Quoi qu’en disent les autorités françaises et quoi qu’on
appelle ce qui a été versé – «rançon», «compensation», «contrepartie»…
-, il est sûr qu’une grosse somme a été versée à ceux qui détenaient les quatre
otages. 20-25 millions d’euros peut être une fourchette indicative quand on
sait que pour libérer les trois premiers otages (un togolais, un malgache et l’épouse
Larribe), les sociétés françaises ont dû verser plus de dix millions d’euros.
Sitôt empochée, la somme va servir d’abord à arroser
les intermédiaires, puis à huiler les réseaux de la clientèle tribale des groupes
terroristes et enfin à s’acheter de
nouvelles armes. Il suffira pour eux de se rendre dans le Sud libyen pour
trouver l’armement le plus sophistiqué pour faire face aux forces de la MINUSMA
et celles françaises encore déployées dans le Nord malien, sinon à frapper
ailleurs pour étendre le conflit aux pays de la région.
Alors que la France accueillait triomphalement ses
ex-otages, les Jihadistes attaquaient Gao à coups de mortier. Ils savent qu’avec
une opération spectaculaire, ils peuvent reprendre du poil de la bête et
recommencer à recruter parmi la jeunesse désemparée de l’espace
sahélo-saharien.
La libération des otages est certes un évènement
heureux pour tout le monde, surtout pour les Français qui récupèrent ainsi
quelques-uns des leurs, mais en terme de victoire, il faut la mettre à l’actif
des terroristes parce qu’ils auront vaincu les réticences françaises quant au
paiement des rançons. Ils auront prouvé par la même occasion leur capacité à
imposer leur diktat au pays qui continue de les bombarder. Avec, en prime, la
préservation de la santé des otages malgré la situation difficile créée par la
guerre dans le Nord malien. Sur tous les plans, ce sont les ravisseurs, les
criminels de guerre qui en profitent.
Le plus grave est que la somme versée va servir
immédiatement à équiper des unités combattantes qui ont pour objectif de bouter
les Français hors de la région. D’où le refus de reconnaitre que de l’argent a
été versé aux ravisseurs. Quitte à recourir à des formules ridicules comme «aucun
argent public» n’a été versé. A supposer que l’argent versé appartienne à Vinci
et Areva, les deux sociétés françaises pour lesquelles travaillaient les
ex-otages, en quoi cela change-t-il les donnes ? Ces sociétés ne
sont-elles pas «publiques», au sens de propriété «publique» ?
Querelle de mots qui aura des conséquences politiques
certaines sur la politique intérieure française dans les jours qui viennent.
Au niveau
de la zone Afrique, particulièrement Sahel et Sahara, les pays ne doivent pas
laisser passer cette reculade française sur un principe que tous voulaient
imposer au monde. L’Algérie et la Mauritanie en premier ont intérêt à se
prononcer sur la question. Tout versement de rançon est dangereux rien que
parce qu’il incite à continuer sur cette voie et qu’il entretient cette «économie
de la traite des personnes» qu’est la prise d’otages.