Abderrahmane Sissako est ce soir sur le plateau du Grand journal
de Canal+. Toujours égal à lui-même : humilité, retenue, mesure dans les
propos… Une présence forte qui trahit dès l’abord la profonde sensibilité du
réalisateur, ce trait de caractère qui en fait un poète de l’image, un
philosophe au quotidien.
Un sujet qui fâche : Charlie Hebdo. Quand on le pousse autour
de la table pour juger l’hebdomadaire, devenu symbole de la liberté d’expression,
Abderrahmane Sissako dit simplement : «Défendre le symbole oui, mais
pas le contenu». On n’y reviendra pas.
Autour de la table, différentes approches : celles qui veulent
donner au public une idée du film et celles qui veulent déstabiliser son
réalisateur par les critiques les plus acerbes et les plus insignifiantes. A un
moment, l’un des débatteurs fait appel à un article écrit par Nicolas Bau, ce
journaliste français qui se fait passer pour un spécialiste de la Mauritanie. Nicolas
Bau compare Sissako à un «BHL des dunes». En quoi Abderrahmane Sissako
peut-il ressembler à Bernard-Henry Levi ? L’engagement du premier pour les
causes justes est viscéral. Son désintéressement quand il s’agit de pratiquer
son art. Tout comme son incommensurable constance.
Notre compatriote préfère ignorer Nicolas Bau pour parler de la dignité
de ces populations qui résistent devant la barbarie et dont peu de gens
parlent. Opposer à ces journalistes qui ont tout de la Françafrique (ou France-à-fric),
y compris la condescendance qui frise le racisme assumé, y opposer la
dignité des pauvres indigènes, c’est ce qu’il fallait faire. Sans accorder
une attention particulière aux attaques gratuites (… ?).
Sur le chapitre de la proximité avec le Pouvoir, Abderrahmane Sissako
répond (en substance) : «J’ai la chance de pouvoir offrir une meilleure
visibilité à mon pays qui le mérite, je suis très fier d’exercer mon métier en
tant que Conseiller à la Présidence et de participer à rehausser l’image de la
Mauritanie…»
La Mauritanie… il en sera question sur ces plateaux pendant des
semaines, ainsi que sur les grandes scènes du showbiz. Une première pour un
pays qui a besoin de faire parler de lui en bien, et qui le mérite amplement.
Merci Sissako.
P.S : En dénonçant
la Franceafrique dans ses aspects réseaux politiques et financiers, on occulte –
volontairement – tous les autres aspects qui englobent ces journalistes et
intellectuels français qui, au nom de la connaissance des peuples et des pays d’Afrique,
servent une littérature qui pue le racisme et développe l’idée d’une Afrique
dont on peut dire tout et son contraire.
Ceux des réseaux tout comme les journalistes et intellectuels qui
tombent dans ce travers, sont les deux aspects d’une même monnaie ;
la Françafrique.