Il y a quelques semaines, il venait me raconter une histoire vécue
par laquelle, il glorifiait le comportement «émiral» de Aïcha Mint Ahmed
Salem Wul Brahim Salem en un temps où les valeurs traditionnelles pesaient
encore dictant le comportement de chacun. En un temps où, entendant le jeune
Mohamd Cheikh Wul Siyid déclamant l’un des panégyriques consacrés par Seddoum
Wul N’Diartou aux Awlad M’Barek au cours d’une fastueuse cérémonie célébrant
l’union d’un couple de la famille Ehl Mohamd Lehbib, Aïcha ordonnait aux
griots présents de passer à la fête et aux chants destinés à égayer les
occasions du genre, prétextant : «Sous nos tentes quand le Theydine des
Awlad M’Barek est déclamé, personne n’a plus le droit d’être célébré».
Wenna Ould Kherchif me racontait cette anecdote pour, selon lui, me
montrer «combien mes oncles maternels étaient grands !». Pour lui,
la déclaration de celle qui fut fille, épouse et sœur d’émirs, exprime tout le
sens de l’abnégation qui fait les gens de cette époque.
Wenna Ould Kherchif avait conscience du rôle social qu’il avait
hérité et qui était celui de gardien d’une certaine idée des Bidhânes. Même
s’il convenait souvent avec moi que l’ordre traditionnel dont découlent les
valeurs qu’il aimait cultiver, que cet ordre était inique et consacrait
l’inégalité des hommes, il méritait selon lui qu’on l’entretienne.
C’est pourquoi Wenna était un enseignant ambulant. Chaque rencontre
avec lui était une occasion de prendre la leçon, d’apprendre quelque chose.
D’utile quand il s’agit d’histoire ou de généalogie. De beau quand il s’agit de
poèmes, héritage d’un passé intelligent et riche.
Wenna était une encyclopédie vivante qui s’offrait aux chercheurs
et aux intéressés par la culture Bidhâne. Pas sectaire. Pas chauvin. Ouvert à
tous vents… Il s’en est allé en silence. Et avec tout le savoir qu’il avait
accumulé des années durant.
A ses proches, amis et parents, aux férus de la culture
traditionnelle Bidhâne, à tous nous présentons nos condoléances les plus
attristées.
Inna liLlahi wa inna ilayhi raji’oune.