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dimanche 18 février 2018

Editorial La Tribune 743 du 12/2

En recevant en grande pompe son homologue sénégalais, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz a donné un signal fort quant à sa prise de conscience de la nécessité pour la Mauritanie de vivre en harmonie avec son voisinage immédiat.
Oui, tous ceux qui n’ont pas de raisons particulières de dénier à Ould Abdel Aziz l’intelligence de comprendre ce fait, lui reconnaissent ses efforts de faire revenir la Mauritanie dans son ancrage naturel, particulièrement son versant africain qu’elle avait quitté avec violence et sans raison.
Quand il impulse le changement du 3 août 2005, la Mauritanie connait un isolement diplomatique total. Parce qu’elle tourne le dos à ses frères arabes et africains, elle se trouve dans le désarroi le plus total après avoir tout perdu de ses vocations de départ.
1960. Au tout début était la démesure.
La Mauritanie est née de cette idée de créer une zone tampon entre les colonies du nord et celles du sud. Cette volonté du colonisateur s’est transformée pour devenir une vocation première de l’Etat national.
«La Suisse de l’Afrique», c’est ainsi que Me Moktar Ould Daddah, le premier président du pays, définissait son projet pour la Mauritanie. En faire un «trait-d’union» entre le nord et le sud de l’espace sahélo-soudanais. Cette double vocation – être la porte sud du Maghreb, la porte nord pour l’Afrique noire - paraissait exagérée en terme d’ambition pour un pays aux 2/3 désertiques pour une population de moins de deux millions d’habitants (aujourd’hui un peu plus de trois millions).
Cette notion de «trait d’union» a vite été dévoyée par ses traducteurs nationalistes arabes pour devenir «hamzatou al waçli» qui n’a d’existence que par altération du langage. Progressivement, la «zone tampon» signifiant «terre de convergence» et qui inclut la double appartenance, est remplacée par la réalité du «ni ni» : ni africaine, ni arabe.
Cette perte de vocation première est sans doute à l’origine des secousses malheureuses qui ont menacé le pays dans son existence. Plus le temps avançait, plus la Mauritanie abandonnait sa vocation première, plus elle s’éloignait de son milieu naturel, plus le pouvoir se durcissait à l’intérieur, plus le pays s’isolait, plus il souffrait.
Economie, cohésion interne de la société, insertion régionale et positionnement international, tout s’en trouvait compromis. Oubliées les formules sympathiques et volontairement lyriques qui désignaient la Mauritanie : «Le pays du million de poètes», la «Cendrillon de l’AOF»…
La sortie de la CEDEAO au moment où sont établies des relations diplomatiques avec Israël… les errements continuent… Les relations avec le monde influent sur le comportement intérieur : les relations avec l’Irak sont coupées donc une répression sauvage est engagée contre le courant des Baathistes, quand ce ne sont pas les Nassériens qui souffrent de la mauvaise relation avec la Libye, ou les Frères Musulmans de celle avec l’Arabie Saoudite (à l’époque)…
On en était là en août 2005. La transition n’apportera pas de profonds changements. Il faudra attendre le coup d’Etat du 6 août 2008 pour voir la barre se redresser.
L’Ambassade d’Israël est fermée. La volonté d’ancrer de nouveau la Mauritanie dans ses enracinements est réaffirmée.
Cela se traduit par une forte présence à toutes les manifestations qui touchent l’Afrique. Investitures de présidents, sommets de l’Union Africaine, réceptions de chefs d’Etat à Nouakchott…
La chance y joue. En 2011, la Mauritanie dirige le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine. A ce titre, elle est à la tête de deux panels chargés de résoudre deux grandes crises qui secouent l’Afrique : la Libye et la Côte d’Ivoire.
Le déroulement des deux médiations a permis à Mohamed Ould Abdel Aziz, et donc à la Mauritanie, de revenir au centre de la scène diplomatique africaine. Plus tard, il sera président en exercice de l’UA. Au moment où il recevait ses pairs arabes à Nouakchott où ils ont tenu leur 27ème sommet, une première pour un pays reconnu seulement en 1973 par la Ligue Arabe.
Servie par la conjoncture, la Mauritanie pourrait retrouver pleinement la place qui fut la sienne. La place laissée par la Libye en proie aux tumultes, par le Soudan qui a subi une partition, peut être occupée par la Mauritanie.

L’urgence est à «la reconquête des cœurs des africains, longtemps boudés par la Mauritanie».