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jeudi 13 mars 2014

Yahya Ould Hamidoune, toujours irremplaçable

Il s’appelle Alain Plagne. Il est chercheur mathématicien et enseigne à l’Ecole polytechnique de Paris. Ces centres d’intérêt dans la recherche se rapportent notamment à la Combinatoire additive et à l’Arithmétique. Et c’est bien ce domaine pointu de la recherche qui lui a fait découvrir notre compatriote Yahya Ould Hamidoune. C’était en 1998 quand il terminait une thèse dans un domaine très peu étudié en France. On le mit sur la piste de «Yahya» - un prénom qu’il prononce avec une tonalité particulière, un peu pour rappeler ce qu’il veut dire et qu’il ne veut plus dire aujourd’hui que l’homme n’est plus là. Ould Hamidoune était célèbre pour avoir réussi à déchiffrer «la conjecture de Erdös-Heilbronn».
Dans les années 60, les deux scientifiques travaillaient sur des applications qu’ils résolvaient en allant directement aux résultats, sans faire de démonstrations, laissant aux chercheurs le soin de trouver ces démonstrations qui devaient nécessairement mener à ces résultats. En 1994, Yahya Ould Hamidoune put percer le mystère de cette conjecture précise. Je vous épargne – comme je m’épargne à moi-même plus de détails sur la question.
Les deux hommes vont partager un immense travail de recherches qui leur permet de passer de beaux moments et de tisser les liens d’une forte et sincère amitié. Preuve de l’intensité de cette amitié, tous les efforts et toute l’énergie que dépense aujourd’hui Alain Plagne pour entretenir la mémoire de ce génie inégalé. Il écrit de lui au lendemain de sa mort : «Tout récemment encore, Yahya avait résolu brillamment, et de façon élémentaire, une conjecture de T. Tao portant sur une version non commutative du théorème de Kneser. En fait, je me souviens que c’est presque immédiatement à la lecture de la question qu’il a su qu’il allait pouvoir y donner une réponse. Il est probable que le résultat – peut-être sous une forme informelle – lui était préalablement familier et existait dans son vivier mental de résultats, ceux qu’il pouvait probablement démontrer, mais dont il ne s’attaquait à la rédaction que si l’occasion s’en présentait. . . quand tant d’autres publient ce que lui considérait – c’était son côté élitiste – comme des remarques. En l’occurrence, la publication de la question sur le blog de T. Tao aura juste agi comme un déclencheur. A mon avis, la valeur des autres trésors de ce vivier, ceux que Yahya a emporté avec lui, est inestimable».
Quand il parle de Yahya, c’est comme si celui-ci vivait encore. Comme s’il pouvait encore rencontrer un autre Yahya. Et c’est pourquoi il a poussé, avec d’autres chercheurs et professeurs de mathématiques à la création d’un concours de mathématiques en Mauritanie. En 2012 et 2013, ce concours a été ouvert aux élèves du secondaire et aux universitaires pour essayer de déceler dans le tas une partie du génie enfoui dans cette terre.
Soutenu par plusieurs institutions françaises et mauritaniennes, ce concours est organisé chaque année aux environs du 11 mars pour commémorer le jour du décès du génie Yahya Ould Hamidoune… de celui qui n’aimait pan «raconter les mathématiques mais plutôt les écrire». Ceci explique son aversion pour la mise en scène publique (conférences, interviews…) et la richesse de ses publications. Il a fait plus d’une centaine de publications, «sans déchets» insiste Alain Plagne pour mettre en exergue la qualité exceptionnelle du travail de celui que nous n’avons pas su célébrer comme il se doit et dont le souvenir et la flamme doivent pourtant inspirer les générations actuelles et futures.
Samedi prochain (15 mars) auront lieu les épreuves du concours Yahya Ould Hamidoune et mercredi (19 mars) la distribution des prix aux lauréats. Une occasion de rendre hommage à cet homme décidément hors du commun.

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