J’ai lu récemment une dépêche qui rendait compte de ce fléau qu’est
le trafic du médicament. Une véritable industrie du faux mortel. Qui touche essentiellement
les pays pauvres et qui continue à s’aggraver. D’après la dépêche qui cite le
Center for Medecine in the Public interest, ONG américaine, la vente du faux
médicament aurait «dégagé 75 milliards de dollars en 2010, chiffre en hausse de
90% sur cinq ans». Selon d’autres ONG, 10% des médicaments vendus dans le monde
sont contrefaits «avec des pointes à 70% dans certains pays». Le trafic autour
du médicament serait 25 fois plus lucratif que la vente de la drogue. Qu’en
est-il en Mauritanie ?
Le marché global des médicaments est estimé par les statistiques
officielles à plus de douze milliards ouguiyas. Sans compter bien sûr tout ce
qui ne passe pas par le circuit «normal», pour ne pas dire tout ce qui est
objet de trafic. Et qui n’est pas peu. Car certains l’estiment à plus de 30%
des quantités écoulées sur le marché mauritanien.
Malgré les efforts des autorités, la CAMEC, la centrale d’achats,
est demeurée incapable de faire respecter la législation en la matière. La distribution
de médicaments est couverte à plus de 90% par les opérateurs privés non
pharmaciens. A titre indicatif, on a importé à plus de 13 millions d’euros de
médicaments (officiel) en 2010, et en 2009 ce chiffre dépassait les 16 millions
d’euros.
Selon un rapport de l’inspection générale de la santé, il y a
environ 18 grossistes en Mauritanie. Dans les pays européens la moyenne est de
5 à 10 au maximum pour des pays de 50 millions d’habitants en moyenne. Près de
700 structures (formelles) pharmaceutiques vendent le médicament au détail,
dont 277 à Nouakchott.
L’exception devient la règle : ce sont les dépôts qui sont les
plus nombreux par rapport aux officines. Ces «points de vente» ne répondent pas
aux normes et vendent des produits de contrefaçon pour l’essentiel. On se
souvient des multiples scandales liés à la vente de médicaments périmés et/ou
faux.
Notamment de ces pharmacies exerçant aux abords des hôpitaux et fermées
à plusieurs reprises pour vente de produits illicites ou pour exercice
frauduleux de la profession. Sur 18 grossistes inspectés, seuls deux ont un
technicien à plein temps, huit utilisent les services d’un intermittent et huit
celui d’un profane, selon le rapport de 2011. La situation ne s’est pas
améliorée depuis.
Au grand dam des pharmaciens professionnels, l’exercice de la
profession a été «dilué» par la mafia qui s’est installée et qui fait tout pour
empêcher la réhabilitation du circuit du médicament. On se souvient du lobbying
entrepris au niveau de l’Assemblée nationale pour vider la nouvelle loi sur les
pharmacies de son contenu. On se souvient de ces prétendus «pieux personnages»,
avec des barbes bien taillées et l’immaculée trace de la prière au front, et
qui n’hésitent pas à continuer à s’enrichir sans vergogne en vendant de faux
médicaments en dehors des conditions normales. Faisant semblant d’ignorer que
ces produits qu’ils vendent tuent. Et beaucoup de gens.
Et pour finir, la conclusion du rapport de l’IGS : «Il
ressort de cette analyse que l’état actuel des structures pharmaceutiques
privées représente une grande inquiétude
pour la santé publique. Il s’avère urgent que les mesures appropriées
soient prises afin d’assainir ce secteur.
La politique nationale de la pharmacie en cours de finalisation
devrait prendre en compte toutes les préoccupations et sa mise en œuvre
interpelle les décideurs politiques, les professionnels de la santé et les
populations».