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mercredi 3 septembre 2014

Même si le pari de la CUN n’est pas encore gagné

Quelques semaines après son arrivée à la tête de la Communauté urbaine de Nouakchott (CUN), Maty Mint Hammady est surprise par l’ultimatum de Pizzorno, la société française qui a eu en 2006 le marché de nettoyage de la ville de Nouakchott.
Le marché avait suscité des curiosités malsaines, fondées ou non, à l’époque où l’on soupçonnait les détracteurs du régime de la transition d’avoir été «extrêmement complaisant avec l’opérateur français» qui aurait profité du lobbying de l’ancien ministre François Léotard.
Selon une enquête de Rue89, «fin 2007, {le ministre} aurait fait office d’intermédiaire pour le compte de l’entreprise française de recyclage Pizzorno afin de remporter l’appel d’offres pour la gestion de la décharge de Tunis. Du lobbying auprès du clan Ben Ali, juteusement récompensé de 120 000 euros par an.
Par la suite, il a rejoint le conseil d’administration de l’entreprise et poursuivit son rôle de lobbyiste en Mauritanie où Pizzorno a remporté le marché pour la collecte des déchets à Nouakchott, la capitale».
Pour 112 millions d’euros, la société Pizzorno s’engageait à enlever les ordures de la capitale sur une période de 10 ans par l’intermédiaire de sa filiale DRAGUI Transport Mauritanie. La société entendait engager 600 salariés pour remplir sa mission qui a effectivement commencé le 1er juin 2007. Sept ans après, la société est en conflit ouvert avec les autorités mauritaniennes.
En mai dernier, quelques semaines après la mise en place du nouveau bureau de la CUN dirigé par Maaty Mint Hammadi et un mois avant le lancement de la campagne présidentielle, l’opérateur français envoyait un ultimatum pour dire qu’il suspendrait toute activité tant que les arriérés qui lui sont dus ne seront pas payés.
Le 12 juin, il rendait public un communiqué dans lequel il expliquait : «La filiale mauritanienne du Groupe subit d'importants retards de paiements, dont le montant s'élève à ce jour à plus de 10 M€. En raison de ces difficultés, amplifiées ces derniers mois, le Groupe a été amené à interrompre temporairement ses activités le 26 mai dernier afin de sensibiliser, par cette ultime action, les autorités au respect des termes du contrat.
Notre filiale a donc proposé un arbitrage pour une solution amiable préservant les intérêts de chacun. Cette proposition n'a pour l'instant pas trouvé de réponse positive auprès de notre client, cependant le Groupe PIZZORNO Environnement met tout en œuvre pour régulariser cette situation avec les autorités compétentes
».
Tout en expliquant que les impayés résultent notamment «d’une convention de révision des prix et les intérêts moratoires non payés depuis 2008, conformément à l’application des contrats objets de l’exécution de la mission de PIZZORNO». Toujours selon les explications fournies à la presse, l’entreprise aurait écrit au directeur général de l’Agence  de Développement Urbain (ADU) pour solliciter «le règlement de 50% du montant dû afin de permettre à la société d’acquérir un certain nombre de matériel roulant pour remplacer un parc vieux de 7 années, en date du 27 octobre 2013».
En arrêtant ses activités à un moment aussi marqué par les événements politiques, il est clair que la société française mettait la pression sur la Mauritanie sans toutefois attendre les résultats de l’arbitrage demandé. Le litige a finalement atterri devant les juridictions mauritaniennes parce que la CUN a été plus prompte à déposer plainte.
Restait pour la CUN et pour sa présidente fraichement désignée de relever le défi d’assurer la propreté d’une ville tentaculaire. Avec, en prime, une mentalité de ruraux qui n’ont aucun sens de l’organisation de l’espace citadin et l’hostilité d’un environnement politique et médiatique qui exigeait tout et maintenant.
Malgré le manque d’expérience dans le domaine, la CUN choisit de faire face par elle-même. Aujourd’hui, près d’une centaine de camions – 92 exactement – et une douzaine de chargeurs travaillent jour et nuit pour assurer le ramassage des ordures dans une ville où certaines zones sont inaccessibles. Sur le plan social, l’action de la CUN a permis d’engager quotidiennement 1300 personnes en moyenne, payées 2.400 UM par jour de travail.
Au début, les difficultés étaient énormes. D’abord la nécessité de tout créer, ensuite la mobilisation des financements et enfin la méthode de travail. Mais aujourd’hui, la situation a nettement évolué. Moins d’ordures dans les rues, des équipes de veille ont été déployées dans la ville, les poches de dépôts d’ordures sont traitées quotidiennement mieux qu’avant… L’hivernage n’est pas un facteur favorable, mais on peut dire que «quelque chose a été fait» pour parer au plus pressé et pour éviter d’être pris en otage par l’opérateur français.

Cela coûte naturellement à la CUN : au lieu de la moyenne des 370 millions UM (environ) qu’il fallait verser mensuellement, la CUN en verse aujourd’hui un peu plus que 400. Ce pactole doit être prélevé sur les enveloppes de projets qui devaient servir à la ville et ses habitants. Il s’agit là d’un sacrifice qu’il fallait faire pour la bonne cause. En attendant, soit de trouver un accord avec l’opérateur français (rien n’est définitivement exclu), soit de lancer un nouvel appel d’offres pour donner le marché à un autre opérateur. Pour le moment, on peut dire que la présidente de la CUN s’en tire plutôt bien.

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