Je
me réveille le matin, très tôt. Après avoir fini tout ce que j’ai à faire, y
compris le petit-déjeuner, je descends attendre dans le hall de l’hôtel. Dans
un moment de pleine oisiveté, je saisis une revue tout en Polonais en me disant
que je regarderai les photos en essayant d’imaginer de quoi l’on parle.
Surprise : à la troisième page, une belle photo d’une tente de chez moi,
sous la tente un homme, une femme et leur enfant… tout sourire… le bonheur des
bédouins du Sahara…
Sous
la photo un texte d’une trentaine de ligne. J’ai tout de suite repéré le mot «Mauretanii»…
trois fois… puis le nom de Abderrahmane Sissako mais pas son film Timbuktu.
Mais de quoi devait parler le papier si ce n’est de cinéma ? Quand mon
guide-interprète arrive, il m’explique qu’il s’agit d’un papier annonçant le
festival «Printemps de cinéma» de Gdansk auquel notre compatriote et
notre héros national est invité. L’auteur explique que le réalisateur est mal
connu en Pologne mais qu’il a un grand succès en Europe et ailleurs… ma journée
commence bien.
Direction :
le Centre européen de solidarité. Quelque chose de tout nouveau. Une sorte de
musée dédié au mouvement Solidarnosc et à la lutte qui a commencé par être le
fait de la classe des travailleurs pour finir en une révolution populaire
impliquant toutes les forces vives de la Nation. Tout a commencé ici dans les
chantiers navals Lénine de Gdansk. C’est ici que les prolétaires de toute la
Pologne se sont unis pour contester l’hégémonie du Parti communiste et au-delà
le joug de l’Union soviétique. A l’intérieur du musée, c’est le cheminement de
cette révolution qui est repris et commémoré.
Devant
le centre se dressent trois grandes croix qui ont été dressées ici par les
ouvriers de Gdansk en mémoire de ceux des leurs qui sont tombés dans les
événements de 1970. La croix ici, c’est quelque chose qu’on respire. Où vous
vous tournez, il y a un symbole religieux vous rappelant que vous êtes en terre
de chrétienne (catholicisme principalement). Et comme dit le philosophe
français Michel Onfray : «Toute civilisation épouse le mouvement de
spiritualité qui la porte et la rend possible», ici c’est le catholicisme
qui a porté la révolution. Sans le Pape Jean-Paul II, on peut se demander de ce
qu’il serait advenu du mouvement ouvrier de Gdansk. Ici, la ferveur religieuse
a été le moteur de la résistance au communisme. Elle a donc soutenu la
révolution.
Le
13 décembre 1981, le général Wojciech Jaruzelski déclare l’état d’urgence. Ce jour-là,
un photographe heureux prend un cliché montrant le cinéma Moscou de Varsovie
affichant le célèbre film Apocalypse Now et dans les rues les chars de l’Armée
qui écrasaient déjà l’insurrection. Un résumé du chaos qui allait survenir. Il faudra
attendre le désengagement russe et la Perestroïka pour voir le régime militaire
lâcher du lest. La voie est ouverte pour la démocratisation seulement en 1989. Le
4 juin de cette année, les Polonais votent pour Solidarnosc et son leader
devient le premier Président élu de Pologne.
L’histoire
ne se termine pas là. Gdansk qui a vu le déclenchement de la première guerre
mondiale, qui a été détruite par cette guerre, cette ville qui a été le berceau
de l’insurrection qui a finalement libéré le pays, cette ville est aujourd’hui
en pleine mutation. Avec son stade gigantesque construit à l’occasion de l’Euro
2012, avec ses zones spéciales de développement, ses centres technologiques,
son ouverture sur la Mer baltique, le dynamisme de son économie et surtout l’afflux
de touristes venus contempler «l’or du Nord» (Ambre). Tout ici reflète
les couleurs de cette pierre précieuse, résidu d’un autre âge.
En
grandissant la ville a formé une sorte de mégalopolis avec deux autres centres
urbains : Gdynia et Sopot. Si Gdynia est un prolongement de l’activité du
port de Gdansk, elle est aussi une sorte de Silicon Valley. Alors que Sopot est
une magnifique station balnéaire qui se trouve sur la Baltique. L’ensemble de
ces cités est appelé ici la Tricité.