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vendredi 30 mars 2012

Nos Ulémas et la politique


La politique, c’est comme le porc-épic, on se pique quand on s’y frotte. Je retiens des propos de Cheikh Mohamed el Hacen Ould Dedew répondant aux questionnements de journalistes qui craignaient enfreindre les lois sacrés du respect que la communauté doit au «’alim» (celui qui allie le fiqh, l’exégèse, la parfaite connaissance des textes sacrés…). Il répondait en substance que celui des Ulémas qui sera descendu sur l’arène politique, aura choisi délibérément de jouer dans la cour de ceux qui sont critiquables, ceux qui doivent être comme n’importe qui, qui commette des fautes et dont les énoncés sont discutables. La même approche a été aussi développée devant nous par le Cheikh Abdoullah Ould Boye qui a utilisé d’autres référentiels qu’ils maitrisaient parfaitement même s’ils étaient étrangers à notre culture arabo-islamique. Ne parlons pas de Cheikh Hamden Ould Tah pour lequel les choses restent simples parce qu’elles se situent au niveau de l’humain.
Mon propos ici n’est pas de discuter les dires de nos Ulémas qui montent au créneau pour occuper le débat politique, déserté par les politiques professionnels faute de propositions. Je veux juste apporter une précision.
L’un des méfaits du système qui a gouverné la Mauritanie durant plus de deux décennies, est certainement le fait d’avoir cherché – et d’avoir réussi – à impliquer tout le monde, tous les symboles. De telle sorte que l’on pouvait dire qu’il n’y avait plus d’autorité revendiquant assez de légitimité pour s’interposer entre nous, pour nous diriger et jouer pour nous le rôle d’objecteurs de conscience. En Hassaniya, je l’ai toujours exprimé ainsi : «ma hkalla viina hazzaaz», il n’a pas laissé parmi nous de force d’interposition.
Dans notre société traditionnelle, les paroles du sage sont toujours entendues. Il est le dernier recours parce qu’il ne se mêle pas de nos querelles souvent mesquines. Le système – il s’agit d’un système et non de l’exercice d’un homme, mais d’un système qui avait ses théoriciens, ses praticiens – a donc détruit toutes ces soupapes qui permettaient à la société de faire recours à des arrangements internes en impliquant l’ensemble des leaders d’opinion et des terreaux de sagesse.
Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, ce ne sont pas des politiciens – tout le monde ici fait la politique et se sent apte à la faire. Nous avons besoin d’autorités morales qui puissent nous réunifier et non nous diviser, nous orienter et non nous perturber, nous rassurer et non nous paniquer…
Nous avons besoin d’autorités qui soient à égale distance des antagonismes politiques et sociaux, qui les saisissent, et vers lesquelles on peut se tourner quand les acteurs auront échoué à s’entendre sur un minimum ou quand, et on en est proche aujourd’hui, ils auront poussé vers l’extrême. A savoir la déstabilisation du pays par la destruction de ses fondements et la fragilisation de son pouvoir.
C’est une qualité qui a toujours marqué nos grands Erudits qu’il faut peut-être rappeler ici : «el wara’», je ne sais la traduire, mais je dirai qu’elle allie la piété désintéressée, la dévotion, la ferveur dans la pratique et en même temps l’équité dans les jugements. Elle est beaucoup de choses et elle permet au moins d’être détaché des tentations d’ici-bas dont la politique.

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