Comment éviter que des incidents comme celui du 27
janvier dernier arrivent entre Sénégalais et Mauritaniens ? Comment éviter que
chaque incident soit payé au prix fort par les ressortissants mauritaniens
installés au Sénégal ? Y-a-til une sortie possible de ce cercle vicieux où l’on
voit des pêcheurs violer la zone de pêche mauritanienne dans l’illégalité, les
garde-côtes chargés de protéger l’espace et la ressource répondre selon la
gravité de la réaction des fraudeurs, pour voir ensuite une foule excitée s’en
prendre à des innocents ?Comment mettre fin au climat de suspicion ambiant
entretenu par les manipulateurs intéressés ?
Pour mieux comprendre, nous nous sommes adressé à un
vrai spécialiste de la pêche et de ce dossier en particulier. Nous résumons ci-après
l’essentiel des idées et informations.
Le samedi 27 janvier 2018 une pirogue de pêcheurs
sénégalais interceptée dans nos eaux par les garde-côtes mauritaniens refuse
d’obtempérer et entreprend des manœuvres dangereuses pour la sécurité de notre
vedette de surveillance.
La Surveillance tente de neutraliser l’embarcation en
tirant sur son moteur, mais l’un des pêcheurs est tué accidentellement.
Immédiatement, comme d’habitude, s’en suivit le
pillage des boutiques mauritaniennes à Saint Louis. Nos ressortissants ne
durent leur salut qu’à l’intervention énergique des forces de l’ordre et la
protection de leurs voisins sénégalais.
Le Sénégal parle de bavure, la Mauritanie d’un
accident regrettable, les groupuscules «politiques» s’enflamment, mais la
situation est gardée sous contrôle par les gouvernements respectifs.
Dans ce «conflit de basse intensité» qu’est le
voisinage de la Mauritanie et du Sénégal, nous n’avons pas toujours tord mais
nous avons toujours perdu la guerre de la communication. Le Sénégal a toujours
su mieux que nous rallier à ses arguments l’opinion publique internationale, et
même souvent la nôtre. Certains vont jusqu’à parler de “meurtre” ou de
responsabilité du gouvernement mauritanien.
Le déclencheur des “événements de 1989” en terme de
manipulation restera un cas d’école : le 9 avril 1989, à Diawara
(Sénégal) un accrochage entre des bergers peuls mauritaniens et des paysans
soninké Sénégalais, devient quelques jours après, par les miracles de la
manipulation, une guerre civile entre les maures et les negroafricains, avec
les conséquences dramatiques que l’on sait.
Mais pour rester dans le domaine de ces accidents liés
à l’exercice de la loi, rappelons à nos frères sénégalais qu’elles peuvent
arriver y compris chez soi, et qu’elles ne doivent pas être un prétexte aux
violences entre communautés.
Avril 2002, Mohamed Ould Sneid, commerçant
mauritanien, a été abattu de plusieurs balles en tentant de traverser le
fleuve, près de Gourel.
Aucun sénégalais n’a été inquiété chez nous et la
Mauritanie n’en a pas fait un drame international. Son cas est toujours entre
les mains de la Justice sénégalaise.
09 janvier 2008, une pirogue surprise par les
garde-côtes en délit de pêche sans license, attaque ces derniers au cocktails
Molotov et à l’arme blanche.
L’embarcation des garde-côtes prit feu mais son
équipage maîtrisa la situation par miracle. Les pêcheurs furent arrêtés et
conduits à Ndiago et cela sans faire usage des armes à feu, grâce au sang froid
des garde-côtes qui se contentèrent de garder le capitaine Salou Sey pour ses
agressions et libérer le reste de l’équipage.
Seulement, arrivés à Saint Louis, les pêcheurs
répandirent la rumeur de la mort de deux des leurs, déclenchant
intentionnellement les attaques contre les mauritaniens.
Le lendemain, Salou Sey parla à la radio pour affirmer
que non seulement il n’est pas mort, mais qu’il a été bien traité.
Mais les boutiques étaient déjà pillées. Elles furent
indemnisées quelques années après par le gouvernement sénégalais.
C’est dire que quand il n’y a pas de prétexte, les
guet ndariens peuvent l’inventer pour manipuler les foules.
Mais les autorités de part et d’autre sont vaccinées
contre ce genre d’agissement, et c’est pourquoi, aujourd’hui, la réaction
rapide des forces de sécurité sénégalaises a été franche, rapide et décisive.
Malgré les habituels fauteurs de troubles, nos
autorités respectives ont rapidement maîtrisé la situation, mais se doivent
aussi de prendre les mesures nécessaires pour éviter la récidive.
Pour cela on doit s’attaquer au fond du problème qui
est l’accès des Guet Ndariens à la pêche en Mauritanie par la voie légale et
non par la piraterie.
En attendant, les pêcheurs pirates, pris en flagrant
délit, doivent surtout éviter le recours à la violence envers les garde-côtes,
afin d’éviter ce genre d’accidents regrettables.
Pour cela il faut une véritable campagne auprès des
pêcheurs de Saint Louis pour leur faire admettre l’existence des frontières et
que ce ne sont pas leurs frères nomades du nord qui les ont inventées.
C’est une difficile transformation des
mentalités que nous leur demandons, eux qui sont habitués à la gratuité et
à la liberté de manœuvre totales.
La Mauritanie de 1960 à 2014 leur a ouvert ses eaux,
même au pic du conflit des années 90. 5000 pirogues avaient ainsi accès sans la
moindre formalité et même les quelques dizaines arraisonnées par an, étaient
remises à leurs propriétaires lors de cérémonies officielles périodiques.
C’est seulement quand nous avons commencé à gérer
notre propre pêche artisanale que nous avons demandé un semblant de légalité à
nos frères sénégalais.
C’est ainsi qu’un accord de pêche, à un prix purement
symbolique a été signé pour l’année 2015, pour 10€ la tonne au lieu de 300€
pour les autres partenaires.
La seule clause contraignante était le débarquement de
6% de ce quota pourtant non déductibles des 50.000 T. Elle n’a jamais été
respectée et les autorités mauritaniennes n’en ont pas fait un blocage.
Le renouvellement de ce protocole a achoppé sur la clause
de débarquement rejetée par les pêcheurs sénégalais et qui est imposée par le
Code des Pêches mauritanien à tous les partenaires, dans le souci d’une gestion
durable de la ressource, pour une pêche responsable.
L’incident malheureux intervenu ces jours-ci, est une
chance pour trouver un accord qui respecte l’exigence du contrôle de la
ressource nationale pour les nous, et la nécessité pour les pêcheurs sénégalais
de profiter de cette ressource dont la préservation sert les deux peuples.