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mercredi 18 avril 2018

Editorial 751


Quand la tentative d’établir un contact entre la Majorité et le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) a été révélée, elle a été immédiatement démentie avec véhémence. Laissant entendre qu’il s’agit d’une affabulation de plus de la presse.
Quand les détails d’un accord longuement discuté ont été publiés, les réactions ont été différentes selon le positionnement de leurs auteurs. On peut cependant retenir les catégories suivantes :
Il y a ceux qui crient au scandale et qui accusent le FNDU de chercher, «encore une fois», à trahir les autres composantes de l’opposition radicale qui a refusé jusqu’à présent le dialogue avec le pouvoir. Notamment le G8 – réduit à 7 depuis le départ des forces du changement, ancien FLAM. Les partenaires du FNDU au sein de ce regroupement n’avaient pas été mis au courant de la démarche.
Il y a ceux qui regrettent le non aboutissement du processus et qui cherchent à situer les responsabilités. Pour eux, «le fuitage» du document a mis fin aux négociations. Accusant ceux qui l’ont fuité de l’avoir «travaillé» pour en trafiquer le contenu pour le faire rejeter. Ceux-là dont le président de Tawassoul, Mohamed Mahmoud Ould Seyidi, ne nous renseignent pas sur le texte originel, celui qui n’a subi aucune manipulation. Comme ils ne nous disent pas pourquoi le simple fait de fuiter un document destiné à être rendu public, remet en cause tout un processus qui reste vital pour le pays.
Il y a ceux qui profitent de la fin annoncée de la démarche pour culpabiliser ses promoteurs et les rendre responsables de son échec.
Tous oublient de relever que les acteurs, qui qu’ils soient, sont d’accord pour dire la nécessité d’une ouverture de la scène en vue de son apaisement. Tout le monde constate que le tournant que notre pays entame demande une convergence et un renforcement du front intérieur.
Une large partie de l’opinion publique reproche aux pans de l’opposition de n’avoir rien fait pour anticiper les événements pourtant prévisibles. Préférant s’obstiner à animer un positionnement nourri de rejets et ne tenant pas compte du rapport de force avec le camp d’en face.
Au pouvoir, on reproche aussi le refus de faire preuve d’indulgence en faisant l’effort nécessaire pour inclure le maximum d’acteurs dans le jeu politique qui, finalement, peut et doit contenir tout le monde.
En réalité, ni le pouvoir ni son opposition ne sont assez homogènes pour imposer en leur sein une discipline à même de favoriser la convergence.
Chaque camp est conscient de ses fractionnements internes mais ne fait rien pour les soigner. D’où la nécessité pour la Majorité et le FNDU de chercher à garder au secret des négociations qu’il n’y a pas de honte à entreprendre. Au contraire, la publicité autour de ces négociations aurait suscité le contrôle et la pression de l’opinion publique pour les accompagner. Mais non !
Ici, ce sont les partis de la Majorité qui ont peur de «leur» gouvernement coupable, par le passé, de plusieurs actes de sabotages pour les essais de rapprochement.
Là, ce sont les groupes d’influence si ce ne sont les partis qui s’accusent mutuellement et occasionnellement de trahison.
Les suspicions qui rongent les intérieurs des deux camps sont plus fortes que celles qui leur dictent leurs positionnement l’un vis-à-vis de l’autre. Tout comme les effets de la défiance qui pèse plus sur les relations entre partenaires supposés, plus qu’entre protagonistes déclarés.
La plus forte opposition et la plus dangereuse pour le pouvoir, c’est celle qui nait des dissensions internes. Parce qu’elle discrète le système et parce qu’elle bouffe toute son énergie.
Au sein de l’opposition, les rapports sont tellement mauvais et la défiance si totale, qu’aucune action commune ne peut aboutir. Les acteurs passent leur temps à s’épier les uns les autres. Plus qu’à regarder devant eux pour agir.
L’émiettement de la scène politique est un mal mauritanien…

Majorité-FNDU : Echec des négociations de la dernière chance


«Après avoir été sur le point de signer l’accord politique auquel nous sommes parvenus, des pans du Forum ont fait fuiter le texte modifié (‘enlaidi’) de l’accord, obligeant le FNDU à faire marche arrière. A 3 heures ce matin, le dernier round des négociations a pris fin, rompant le processus de négociations secrètes entre la Majorité et le FNDU
C’est ce tweet de Me Sidi Mohamed Ould Maham, président de l’Union pour la République (UPR), qui nous apprend la fin officielle de négociations engagées discrètement entre la Majorité et le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU).
Il est 4:06 en ce dimanche 14 mars, quand, de part et d’autre, les langues «officielles» se délient et acceptent de parler des négociations «secrètes» entre les deux parties. Quelques jours avant, les deux parties rejetaient, parfois violemment, une telle éventualité. On se souvient du communiqué publié par la commission de communication du FNDU pour démentir «catégoriquement» tout contact avec l’autre partie.
Pourtant, c’est maintenant Mohamed Mahmoud Ould Seyidi, président de Tawassoul, qui essaye de reprendre l’initiative en communiquant le plus clairement sur la question. Il choisit pour cela une plate-forme constituée par des groupes sympathisants de l’opposition sur l’application WhatsApp.
Le tout nouveau président de Tawassoul nous apprend que les négociations ont été engagées il y a un an. Avec un relâchement dû à l’absence prolongée (maladie) du président du FNDU et au congrès de Tawassoul, le congrès de décembre qui allait le consacrer pour remplacer Jemil Mansour.
«Il y a quelques semaines, ces négociations étaient reprises entre d’une part une délégation dirigée par Ethmane Ould Ebilmaaly, président de la coalition de la Majorité, et comprenant Me Sidi Mohamed Ould Maham et le ministre Seyidna Ali Ould Mohamed Khouna et, d’autre part Mohamed Ould Maouloud, président en exercice du FNDU, Yahya Ould Ahmed Waqf et Mohamed Mahmoud Ould Seyidi».
Une plate-forme a été remise à la Majorité par les négociateurs du FNDU à ceux de la Majorité qui n’ont pas tardé à répondre. Classant les doléances en trois catégories :
- celles qui n’étaient pas négociables comme la constitution d’un gouvernement de consensus ou de technocrates ;
- celles qui ne pouvaient attendre comme la question de la participation à la désignation de la nouvelle Commission électorale indépendante ;
- et celles enfin qui pourraient être discutées plus tard pour éviter de compromettre le calendrier électoral comme tout ce qui peut nécessiter l’élaboration d’une loi.
Le président Ould Seyidi explique que leurs interlocuteurs avaient demandé une discrétion totale pour éviter le sabotage du processus. Sans donner de détails.
On se souvient cependant que dès septembre 2014, les interférences de certains pans de la Majorité, parfois du FNDU, avaient empêché les rapprochements esquissés ici et là et d’un moment à un autre. Visiblement, la Majorité tenait à ne pas laisser fuiter le nouveau contact pour donner le maximum de chances à sa réussite. C’était compter sans la nocivité de ceux qui épient toute approche constructive pour la torpiller. D’un côté comme d’un autre.
Au conseil des ministres du 22 mars dernier, la Majorité est surprise de voir inscrit à l’ordre du jour, l’adoption d’un décret fixant les modalités de désignation des membres du Comité directeur de la CENI, alors que les négociations sont en cours pour permettre un processus inclusif. L’alerte est lancée et deux options sont retenues.
La première est le retrait du projet de décret de devant le Conseil. Auquel cas, le Président de la République sera dans l’obligation de donner aux ministres les raisons réelles. Du coup, le caractère «secret» perdra son effet.
La deuxième, c’est de laisser faire tout en avertissant ceux de l’autre bord que cela n’affectera en rien les conclusions ou les mesures qui seront prises d’un commun accord. S’ils sont compréhensifs, c’est tant mieux, sinon prendre le risque de fuiter l’accord. Après concertations, il a été décidé de garder secret le processus et de lui donner toutes les chances.
Finalement la fuite est venue visiblement du camp du FNDU. Toutes ces allées et venues ne pouvaient en fait être gardées secrètes. Surtout que l’opinion publique épiait – épie - tout mouvement pouvant indiquer un rapprochement attendu sinon fortement espéré. Naturellement, quand il est annoncé, la réaction a été de le démentir avec véhémence.
Nous savons de ce qui a fuité que l’accord comportait un préambule qui fixait la philosophie et l’atmosphère générale qui présidait à la prise de contact. L’objectif étant la normalisation des relations entre les deux parties : une Majorité qui gouverne avec délégation du peuple mauritanien et une Opposition «responsable» qui joue son rôle de suivi, de conseil s’il y a lieu et de critique dans une démocratie apaisée. Tout cela pour faciliter l’exercice politique, particulièrement la tenue d’élections régulières et consensuelles.
C’est, selon le préambule, la situation régionale et internationale qui dicte aux parties de prendre en considération l’intérêt supérieur de la Nation et d’exprimer fortement leur volonté de se parler, d’échanger et même de se mettre d’accord sur la manière d’assurer une alternance pacifique par l’expression libre et rassurée du choix de l’électeur par la voie des urnes. C’est seulement par cette convergence que chacune des parties saura se satisfaire de la part et du rôle qui lui reviennent.
Après ce préambule fixant le cadre général, suivent une dizaine d’articles qui décident de la participation de toutes les composantes du FNDU aux futures élections en contrepartie de la prise en compte de l’avis du Forum dans la constitution de la CENI, de la mise en place d’une commission d’experts chargée de lutter contre la corruption pour limiter les dépenses en matière électorale, pour discuter le vote de l’Armée, l’accès aux médias publics, la neutralité de l’Administration…
Il est précisé aux termes des articles que le dialogue continuera autour des questions autres que la CENI pour laquelle il y a urgence. Tout comme, il est dit que le FNDU s’engage à entériner les résultats des dialogues antérieurs.
Avec cette annonce de Me Ould Maham, suivie par la déclaration de Ould Seyidi, il ne subsiste visiblement rien de ce dialogue avorté. Que reste-t-il alors à faire ?
Pour la Majorité, il ne reste que se préparer à des élections primordiales parce que déterminantes pour la suite des évènements particulièrement pour la présidentielle de 2019. L’UPR devra relever le défi de mener à terme son implantation et dans les délais. Ce qui lui permettra d’affronter ses adversaires sur le terrain des urnes à partir de septembre prochain.
Pour le FNDU qui est déjà déclaré partant pour les élections, sans conditions, il va falloir trouver la parade qui permettra d’assurer un minimum de conditions pour la tenue d’élections régulières. Une seule voie : pousser vers l’implication de l’Institution de l’Opposition dans la confection de la CENI et dans le processus politique à venir. Après tout, cette Institution a la force du constitutionnel et son implication légitime nécessairement ce qui sera entrepris… Elle constitue le dernier pont qui peut relier les deux rives qui semblent aujourd’hui si loin l’une de l’autre.