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vendredi 11 avril 2014

De la cybercriminalité

Une vague de protestations contre le projet de loi sur la cybercriminalité. Les organisations peuvent être de bonne foi dans leurs démarches. Mais je rappelle que ces organisations ont toutes – ou presque – passé sous silence les appels lancés par les syndicats et groupes de Ulémas, d’Imams, de prédicateurs visant à limiter le champ de la liberté d’expression. Elles n’ont nullement été outrées par les attaques virulentes et dangereuses contre la liberté d’expression et parfois contre des organes de presse donnés.
De quoi a-t-on peur ? Le texte – au moins de sa version française – ne diffère en rien de ce que l’on retrouve dans les autres pays. D’ailleurs, l’objectif premier de l’action commune est bien d’harmoniser les législations nationales en vue de les adapter à un canevas universel.
La loi mauritanienne nous dit qu’«au sens de la présente loi, on entend par cybercriminalité toute infraction pouvant être commise au moyen d’un système informatique connecté à un réseau» (Article 1). De manière générale, on considère que la cybercriminalité couvre «toutes les infractions pénales susceptibles de se commettre sur ou au moyen d’un système informatique généralement connecté à un réseau». Que ce soit celles liées aux piratages de toutes sortes, celles qui occasionnent des crimes organisés comme le blanchiment d’argent et la contrefaçon, ou encore celles où l’utilisation de l’outil informatique sert à cultiver la haine raciale, la stigmatisation pour raisons d’appartenance, à magnifier le terrorisme, à créer des réseaux de pédopornographie…
C’est certainement le traitement de cette dernière catégorie d’infractions qui fait tiquer le plus. Nous sommes dans un pays où la parole et l’écrit ne portent visiblement pas à conséquence. L’explosion du net chez nous a créé une culture de la rumeur qui fait fi des faits et propage le faux. On ne recule devant rien pour fustiger son adversaire et pour jeter l’opprobre sur lui. Ces dérives vont très souvent jusqu’à faire publier des textes racistes et xénophobes. Voilà pourquoi, le projet de loi accorde une grande importance à cet aspect.
Définition des données racistes et xénophobes : «tout écrit, tout matériel, toute image ou toute autre représentation d’idées ou de théories qui préconise ou encourage la haine, la discrimination ou la violence contre une personne ou un groupe de personnes, en raison de la race, de la couleur, de l’ascendance ou de l’origine nationale ou ethnique ou linguistique ou de la religion, dans la mesure où cette dernière sert de prétexte à l’un ou à l’autre de ces éléments ou qui incite à de tels actes». N’est-ce pas la fin de l’impunité pour tous ceux qui nous abreuvent de discours sectaires et racistes ? 
En son article 19, la loi stipule : «Quiconque aura, intentionnellement créé, téléchargé, diffusé ou mis à disposition sous quelque forme que ce soit des écrits, messages, photos, sons, dessins ou toute autre représentation d’idées ou de théories, de nature raciste ou xénophobe, par le biais d’un système informatique ou tout autre procédé technique sera puni d’un emprisonnement de six mois à sept ans et d’une amende de 1 000 000 à 6 000 000 ouguiyas».
En son Article 20 : «La menace faite par le biais d’un système informatique ou tout autre procédé technique, en vue de commettre une infraction pénale, envers une personne en raison de son appartenance à un groupe qui se caractérise par la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, linguistique, ou la religion dans la mesure où cette appartenance sert de prétexte à l’un ou l’autre de ces éléments, ou un groupe de personnes qui se distingue par une de ces caractéristiques, sera puni d’un emprisonnement de six mois à sept ans et d’une amende de 1 000 000 à 6 000 000 ouguiyas».
En son Article 21 : «L’insulte commise, intentionnellement, par le biais d’un système informatique ou tout autre procédé technique envers une personne en raison de son appartenance à un groupe qui se caractérise par la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, linguistique, ou la religion dans la mesure où cette appartenance sert de prétexte à l’un ou l’autre de ces éléments, ou un groupe de personnes qui se distingue par une de ces caractéristiques sera puni d’un emprisonnement de six mois à sept ans et d’une amende de 1 000 000 à 6 000 000 ouguiyas. Quiconque aura, par un système informatique, de diffusion publique ou de tout procédé technique, porté atteinte l’intégrité morale d’une personne par voie de calomnie, injures, et révélations de secrets sera puni d'un emprisonnement de six mois à cinq ans et d'une amende de 100.000 à 500.000 ouguiya. Quiconque aura, par un système informatique, de diffusion publique ou de tout procédé technique, continué malgré une mise en demeure verbale ou écrite d’arrêter, à envoyer des messages textes, des images, des sons ou sous toute autre forme électronique, physique au plaignant, sera puni d'un emprisonnement de six mois à cinq ans et d'une amende de 100.000 à 500.000 UM».
Et pour préciser ce qu’on attend par «moyens de diffusion publique», la loi dit en son Article 27 : «Sont considérés comme moyens de diffusion publique, la radiodiffusion, la télévision, le cinéma, la presse, l’affichage, l’exposition, la distribution d’écrits ou d’images de toutes natures, les discours, les chants, les cris ou les menaces proférés dans les lieux ou réunions publics, tout procédé technique destiné à atteindre le public et généralement tout moyen de communication par voie électronique notamment l’Internet et le téléphone».
On peut comprendre alors la levée de boucliers parce que l’outil informatique sert chez nous jusqu’à présent à calomnier, à intoxiquer, manipuler, dénaturer les faits… beaucoup moins qu’à développer les esprits en les libérant de l’emprise des conservatismes.

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