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samedi 4 août 2012

Il était une fois le 3 août (2)


Les véritables auteurs du coup d’Etat sont les colonels Mohamed Ould Abdel Aziz et Mohamed Ould Cheikh Ahmed Ould Ghazwani. Ils semblent avoir associé d’abord le colonel Abderrahmane Ould Boubacar, chef d’Etat Major adjoint qui n’a pas hésité posant une condition : l’implication du colonel Eli Ould Mohamed Val, directeur général de la sûreté depuis 1985. Conscients des difficultés qu’ils pourront avoir à imposer leur autorité à une Armée qui est restée quand même disciplinée malgré l’entreprise de sape des dernières années, les deux jeunes colonels proposent à Eli Ould Mohamed Val la présidence du Comité militaire pour la justice et la démocratie (CMJD). La composition du groupe révèle l’ordre de préséance : après le président du CMJD et le chef d’Eta Major, ce sont les noms de Ould Abdel Aziz et de Ould Cheikh Ahmed qui suivent, malgré l’ancienneté des autres. Tout est dit : les vrais auteurs du changement, les vrais maîtres du jeu ce sont ceux-là. Mais l’on va faire semblant.
C’est bien le colonel Ould Abdel Aziz qui donne le ton en accordant une interview à la Voix de l’Amérique quelques jours après le coup, première sortie d’un membre de la junte qui fixe ainsi les règles du jeu : organisation d’élections dans les meilleures conditions, limitation d’une transition, création d’une CENI, neutralité de l’administration, non éligibilité des membres de la junte et de leur gouvernement… Tout ce qui devait faire la ‘révolution’ CMJDénne est contenu dans cette déclaration.
Les observateurs avertis comprennent alors le message : les vrais auteurs du coup ne sont pas ceux qui sont aux premières loges, ce ne sont pas les anciens du comité militaire de salut national (CMSN, au pouvoir jusqu’en 1992). Mais on s’abstient d’y voir une différence de vue entre les acteurs du nouveau pouvoir. On veut bien croire que le choix du colonel Eli Ould Mohamed Val comme président de la nouvelle junte (CMJD) découle naturellement de sa parenté avec le commandant de la plus puissante unité de la place de Nouakchott.
Mais l’offre de neutralité ne tient pas devant les manigances politiciennes. Pour la petite histoire, nous retiendrons que l’une des grandes figures de l’opposition à Ould Taya a été la première voix à s’exprimer là-dessus : «Si demain le Comité militaire arrivait à soutenir ma candidature, je n’y verrai aucun inconvénient…» C’était dit à Paris et largement repris par la presse nationale. Ce sont surtout les contacts privés, directs ou indirects, entre chefs politiques et membres de la junte qui vont encourager l’interférence des militaires rapidement convaincus qu’ils avaient «en charge le processus et le service après vente». Convaincus aussi que s’ils sont «neutres», ils ne peuvent «être indifférents».
Deux moments vont marquer la fin de la neutralité des militaires : les élections législatives et la présidentielle.
En juin 2006, la campagne pour le référendum constitutionnel est l’occasion pour les militaires de descendre dans l’arène politique. D’entretiens privés en discours publics, la volonté de dessiner le futur apparait. Quelques semaines plus tard, commencent les manœuvres pour créer le phénomène des indépendants. Partout les candidatures indépendantes et des élus indépendants. En fait des candidatures suscités par la présidence du CMJD qui y voyait, croyait-on à l’époque, une manière d’imploser le PRDS et donc le système politique ancien. On n’y décelait point de tentatives de compromettre le processus consensuel et la volonté d’intervenir pour se laisser une marge de manœuvre.
C’est bien sous l’inspiration directe du président du CMJD que le Rassemblement national des indépendants (RNI) va voir le jour. Dirigé par le ministre de l’intérieur de Ould Taya du 3 août 2005, le RNI prend la forme d’un embryon de parti dont la première mission sera d’apporter un soutien politique au candidat qu’on s’apprêtait à mettre sur scène : Sidi Ould Cheikh Abdallahi. C’est la présidentielle qui importe le plus et il fallait trouver un challenger à Ahmed Ould Daddah considéré, à tort ou à raison, comme le «mieux parti» mais aussi celui que l’on doit craindre le plus.
Dans une interview accordée à TV5 en janvier 2009, le Général Mohamed Ould Abdel Aziz reconnait que le choix de Sidi Ould Cheikh Abdallahi «a été suggéré», ajoutant que «c’est par principe que j’ai tenu à respecter ce choix». Autrement dit, ce sont bien d’autres membres du CMJD, éventuellement son président, qui ont suggéré cette candidature après avoir convaincu les autres des risques courus si on laissait le processus suivre son cours normal. Et Ould Abdel Aziz de reconnaitre : «Il (Sidioca) s’est présenté, il a été coopté par certains et puis il y a eu une espèce d’entente, il y a eu certains qui ont reculé, c’est tout. C’est par principe que je l’ai soutenu. Autant je ne le connaissais pas, autant aussi je ne croyais pas tellement en lui».
Dans l’édition du 8 novembre 2006 de La Tribune, nous écrivions : «Cela a commencé par des informations données par les notables que le président du CMJD, le colonel Eli Ould Mohamed Val a reçus récemment. Comme pour la première fois (législatives). Cette fois-ci, les ‘reçus’ sont plus formels et donnent des détails. Ils affirment que le président leur a tout simplement dit que le candidat ‘le plus indiqué pour eux est Sidi Ould Cheikh Abdallahi’. Pour certains, le colonel fait une analyse qu’il conclut en disant : ‘après mûre réflexion, nous pensons que le candidat Sidi Ould Cheikh Abdallahi est le seul qui puisse éviter le chao pour le pays’. Face au président, ceux qui rapportent les propos prétendent souvent avoir développé une vision autre, sinon avoir posé des conditions. Notamment les moyens et le franc engagement des gouvernants. «Nous ne voulons pas avoir la même expérience que par le passé. Quand le président nous avait demandé d’investir le champ ‘indépendant’ et qu’il a démenti peu après avoir jamais dit cela». C’était à la veille des élections législatives et municipales. On se souvient de l’emportement du président qui avait réitéré la volonté des autorités de s’abstenir de toute intervention dans le processus».
La suite, on la connait : le candidat des militaires devait l’emporter en mars 2007. Mais avant cette date, de l’eau aura coulé sous le pont.

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