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jeudi 15 novembre 2012

Kobenni, «Allaa bonni»


Dans le conscient collectif des Mauritaniens, Kobenni est resté cette contrée par laquelle la plus grande opération de fraude est arrivée lors de l’élection présidentielle de janvier 1992. Qui a oublié les 100% de votants qui ont porté leur choix sur le candidat Ould Taya, lui donnant l’occasion de devancer et de loin son concurrent immédiat Ahmed Ould Daddah ? On avait parlé à l’époque d’un déploiement des chars vers les dernières heures de la nuit où l’on donnait les résultats (25 au 26 janvier), déploiement en prévision de l’éventualité d’un deuxième tour, rien n’indiquant plus que le président sortant était assuré de l’emporter dès le premier tour. Puis la machine s’est mise en marche : les gourous trouvèrent la parade. Des coins les moins attendus et les plus reculés, les résultats devaient arriver le plus tard possible. C’est là qu’il faut agir. Les artisans de cette méga-manipulation électorale – la première du genre dans notre pays, sont encore vivants – trop vivants d’ailleurs – et peuvent témoigner pendant qu’ils occupent les devants de la scène. Qu’est-ce qui s’est passé entre le 24 et le 26 janvier ? Tout le monde savait que le candidat de l’opposition ne pouvait passer, mais personne ne prévoyait un passage aussi «facile» pour le président sortant et avec un écart aussi emportant (65 contre 33%). Alors comment avez-vous fait, vous anciens sbires de Ould Taya, anciens gourous, anciens bourreaux… ? dites-nous et vous aurez servi le pays pour une fois.
Kobenni aujourd’hui est un gros village qui prend l’allure d’une ville. Ce n’est pas la proximité de la frontière avec le Mali qui fait sa richesse mais le dynamisme de sa population. Le commerce est certes alimenté à partir du Mali, soit pour les denrées importées de ce pays, soit pour celles exportées vers ce pays. Aujourd’hui, on ne sent pas les effets de la guerre et de la partition du Mali. Entre les deux pays, le flux semble normal, même un peu plus intense que d’habitude. C’est vrai qu’on ne voit plus beaucoup d’étrangers à la région, de moins en moins d’Européens par exemple. N’empêche, la route connait un usage intensif. C’est d’ailleurs ce qui explique son état du côté mauritanien. Car, malgré tout ce qu’on dit de notre côté, la route Aïoun-Kobenni est dans un état lamentable.
A l’entrée de la ville, nous sommes abordés par un policier perdu dans sa tenue qui, après avoir été beige puis kaki, a gardé une tâche de chaque. Flottant littéralement dans cette tenue, il tenait quand même une cigarette dans sa bouche et un téléphone dans la main. Il chaussait une paire de sandales en caoutchouc (erriya) et marchait très lentement vers nous. Il ne voulait pas couper sa communication avant de nous atteindre.
Une minute, deux minutes… je commençais à le regarder de telle manière à lui faire comprendre que le temps passait. C’est ce qui l’énerva visiblement. Sinon qu’il était déjà énervé par celle qui lui disait apparemment au téléphone ce qu’elle pensait réellement de lui maintenant qu’il était loin d’elle. Sa discussion, on l’avait entendue de là où nous étions.
Quand il daigna s’adresser à nous, c’est naturellement avec le fameux : «‘arrvouna brouskoum». Stupide démarche qui a le don de m’énerver. J’ai le choix entre une présentation traditionnelle en déclinant l’appartenance tribale et en descendant vers le nom et la filiation, sinon lui donner les papiers de la voiture. J’optai pour cette solution.
«Je n’ai pas demandé les pièces de la voiture, je veux savoir qui vous êtes…» Puant le mépris et l’impatience. Dans ce cas, les cartes d’identité suffiront. Trois cartes lui firent remises. Ils nous regarda avant d’aller dans le poste. Il prit le temps qu’il fallait. Quinze, vingt, trente minutes… nous n’étions pas pressés et rien ne nous amènera à lui donner prétexte à nous enquiquiner encore plus. J’avançais légèrement la voiture de telle manière à bloquer un peu plus l’espace. Au bout de quelques minutes, il y avait assez de voitures  à attendre, pour que des protestations fusent. Le famélique policier revint et nous remit les papiers avec un «tvadlu» qu’il regrettait visiblement de devoir dire. Ici, c’est ça l’Etat…

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