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mercredi 23 octobre 2013

Cri du cœur

J’ai reçu ce papier que j’ai voulu partager avec vous en signalant que l’auteur est une figure emblématique du mouvement national démocratique (MND), d’où l’intérêt de ce qui ressemble plus à un cri de cœur qu’à un exercice froid d’analyse. A vous d’en juger :
«Je ne pouvais imaginer qu’un jour, certains parmi nous ne croiront plus à la démocratie et  n’en voudront pas, nous qui avions abandonné les idées nationalistes chauvines à la fin des années 60 pour adopter la pensée démocratique, ou plus exactement «la démocratie populaire».
Je ne pouvais imaginer qu’il se trouvera parmi nous des gens qui n’écouteront pas et qui ne se plieront  pas à la voix des masses populaires, de la base, celles-là même qui permettent de réaliser les objectifs tactiques et stratégiques que nous avons fait nôtres.
Je ne pouvais imaginer qu’alors que nous avons acquis un espace démocratique dans lequel nous nous sommes engagés par la persévérance, le combat et les sacrifices des années 90, il se trouvera parmi nous des personnes qui défendront aujourd’hui le défaitisme et la fuite en avant, sans motif stratégique autre que celui de la peur de participer franchement au jeu politique sur une scène où seul l’engagement peut faire avancer les choses.
Je ne pouvais imaginer un instant qu’il se trouvera parmi nous certains qui travailleront à nous faire taire, à nous empêcher de faire entendre notre discours politique, à nous priver d’exploiter toutes les tribunes pour faire entendre notre voix. faire connaitre nos idées et notre projet de société, produits d’un long parcours et motifs d’une  grande fierté.
N’avons-nous pas fait le choix stratégique de ne renoncer à aucune des tribunes offertes (ou conquises) pour faire passer notre message? N’est-ce pas  pour cela que nous avions participé aux organisations de masses du Parti du Peuple Mauritanien (PPM), puis après à toutes les organisations réactionnaires à pensée unique ?
Nous avions à chaque fois choisi délibérément d’occuper les espaces existants.
Nous avions par exemple participé à la conception et à la rédaction du journal «Gounguel Soukabé» qui était l’organe de la jeunesse du PPM à Kaédi. Cela nous avait permis de publier de belles réflexions qui versaient toutes dans notre vision de la société. Une vision souvent en contradiction avec la pensée dominante : souvenez-vous des articles contre la guerre du Sahara qui, à nos yeux, menaçait gravement les «réformes» entreprises à l’époque (pas besoin de rappeler que l’Histoire devait nous donner raison).
Nous avions aussi intégré activement l’Union des travailleurs de Mauritanie, syndicat affilié au PPM. Puis nous avions été actifs dans le «Volontariat national» des années 80, avant d’aller dans les Structures d’éducations des masses (SEM).
Nous soutiendrons plus tard la liste dirigée par Messaoud Ould Boulkheir aux municipales de 90 à Nouakchott, avant d’aller à toutes les élections proposées par le régime d’alors.
A ce moment-là, les cartes d’identité étaient confectionnées sur des cartons volants, les fonds de verre servant à imiter les cachets. A ce moment-là aussi, pas moyen de contrôler le travail d’une administration complètement inféodée.
Nous avons arraché au pouvoir de Ould Taya, grâce à notre persévérance dans la lutte par le dialogue, l’établissement d’une carte nationale infalsifiable. Nous avons aussi enlevé aux dictateurs successifs maintes concessions qui nous ont permis de conquérir 6 Mairies dont deux centrales (Boghé et Barkéwol) et 3 députés qui comptent aujourd’hui parmi les meilleurs et les plus représentatifs de la ligne populaire. Ce qui leur est reconnu unanimement, y compris par leurs adversaires les plus radicaux. Les députés Kadiata Malick Diallo et Moustapha Bedredine se distinguaient par la maitrise des sujets traités, par la capacité à faire parvenir les critiques et les plaintes des couches défavorisées. Toutes ces organisations et ces élections là n’étaient-elles pas fondamentalement unilatérales et falsifiées ?
Toutes ces élections, toutes ces conquêtes ont été possibles grâce à notre forte détermination d’exploiter tous les espaces ouverts dans un environnement ou l’unilatéralisme des dirigeants a toujours été de mise.
Nous avons défié l’unilatéralité, la fraude et la manipulation parce que ce n’est pas la régularité de ces élections qui nous amenait à y participer, mais la prise en compte de leur légalité comme cadre nous permettant de faire parvenir notre discours, notre message à la plus grande frange de notre peuple qui reste la source de notre inspiration et dont le bien-être est l’objectif de notre action…
Je ne pouvais imaginer qu’il se trouvera un jour parmi nous des compagnons qui oseront sacrifier tous ces acquis et tous ces militants qui ont permis de réaliser ce parcours, pour… pour… pourquoi en fait ?
Je ne pouvais imaginer qu’un jour, il se trouvera parmi nous quelqu’un qui chercherait une opinion publique – encore à créer en Mauritanie – au risque d’ignorer et de mépriser cette opinion publique que constituent les militants de notre parti, ceux-là qui ont, bon an mal an, accompagné et soutenu notre combat, ceux qui ne cherchent que la réalisation d’objectifs communs, d’objectifs nobles et qui ne sont mus que par la foi en des principes hautement valeureux.
Je ne pouvais imaginer qu’il se trouvera un jour parmi nous des personnes qui, après avoir défendu la participation à l’élection, contestable du reste et unilatérale par excellence, de 2009, appellent au boycott d’élections locales où les candidats restent quand même des ressortissants des communes concernées dont les habitants ne veulent que les plus représentatifs et les plus probes de leurs enfants comme représentants, nonobstant l’unilatéralisme du processus électoral.
La démocratie n’est-elle pas fondée sur le principe de la participation à tous les aspects de la vie politique ? Pour ce qui est des garanties, comme il est de tradition chez nous, c’est à nous de les donner à nos militants à travers leur mobilisation en vue de dénoncer toutes les infractions et de les faire échouer. Personne en fait, ne peut nous donner ce que nous voulons, parce que nous, nous l’arrachons, comme par le passé. Et puis, n’y a-t-il pas encore des gens qui savent distinguer entre les enjeux locaux et ceux qui relèvent du niveau national ?... Sommes-nous allés aussi loin dans les erreurs de jugement ?
Dommage.
Je ne pouvais imaginer non plus qu’il se trouvera parmi nous des gens qui ignoreront que l’exercice politique découle d’une analyse froide de la réalité qu’on voudra changer vers le meilleur.
Ne disions-nous pas : «prends de ta main gauche ce qu’on te donne et tends la main droite pour avoir plus» ? Moteur d’une lutte continue que cette affirmation…
Mais… mais… tout ce que je ne pouvais imaginer est arrivé.
 Il s’agit aujourd’hui d’une situation née quand la vénérable direction de mon Parti a choisi de ne pas répondre aux attentes des masses militantes qui ne demandaient que la cohérence dans les positions par rapport à l’histoire commune.
Quand cette direction a d’abord choisi de ne pas choisir, de tanguer entre «la participation» et «le boycott», avant de se résoudre à exiger le retrait des listes déposées en son nom par des militants convaincus de la nécessité pour eux de participer, d’occuper le terrain, de faire entendre leurs voix en vue de refuser le diktat et l’arnaque politique.
…Qu’Allah préserve l’Union des forces du progrès, qu’Il lui rendre ses masses militantes et tous ceux qui ont décidé – ou vont décider - de le quitter…
Nous n’avons jamais été adeptes de la démission devant les défis…
Je ne m’imaginais pas qu’il se trouverait parmi nous des démissionnaires au premier écueil. Une expérience de plus de cinquante ans nous a aguerris. Assez pour nous amener, le cas échéant, à reconnaitre nos erreurs et à travailler pour les corriger. Pour éviter le pire.» 

Aynina Ould Ahmed El Hadi

-Membre fondateur du Mouvement national démocratique (MND)
- Signataire et co-fondateur du Groupe des 25 revendiquant la démocratisation en 1991
- Membre fondateur de l’Union des Forces Démocratiques (UFD)

- Militant de l’UFP

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