Si
l’on dépasse les échanges houleux provoqués par le face à face entre Bibekrine
Ould Ahmed, faqih, et Samory Ould Bèye, syndicaliste, on peut dire que le débat
organisé par TVM était plutôt de bonne facture.
Sur
la question de l’esclavage, des vérités ont été dites, avec plus ou moins de pertinence.
Mais l’essentiel, c’est que le débat a eu lieu et qu’il a mis face à face intellectuels
hassanophones (Haratine ou non).
J’en
retiens l’approche d’un jeune professeur d’université que j’avais vu auparavant
sans jamais savoir ce qu’il faisait réellement. Bekaye, c’est son prénom, a mis
en garde contre deux attitudes qui caractérisent aujourd’hui le débat : l’exagération
ou la banalisation de la problématique liée à l’esclavage. En Arabe :
ettehwiil wa ettehwiine.
Ceux
qui disent qu’il n’y a plus d’esclavage en Mauritanie et que ses séquelles sont
à traiter comme tous les problèmes du sous-développement, ceux-là se trompent. Tout
comme ceux qui soutiennent que la pratique est généralisée et
institutionnalisée.
Les
premiers par simplification, occultent la souffrance de centaines d’individus
qui vivent encore les affres de la pratique. Ils taisent toutes les
frustrations que vivent des milliers de Mauritaniens ayant vécus – ou vivant
encore – les effets de la condition servile : ignorance, pauvreté,
incapacité, non accomplissement de soi, indignité, marginalisation, non accès à
la propriété…
Les
seconds passent sous silence tous les efforts qui ont été faits dans le sens de
l’éradication de la pratique et de la mise en place d’un système plus
équitable, plus juste, capable de soigner les plaies séculaires mais encore
vivantes. Ils nient la lutte de l’élite mauritanienne – d’une partie de cette
élite – qui a payé de sa liberté, de son temps, de son énergie pour faire
avancer les choses sur ce front.
L’esclavage
a été criminalisé par des lois consensuelles qui impliquent donc toutes les
franges de notre société. Il s’agit maintenant de rendre effective cette
criminalisation. Il y a quelques mises en examen, une ou deux condamnations,
mais cela ne suffit pas. La nouvelle agence promet d’intervenir et de traduire
devant la justice tout fauteur. Il faut donner le ton et au plus vite.
Les
séquelles de l’esclavage sont reconnues par tous. une discrimination positive
doit être mise en œuvre et au plus vite. Nous avons encore en souvenir les
efforts de l’époque de Ould Taya. Quand il lançait ses programmes de crédit
agricole, de scolarisation universelle, de lutte contre l’analphabétisme…, il
pensait plus ou moins sincèrement à les diriger spécifiquement vers les
Adwabas, vers ces communautés d’anciens esclaves qui n’arrivent pas à sortir de
leurs conditions de misère faute de politique volontariste. Mais Ould Taya n’avait
pas inscrit cette action dans un environnement de rigueur. Les projets ont été
détournés au profit des dignitaires du régime. Ils sont partis en fumée sans
avoir eu d’effets sur la situation qui a empiré.
Il
y a des raisons d’espérer. D’abord l’état des lieux : avec notamment les
lois, la volonté politique déclarée (de tous les acteurs), une réelle prise de
conscience des enjeux, l’existence d’une élite (de grande valeur technique et
intellectuelle) dans les milieux Haratines et l’évolution sociale globale qui
transforme la société indépendamment des résistances qui subsistent ici et là.
Reste que l’atmosphère générale du débat est polluée
par les «négationnistes» et les «radicaux».
L’équilibre n’est pas à chercher entre la simplification (banalisation) et l’exagération.
D’ailleurs l’équilibre n’est pas à rechercher. Ce qui doit être recherchée, c’est
plutôt la fermeté dans la mise en œuvre de ce qui a été décidé et dans le refus
de l’instrumentalisation de la question