On
doit envisager la nomination de Sidi Ould Tah à la tête de la Banque Arabe pour
le Développement Economique en Afrique (BADEA) comme un succès diplomatique de
la Mauritanie. Elle intervient à quelques heures d’une visite officielle du
Président Ould Abdel Aziz en Arabie Saoudite sur invitation du tout nouveau Roi
Salman. C’est une première d’autant plus que l’Arabie a disponibilisé un avion
pour effectuer le voyage. Différentes manière de lire l’événement. Celle qui
nous intéresse est liée quelque part à la désignation de Sidi Ould Tah à la
tête de l’instrument financier qui sert aux monarchies du Golfe comme outil de
coopération avec l’Afrique noire. Selon nous, l’Arabie Saoudite renoue avec sa
vision des débuts de la Mauritanie en laquelle elle voyait la grande porte
d’entrée en Afrique subsaharienne. L’instrument financier doit donc être
soutenu par une volonté politique et diplomatique volontariste. On a par
ailleurs vu comment la Mauritanie a su utiliser sa présidence de l’Union
Africaine pour normaliser le pouvoir de Abdel Vettah Essissi, l’homme des
Saoudiens en Egypte et dans la région.
Il
ne faut pas seulement y voir une récompense à un soutien qui a servi loyalement
le régime auquel il a appartenu. Ni une consécration pour un ministre qui a pu,
malgré les aléas, réussir à remplir sa mission de ministre des affaires
économiques et du développement, promoteur d’investissements, ministre des
affaires étrangères bis… Il faut y percevoir d’abord un retour de notre pays
sur la scène arabe et internationale.
Quand
la décision de créer une banque arabe dédiée au développement de l’Afrique au
sommet d’Alger de 1973, il a fallu attendre 1975 pour la lancer. Il était alors
question de faire de Nouakchott son siège social et de la Mauritanie son pays
d’accueil. C’est dans cette perspective que l’immeuble dit AFARCO (aujourd’hui
BMCI) a été construit. La guerre du Sahara a dressé l’Algérie contre la
Mauritanie et le coup d’Etat de 1978 a fait craindre l’instabilité future. La
Mauritanie perdra peu à peu ce rôle de trait-d’union entre l’Afrique Noire et
le Monde Arabe, devenant, à la fin des années 80, «l’orphelin géopolitique»
de la région, adoptant cette position de «ni-ni» (ni Arabe, ni
Africaine, après avoir été les deux à la fois).
Les financements de la BADEA ne pouvant profiter à la
Mauritanie qui fait partie de la Ligue Arabe, l’arrivée à sa tête de l’un des
nôtres est une excellente chose. D’autant plus qu’elle est le premier succès du
genre depuis une quarantaine d’années, toutes les candidatures mauritaniennes à
diriger des instances internationales ayant échoué soit pour la qualité des
candidats, soit à cause des carences de la diplomatie mauritanienne. C’est un
peu aujourd’hui une Mauritanie qui gagne que nous entrevoyons…