Pages

mercredi 3 août 2011

Pas de pitié pour le pharaon


Tout est fait pour rendre le raïs sympathique, en inspirant la pitié des spectateurs. Celui qui a régné près de quarante ans sur l’Egypte, traîné devant les tribunaux, au crépuscule d’une vie pleine de passifs qui pèseront longtemps sur le devenir de son pays…
L’Egypte n’a connu que des hommes l’ayant tenue de main de fer. L’ère des Pharaons si bien décrite dans les textes sacrés, symbole, pour les musulmans, de l’obscurantisme et de l’arbitraire, de l’exploitation et de l’exode pour les peuples de l’époque.
Vint l’ère des conquérants et bâtisseurs arabes qui ont, même s’ils ont construit l’Egypte dont le rayonnement couvrira l’est et l’ouest du Monde musulman, ont tous brillé par la force de la prise en main.
L’ère des dominations avec une première phase ottomane, une seconde européenne. Et toujours des hommes forts et une absence totale de liberté d’expression mettant en marge la volonté populaire. Les rois et enfin arrivent les raïs qui ont tiré leur légitimité de la revendication révolutionnaire et de l’affrontement avec Israël.
L’Egypte de Anouar Sadat fait la paix avec l’ennemi. Sans pour autant perdre sa dignité. C’est avec Hosni Moubarak, arrivé au pouvoir à la suite de l’assassinat de Sadat en octobre 1981, que l’Egypte entame un long processus de mise en marge par rapport au leadership du Monde arabe.
Sur le plan intérieur, l’ère Moubarak se caractérise par l’exercice permanent de l’arbitraire, la répression de toute velléité politique, l’assassinat, le bannissement et l’emprisonnement de tous les opposants, l’interdiction de toute activité politique dissidente… L’économie égyptienne est pillée par une oligarchie organisée autour du raïs. Les privatisations profitent au cercle le plus proche. Les biens meubles et immeubles, le foncier sont distribués sous forme de prébende pour assurer la continuité du pouvoir qui finira par régner quarante ans durant. Instituant corruption, fraude, mensonge en système de gouvernement.
Le gaz qui est vendu à Israël et qui rapporterait près d’un milliard dollars par an sous forme de commissions, les 40 milliards dollars qui ont été versés par les Américains sur cette période et qui ne semblent pas avoir profité à l’Egypte. La décadence du pays et toute l’énergie dépensée par les autorités sur ordre du raïs pour étouffer une élite toujours plus nombreuse toujours plus consciente.
L’Egypte a payé un lourd tribut pour abattre un régime qui a finalement desservi la cause. Il est temps que l’artisan principal de cette infamie paye, il est temps de l’entendre s’expliquer au moins. Fut-il le dernier des pharaons.
L’image de ce vieux dictateur couché, diminué devant les tribunaux auxquels ils ordonnaient hier de n’avoir aucune pitié, voire de condamner sans scrupules ceux qu’il envoyait après un passage entre les mains d’une police bien entrainée à torturer… cette image ne doit pas inspirer la pitié. Parce que la pitié mène fatalement à la compassion. Et cet homme ne mérite ni l’un ni l’autre de ces états d’âme.
Pensez un moment à tous les égyptiens morts sous la torture, à ceux qui sont morts en prison, dans les rues sous les balles des renseignements, à ceux qui sont morts les jours de la révolution et que nous avons vus mourir en direct. Rappelez-vous ses refus répétés de répondre aux injonctions de la rue, toute l’arrogance que cet homme affichait, toute la fausse assurance lui et ses sbires, rappelez-vous les derniers jours de cet impitoyable dictateur et pensez à tout ce que ce grand pays a perdu en ces quarante ans.
C’est un grand moment de l’Histoire du pouvoir dans le Monde Arabe : un dirigeant qui rend compte devant une justice qui n’a plus peur de lui, ou presque… C’est un moment encore plus grand pour l’Egypte qui juge, à travers le raïs Moubarak, pharaons, rois, roitelets et autres raïs qui ont régné impunément tout ce temps. Espérons que ce sera pour le peuple égyptien l’occasion de reprendre la parole et d’imposer sa volonté. En attendant, et pour reprendre le titre d’un film western de série z, pas de pitié pour les salopards.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire