«J’ai
signé un accord auquel je ne crois pas»… un aveu formulé par le Premier
ministre grecque Alexis Tsipras qui s’aplatit ainsi après avoir obligé ses
compatriotes à croire, mais aussi tous ceux qui ont espéré voir dans sa
résistance la fin de l’hégémonie incontestable de la finance internationale. Il
aura tout essayé. Jusque les contorsions les plus spectaculaires et les plus
ingénieuses. A l’image de la consultation du peuple grec qui fut son déhanchement
le plus beau et le plus applaudi. On ne peut que saluer le retour de la
démocratie – le retour vers la démocratie – dans le pays qui a vu naitre ce
concept de gouvernement. Mais c’était oublier que la force que lui donnait
ainsi son peuple ne représentait rien face au diktat international…
En
1946, Nikos Kazantzakis, un écrivain avant-gardiste, publiait un roman intitulé
Alexis Zorbas. Adapté au cinéma dans les années 60, il devient le film
culte Zorba le grecque. L’œuvre met enscène deux personnalités qui se
situent à l’opposé l’une de l’autre : un écrivain venu du Royaume Uni pour
recouvrer un héritage et un Grec flamboyant. Basil et Zorba s’opposent tout en
restant ensemble. La trame est celle-là : l’insouciante désinvolture du
Grec qui semble incarner une culture bien ancrée qui s’écrase contre la solide
froideur du Britannique.
L’artiste
et philosophe Zorba vit pleinement ses émotions, les exprimant avec une
spontanéité toute humaine. Basil, quant à lui, joue la fourmi regardant
amusée la cigale chanter tout l’été et attendant le moment de vérité.
Zorba se gausse de ses propres entreprises qu’il entame et conclue
naturellement mal. Basil, face à ce qui prenait parfois les allures d’une douce
folie, restait impassible : la réalité finira par rappeler le Grec à la
Raison…
Les
Grecs ont bouffé tout ce qu’il leur restait de crédit. Leurs créanciers,
froids, les ont laissé emprunter, les poussant même à emprunter. Le jour des
comptes est inexorablement arrivé. Rien ne pouvait éviter à la Grèce de passer
sous les fourches caudines de ses créanciers. Pas même les intermèdes de
l’artiste, Tsipras le grec.
Quand,
au milieu des années 80, les institutions financières internationales
imposaient à la Mauritanie la cure de l’ajustement structurel, le
concept avait été vendu comme la seule possibilité pour le pays de sortir du
marasme en accédant aux financements extérieurs. Au début des années 90, on se
retrouvait avec un pays qui quittait l’ensemble des pays en voie de
développement pour celui des pays les moins avancés, puis, quelques
années plus tard, à celui des pays pauvres pour enfin arriver au milieu
des années 2000 à la catégorie des pays pauvres très endettés. De
programme en programme, de cure d’austérité en cure d’austérité, le pays
s’appauvrissait et perdait l’envie de se battre pour s’en sortir. La
psychologie ambiante est celle-là : on ne peut sortir de ce cercle vicieux
qui est finalement destiné à faite plier toutes les cultures, toutes les
économies, autant donc se laisser avoir…
En
Mauritanie comme en Grèce le diktat internationale a été rendu possible par
l’irresponsabilité des élites qui ont choisi la démission face aux partenaires
devenus propriétaires. Si l’un et l’autre des pays ont fini sous la
coupe, c’est que la gestion des affaires y a été catastrophique. En Mauritanie,
si les programmes ont échoué obligeant le pays à toujours faire de nouvelles
concessions, c’est parce que des fonctionnaires sont devenus de grands
propriétaires, parce que les voitures rutilantes ont occupé l’espace public qui
devait abriter parcs et champs, parce que les hauts responsables passent leurs
vacances en Europe, en Amérique… parce que les possibilités financières ont été
pillées par une minorité qui avait en charge la mise en œuvre des programmes.
C’est le pays tout entier, le peuple tout entier qui paye pour l’avidité et
l’inconscience de certains.
On
finit toujours par payer…