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vendredi 2 mars 2012

Vous avez dit débat ?


«Un débat est une discussion sur un sujet, précis ou de fond, annoncé à l'avance, à laquelle prennent part des individus ayant des avis, idées, réflexions ou opinions divergentes pour le sujet considéré». (définition standard)
Le sujet était précis, même s’il avait été énoncé vaguement : les amendements constitutionnels et les justifications de leur rejet ou non. Les individus avaient été choisis en fonction de leurs appartenances politiques et devaient donc présenter des points de vue différents. Ce qui a manqué, ce sont les idées, les réflexions et les visions.
Ce qui fait un débat, ce ne sont pas seulement les positions contraires et les confrontations verbales, c’est aussi l’argumentation qui crédibilise les propositions (s’il y en a). C’est aussi la conduite des protagonistes du débat qui doivent faire preuve d’humilité pour être entendus, d’assurance pour être retenus, de respect pour l’autre pour provoquer son adhésion, de détachement pour rester digne…
En plus de tout cela, on attend d’un débat qu’il suscite une convergence – au moins une prise de conscience plus forte – de faits qui en sont objets et/ou de valeurs qu’on souhaite défendre et partager.
Le débat de jeudi soir a-t-il rempli ces critères ?
L’humilité a manqué. Tout comme la force de l’argument (l’autorité de l’argument), les valeurs, les échanges constructifs, le respect réciproque et l’assurance. Chacun a voulu asséner sa vérité, sans finesse, sans élégance et sans recherche. La pensée unique dans tous ses états avec des gens qui dictaient aux autres leurs manières de voir, de penser…, des gens qui ne prenaient pas la peine d’écouter et qui se contentaient de verser dans les insultes. Les oppositions personnelles l’emportant souvent sur les visions que les uns et les autres ont de ce que le pays devrait être, de ce que la démocratie pourrait gagner. Les ressentiments personnels dont la plupart des Mauritaniens d’aujourd’hui ignorent les sources… C’est pourquoi la polémique stérile a pris le pas sur la discussion constructive.
L’élite mauritanienne n’a pas encore acquis de compétences particulières dans l’art de la prise de parole en public, laquelle demande des prédispositions et un entretien constant. Nous avons longtemps été «domestiqués» par la culture de la convenance et nos leaders ne prennent la parole qu’entourés de leurs partisans. C’est pourquoi les conférences de presse se transforment rapidement en meetings où les questions des journalistes sont perçues comme des remises en cause des vérités assénées par le chef, d’où l’hostilité très souvent exprimée séance tenante.
Je crois que c’est Freud qui a dit que le premier homme qui a utilisé l’insulte au lieu de prendre son galet ou son bâton, celui-là était le précurseur de la civilisation. Pour le père de la psychanalyse, le passage du réflexe brutal et meurtrier que constitue l’agression physique à la vindicte langagière, ce passage est un acte fondateur de la civilisation. Au cours du débat de jeudi soir, nous avons assisté au processus inverse…
Ce n’est pas pour autant que l’on dira que ce débat a tué le débat. Espérons plutôt que ce premier ratage corrigera ceux qui suivront.   

1 commentaire:

  1. Bien dit OUMEIR,
    Merci pour la leçon à nos brillants politiciens,
    Ils sont trop loin de comprendre le sens des débats des politiciens responsables ! ! !, d’une Nation qui soufre des leurs pratiques. C’est dommage très dommage.
    MSSEIKINE MAURITANIE
    MOMIH

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