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jeudi 17 juillet 2014

Soirées du Med’h

Heureuse initiative que celle qui a consisté à organiser un festival «Layaali al mad’h» (les nuits du Med’h), ce genre consacré aux louanges du Prophète Mohammad (PSL). Pendant trois nuits, des troupes reconnues se produiront dans l’espace de Biodiversité de Nouakchott. Ce sera l’occasion pour ces troupes d’étaler leur art séculaire.
Dans son discours d’ouverture, le directeur du Festival, Mohamed Ali Ould Bilal devait déclarer que «plusieurs historiens d’origines diverses et d’appartenances différentes se sont mis d’accord sur l’origine du Meddih qui constituait une forme d’expression utilisée par certaines communautés qui souffraient de privations diverses, implorant ainsi la puissance divine à travers les louanges au Prophète, pour plus de justice et de miséricorde, dans un esprit de grande spiritualité, loin de toute idée de vengeance ou de violence» (traduction distribuée par les organisateurs).
Ce qu’on veut dire ici, c’est que le genre «Med’h erçoul» (louanges du Prophète, PSL) fut un exutoire pour la caste des esclaves. Une lecture du phénomène qui occulte toutes les formes de ce Med’h. Il fut ce que furent les Gospels aux noirs d’Amérique.
Si l’objectif des Nuits est de célébrer le Prophète en perpétuant ses louanges à travers les chants qui lui sont dédiés, il aurait été plus adéquat de faire appel à toutes les écoles que je me permettrai de diviser en trois.
Celle qui est effectivement la spécialité des Haratines. On se souvient encore dans les campements de ces soirées qui commençaient tard dans la nuit autour d’un meddah accompagné par plusieurs chedad (chœur). C’est souvent le meddah qui joue au tamtam alors que le chœur et l’assistance sont chargés de faire l’ambiance qui accompagne. Je ferai appel à deux expressions et une promesse (sagesse) pour expliquer la portée de ces concerts nocturnes.
«il hammu li’bu yizyaan, isabag hem ilbidhâne», celui qui veut que sa prestation soit belle doit d’abord en finir avec les tâches qui lui sont confiées par les Bidhâne, sous entendu par ses maîtres. Le moment choisi est fatalement tard dans la nuit, quand on aura fini de traire les animaux, de servir les repas, d’accompagner les maîtres pour leur sommeil… quand tous les autres n’auront plus besoin du meddah que celui-ci a le droit d’aller célébrer celui d’ont il espère l’intermédiation devant la Toute Puissance divine, le Prophète Mohammad PSL.
«Ijiih ‘la med’h erçoul», il s’agit là d’une expression utilisée quand on veut dire que quelqu’un vous en veut gratuitement, sans raison aucune. On dit alors qu’il peut vous en vouloir parce que vous aurez chanté le Prophète PSL. On imagine aisément les conflits qui naissaient si le meddah s’aventurait à filer danser et chanter sans avoir terminé les besognes confiées par le maître. La sanction tombe alors pour la faute qui consiste à …chanter le Prophète.
La deuxième forme du med’h est celle pratiquée par certains milieux maraboutiques et qui est perpétuée aujourd’hui par des ensembles reconnus dans les villes anciennes (Chinguitti, Wadane, Tichitt et Walata). Dans le sud-ouest, existe encore l’école d’Ehl Ethfaqa A’mar grâce au merveilleux talent notamment des filles. En Inchiri, il existe un genre particulier. Il faut ajouter à cette forme, celle pratiquée dans les milieux soufis. Il s’agit d’un med’h qu’on peut qualifier d’élitiste parce qu’il est le fait d’une élite religieuse, ou de familial quand il perpétue une tradition.
La dernière forme est celle consacrée par des griots donnés. Ceux-ci choisissent de vouer leur art ancestral à la pratique des louanges du Prophète PSL. Le 20ème siècle a vu Ahmedou Ould Meydah exceller dans cet art. Aujourd’hui, Mohamed Ould Chighali est en train de faire son chemin.
Il est vrai – c’est incontestable – que le med’h pratiqué par les Haratines a dépassé le cercle restreint de l’expression d’un refuge, de la recherche d’un moment de fuite, pour devenir un art reconnu par tous. D’où l’importance de la promesse faite à tout celui qui participe à la célébration des louanges du Prophète Mohammad : le muscle qui réagit en accompagnant le rythme produit ne pourra jamais être exposé à l’Enfer promis aux mécréants et apostats. Une belle manière d’autoriser et même de sacraliser les séances du med’h qui sont finalement des moments d’échanges, de communion et de célébration, des moments sans frontières sociales.
«Bientôt incha Allah nous jouerons ici au bâton (enneygour), nous danserons ici Bendja, Degdague, Tekre, Entoussan et nous écouterons les notes de Neyfara, Erbab, qui enchantent l’âme… Tout en continuant bien sûr à chanter les Louanges du Prophète», promet le directeur du festival.
L’ensemble du folklore ainsi énuméré est un pan essentiel de la culture bidhâne, celle qui fait la spécificité de cette société, celle qui est sa vraie richesse, qui est l’emblème de son identité, sa source de fierté. Ce pan de la culture mérite d’être célébré. Il mérite un festival, non pas de trois nuits, mais de plusieurs nuits pendant lesquelles toutes les variations seront présentées. C’est aussi une promesse faite par les organisateurs du présent festival.

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