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dimanche 9 novembre 2014

Il était une fois dans l’Oued ou Pèlerinage à Azougui

A quelques kilomètres d’Atar, on descend la passe de N’tarazi et on se trouve «aspiré» par la plénitude… Au bas de la montagne s’étalent de grandes oasis qui épousent parfaitement les parcours des oueds qui ont creusé la vallée de Teyaret… Au nord-est la montagne, à l’ouest la montagne, à l’est la montagne… la pierre noire qui met en valeur la couleur du sable qui entoure les palmeraies comme pour les engloutir… Un relief qui s’est constitué sur des millions d’années. Une occupation humaine qui date d’au moins dix siècles.
Il y eut probablement une peuplade appelé Bavour. On ne sait pas grand-chose de cette peuplade sinon que sa langue était l’Azer, un mélange de berbère et de soninké. D’ailleurs on en trouve quelques résidus dans le parler des Soninkés d’aujourd’hui.
On dit que les Bavour avaient été convertis au Christianisme puis au Judaïsme et enfin à l’Islam. Qu’ils adoptèrent enfin un islam kharijite ibadite. On dit aussi qu’ils avaient une capitale où le chien était l’animal le plus présent, d’où le nom donné par les voyageurs arabes «medinat el kilaab» (la ville des chiens). C’est dans cette ville que l’Imam Al Hadrami aurait écrit son essai politique qui présageait Le Prince de Machiavel. C’est ici que ce vénérable érudit serait mort et aurait été enterré.
On dit qu’elle deviendra l’une des premières forteresses des conquérants almoravides (Mourabitoune), qu’elle aurait été prise par le frère de Yahya Ibn Omar, l’un de leurs chefs. Au fil des siècles et des conquêtes, Azougui a finalement été une prestigieuse oasis coincée entre les plateaux de l’Adrar, là où ils culminent.
L’un des notables de la ville, Ahmed Ould Eyih nous relate gentiment l’histoire d’Azougui. Il peut surprendre d’entendre un homme de cet âge tenir des propos d’une certaine rigueur scientifique, expliquant la succession de peuplements sans état d’âme particulier et avec une note de fierté certaine.
Il nous fait visiter les anciens monuments sortis des décombres par des fouilles qui ont cessé depuis longtemps, puis la tombe de l’Imam Al Hadrami. Sans excès, il explique que l’intérêt public à ce pan de l’Histoire ne semble pas effectif. «Des responsables viennent de temps en temps promettre que des travaux vont être entrepris, que des efforts vont être consentis… mais on attend toujours…»
Commencées effectivement au milieu des années 70, les campagnes de fouilles du site d’Azougui se sont brutalement arrêtées au début des années 80. Ils avaient permis de déblayer une partie de ce qui paraissait être les pans d’une forteresse ancienne. Juste sur une surface qui ne doit pas dépasser les 15 m2 et qui affleure encore malgré l’abandon par les officiels des travaux. Faute de moyens et de personnels qualifiés, la Mauritanie est incapable de continuer les travaux de recherche archéologiques commencés sous l’égide d’experts français et sur financement de la coopération française.
Il y a aussi le manque d’intérêt certain des autorités et du public pour tout ce qui touche au patrimoine, particulièrement les vestiges anciens.
Dans les années 60, le pays était une véritable Mecque pour les archéologues. A partir de Dakar, des missions ont organisé de nombreuses campagnes de recherches. Le mouvement était si intense que la Mauritanie se trouva dans l’obligation de créer son propre institut de recherches scientifiques (IMRS). Il aura pour mission de préserver, de valoriser et de développer la connaissance du patrimoine national. Au début des années 70 les fouilles à Tegdawst (Awdaghost) et Koumbi Saleh en font un véritable instrument de recherches scientifiques. L’appui personnel du Président Moktar Ould Daddah aux efforts des chercheurs qu’il rencontrait souvent et qu’il visitait sur les lieux de travail parfois, cet appui a réellement servi.
Une véritable école de l’archéologie de la période médiévale a ainsi vu le jour ici. Les professeurs-chercheurs Serge et Denise Robert, Bernard Saison, Sophie Berthier, avec le concours de sommités comme Jean Devisse, encouragèrent des étudiants de l’Ecole normale supérieure de Nouakchott à s’orienter vers le domaine de l’archéologie médiévale. D’autres comme Robert Vernet eurent des disciples dans la recherche en préhistoire. Un engouement certain naquit chez les étudiants de l’ENS pour ces histoires du passé. Une ferveur qui allait survivre aux aléas jusqu’au milieu des années 80.
L’arrivée au pouvoir en France des Socialistes a changé les orientations dans la priorisation des secteurs d’aide au développement. Au moment où le retrait de l’expertise française ne pouvait être entièrement comblé. Comme tout le secteur de la culture, celui de la recherche et particulièrement de l’archéologie tomba en désuétude. Quelques tentatives de le relancer cependant.
Celle couvrant la préhistoire et qui a permit à Robert Vernet de revenir grâce à un accord avec le pétrolier Total. Pour éviter que les recherches et essais sismiques ne détruisent les sites anciens, des campagnes de recherche ont été lancées sur financement de la société et impliquant un personnel mauritanien. De ces campagnes sortirent des cartographies et descriptions de sites préhistoriques où étaient enfouis d’immenses trésor témoignant d’un néolithique florissant.
Quant à l’archéologie médiévale, des campagnes ont failli être lancées au niveau de Koumbi et Tegdawst en 2007. Alors que les contrats étaient signés, que la logistique avait été déployée, que les équipes s’apprêtaient à se rendre sur les lieux, survint l’assassinat des touristes français à Aleg. Un autre crime des groupes jihadistes… Tout s’arrêta.
On est aujourd’hui au point mort. Pour relancer la recherche dans le domaine il faut d’abord la volonté politique, ensuite les moyens financiers et humains, enfin l’intérêt prononcé (et partagé) pour le patrimoine… autant dire l’impossible ou presque.