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samedi 5 octobre 2013

Fatalement, ça menait là

En 2011, quand l’Opposition mauritanienne a «exigé» le départ du Président Ould Abdel Aziz, les observateurs avaient tiré la sonnette d’alarme. Ils y voyaient le début d’une aventure qui pouvait, encore une fois mener à une impasse politique. Ce qui serait – ce qui est – dangereux pour la démocratie et pour le pays qui se trouve ainsi condamné à faire du surplace et à toujours arrêter un processus pour en commencer un autre.
La configuration de l’époque, contrairement à ce qu’on pensait dans certains milieux, ne donnait pas un «pouvoir chancelant», encore moins «une dynamique qui avait juste besoin d’un coup de pouce pour décider du renversement du pouvoir». Et comme le vent – du changement ? de la déstabilisation ? des révoltes ? tout sauf de la révolution - semblait souffler sur les scènes arabes, il suffisait de le dire pour décider d’un renversement du pouvoir par la rue.
Encore une fois, les chefs politiques et leurs analystes attitrés n’auront pas pris en considération le rapport de force et la «nature du terrain» mauritanien. Le pouvoir avait toutes les cartes en main et ne pouvait sembler usé comme ceux de Ben Ali en Tunisie ou de Moubarak en Egypte. Il venait de sortir victorieux d’une crise sécuritaire qui a emporté des pays beaucoup mieux outillés que la Mauritanie. Ce qui lui avait valu l’estime et la considération de ses partenaires extérieurs. C’était déjà l’essentiel. Surtout qu’au plan intérieur, on oublie souvent de faire la sociologie des matériaux existants.
On promet la révolte d’un peuple qui a toujours refusé les grandes ruptures et les risques que peuvent provoquer les changements. Déjà à l’état nomade, il fallait toujours un éclaireur («bowah») pour s’assurer que la destination est bien meilleure que le lieu qu’on quitte. Ce qui a donné la sagesse populaire qui dit : «ilaa endhakrit lak daar laa tansa daarak», si une nouvelle situation t’est chantée, n’oublie pas celle qui est la tienne. Dans l’histoire du pays, dans celle des communautés, y compris tribales, il n’y a pas trace d’un mouvement de rupture populaire ou non. Ce qui fait «modèle» dans cet espace, ce n’est pas la violence, c’est la capacité de la juguler, de la réprimer pour ne pas en faire usage…
La révolution commence par l’aptitude à l’expression de l’émotion parce qu’elle est toujours nourrie par un imaginaire, par une utopie, par un désir puissant d’un ailleurs… chez les nomades, la conscience d’un «ailleurs meilleur», autre que celui qui sépare la vie et la mort et qui est le destin (redouté) de tous, est presque nulle. Il n’y a que deux lieux (dyiaar, pluriel de daar) : celui où nous nous trouvons et celui qu’on nous promet après la mort (darayn : dhi ddaar u dhiik ddaar). Toutes les expressions, les plus sibyllines comme les plus brutes, n’ont pas réussi à atténuer le poids de cette perception du devenir.
Sur le plan politique, l’expérience «révolutionnaire» est quasi-nulle : ni le mouvement des Almoravides, ni les guerres entre différentes castes (Guerriers vs Marabouts par exemple), ni l’épopée d’El Haj Oumar Tall, ni les résistances Idaw’ish aux Mghafra, ni celles manifestées ici et là contre la colonisation, ni les joutes entre les Ulémas, ni les convulsions du Toro, dans le Tiris, l’Adrar, le Hodh et le Sud dans sa globalité, rien de tout cela n’a été consacré comme étant le prélude à une révolution quelconque. Rien de cela n’a ambitionné être une rupture avec ce qui précède. Tout fut une tentative de consécration du statu quo et non un renversement de l’ordre établi. Et même la petite révolution gauchiste des années 70, elle aura vécu ce que vivent les espoirs chez nous : l’espace d’un printemps.
Il n’y aura pas de «printemps arabe» en Mauritanie. trois ans pour s’en rendre compte alors que l’analyse froide de la situation aurait permis de le comprendre dès le départ.
Vint le temps des vains espoirs. Celui où les voix priaient tout haut pour voir tous les malheurs s’abattre sur le pays, si cela devait conduire à la chute du régime. Celui où l’on cherchait désespérément à créer des problèmes comme s’il n’y en avait pas assez. Intox. Mensonges. Manipulations. Rumeurs. Et même corruption des relations avec les voisins…

…Pour se rendre enfin à l’évidence : la révolution n’aura pas lieu. (à suivre)

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