils naissent certainement de la gausserie continuelle : à force de se sentir indexé, vilipendé, moqué, raillé…, on finit par perdre son sang froid, sa modération, sa raison…
Mercredi 7 janvier 2015, un peu avant 11 heures du matin, le journal Charlie Hebdo vit des moments difficiles qui peuvent sonner le glas de son existence, la société française est déboussolée par l’absence de propositions politiques et d’hommes ayant le charisme pour la faire rêver à un avenir meilleur, le Parti Socialiste au pouvoir se débat dans ses contradictions internes, le Président François Hollande est au plus bas dans les sondages, l’économie française peine à se relever…
Ils sont venus, ils ont tué et semé la panique… Ils ont oublié que leur geste pourrait sauver ce qui peut l’être : Charlie Hebdo, le Parti socialiste, François Hollande, la société française et finalement la France.

C’est en cela que ce 7 janvier 2015 s’apparente à un certain 11 septembre 2001.

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