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samedi 15 novembre 2014

Le conte qui m’interpelle

Il était une fois «le centre Moawiya» - du nom de l’ancien Président Moawiya Ould Taya qui avait lancé la fameuse campagne de la promotion du livre qui devait combler le vide en matière culturelle, supplanter l’exigence de réforme du système éducatif, occuper les esprits et leur oublier tous les problèmes qui pesaient lourdement sur l’avenir du pays.
A Nouakchott, le «centre Moawiya» devient «le centre culturel de la Commune Urbaine» grâce à l’ancien président de la CUN, Ahmed Ould Hamza qui tente d’en faire un lieu d’échanges culturels et de manifestations. La direction du centre est confiée à Mohamed el Mechri Athié, un professionnel de l’animation culturelle qui essaye de faire du lieu un point de convergence avec l’appui de la nouvelle présidente de la CUN. Tout le monde est donc conscient de la nécessité de donner au «seul centre culturel national de Nouakchott, sinon du pays» ses lettres de noblesse. Ce weekend, le centre reçoit les conteurs… des conteurs qui rivalisaient de talent…
Il était une fois un berger qui possédait un troupeau de moutons. Il aimait naturellement ses bêtes et ne voulait en perdre aucune, sous aucun prétexte. Notre berger était sourd, si sourd qu’il n’entendait absolument rien.
Un jours, il perdit son troupeau et alla de champ en champ le chercher. Au milieu des champs, il tomba sur une femme qui travaillait tranquillement la terre. «Avez-vous vu un troupeau de moutons fraichement tondus ?» La dame, elle aussi sourde, si sourde qu’elle n’entendait absolument rien de ce qu’on lui disait, la dame crut que le voyageur curieux voulait savoir les limites de son champ. «Mon champ, il va de quelques mètres d’ici à plus d’un kilomètre dans cette direction». Merci lui rétorqua le berger, «si je les trouve dans la direction que tu as montrée, je te promets de te donner une bête».
Le berger partit dans la direction qu’il avait cru indiquée. La Providence a fait qu’il retrouva effectivement son troupeau. Il revint sur ses pas, décidé à tenir sa promesse. Mais en route il choisit une bête blessée comme cadeau à la femme qui l’avait quand même aidé. La femme, le voyant transporter une bête qui semblait mal en point, s’inquiéta. «Voilà le mouton que je t’avais promis, madame». En lâchant la bête, la femme vit qu’elle boitait. Elle crut que le berger l’accusait d’avoir fait du mal à sa bête, elle commença à se défendre : «non ! ce n’est pas moi, monsieur ! je n’ai rien fait à ton mouton, d’ailleurs je ne les ai pas vus».
Le ton monte – c’est une façon de parler. L’homme croyant que la femme récusait le mouton parce qu’il était blessé expliqua que «c’est bien la bête promise et de toute façon il n’avait pas d’autre à offrir». La femme elle contestant ce qu’elle croit être une accusation. Enervements de toutes parts avant l’intervention de passants.
Tout le monde finit devant le Juge qui était lui aussi sourd, si sourd qu’il n’entendait rien. Il donna la parole à chacune des parties. Le berger répéta que cette femme avait eu la diligence de lui montrer où se trouvait son troupeau. Il offrit un mouton en signe de reconnaissance. «Mais elle refusa de le prendre voulant avoir à choisir entre mes bêtes celle qui lui convient le plus. Ce n’est pas juste».
La femme raconta sa version, celle d’une cultivatrice qui travaillait tranquillement son champ quand cet homme est venu lui demander les limites de son champ. Il revint un moment après l’accuser d’avoir blessé l’une de ses bêtes. «Voilà, par mon fils, là sur mon dos, je dis la vérité : je n’ai rien à voir avec cette bête».
Le Juge s’absorba dans ses pensées avant de regarder dans la direction de la dame, puis il se pencha pour bien voir le bébé qu’elle portait sur son dos, le regarda longuement et conclut : «Ecoute, vous les hommes, vous êtes incorrigibles. On n’a pas besoin d’être devin pour voir l’étonnante ressemblance entre vous et cet enfant ! Allez prenez votre responsabilité et acceptez qu’il s’agit bien là de votre fils…»
Morale de l’histoire : peut-on s’entendre quand on ne peut pas entendre ? peut-on savoir et comprendre ce qui se passe quand on ne peut pas saisir de quoi il s’agit ?
Qu’en est-il quand on ne veut pas entendre, s’entendre, savoir, comprendre ou saisir ce qui se passe ?

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