L’expérience
nous apprend qu’il y a plus de bocages nés des appréhensions et des refus de
reconnaissance mutuelle que de raisons réellement objectives. Le plus grand
blocage reste l’incapacité des acteurs à adopter une méthodologie à même de
promouvoir le dialogue.
Dans
la plupart des situations, les protagonistes mauritaniens voient tout processus
de dialogue comme une bataille qu’il faut livrer avec férocité les uns contre
les autres. Alors que le dialogue suppose un minimum d’humilité qui impose la
recherche d’un terrain d’entente. Il suppose avant tout de reconnaitre à l’autre
– ou aux autres – le droit d’exiger, de demander et attendre d’eux qu’ils
donnent.
Quand
on s’engage dans un processus de dialogue, on doit nécessairement savoir ce qu’on
veut et pouvoir l’exprimer avec clarté. Déterminer à l’avance jusqu’où l’on
peut aller dans les concessions et dans les exigences. Jauger le rapport de
force pour éviter d’être pris au dépourvu et de se retrouver dos au mur.
Les
débats chez nous sont une succession de convenances (au meilleur des
cas) sinon d’insultes (au pire des cas) proférées par les uns vis-à-vis des
autres, souvent en parallèle. Il est rare de voir les protagonistes de chez
nous discuter dans la sérénité en ayant à cœur de convaincre le vis-à-vis. Il leur
est plus facile de faire dans l’invective, de manière justement à éviter à se
parler les yeux dans les yeux, à échanger tranquillement.
Quant
au dialogue (politique ou social), il est justement refusé sous différents
prétextes. On se cache d’abord derrière le déni de bonne volonté : le
vis-à-vis est toujours de mauvaise foi, il y a toujours quelque calcul
malveillant qu’il faut trouver avant de s’engager… On va plus loin pour trouver
dans le passé, des preuves des appréhensions nourries en oubliant le rôle de
chacun, les mauvaises appréciations de chacun, le positionnement de chacun…
Tout
cela pour dire que le processus de dialogue qu’on tente aujourd’hui de faire
démarrer (et qu’on espère de tout cœur) se grippe au départ.
D’abord
à cause de cette mauvaise lecture qui explique que «si Ould Abdel Aziz
accepte de discuter de tout, c’est parce qu’il est soit malade, soit aux abois».
Accepter de dialoguer avec lui équivaut donc à… le sauver.
Ensuite
parce qu’on invoque «les expériences de dialogue passées qui ont donné la
preuve de la mauvaise volonté du Pouvoir». Accepter la main tendue ces
derniers temps fait courir le risque de se laisser avoir une fois de plus.
Il
y a enfin cette attitude qui dénie au Président de la République et à son
système, la possibilité de traduire la volonté de dialogue en politique
publique. Aller dans le sens qu’il veut relève de la vanité.
Quelque
soit la posture que l’on adopte pour justifier le rejet du dialogue ou pour
bloquer le processus, on se trouve dans la mauvaise logique.
La
situation générale est plus que satisfaisante pour le régime en place. Au plan
intérieur, les mouvements revendicatifs ne sont pas aussi dangereux pour sa
stabilité. Même les risques d’explosions sociales restent au niveau de la
menace lointaine. Au plan extérieur, la Mauritanie de Ould Abdel Aziz s’est
imposée comme un pôle de stabilité et un pivot de la lutte contre le terrorisme
et le crime organisé en général.
Quoi
qu’en disent les rumeurs et malgré les campagnes d’intoxication – enlèvements d’étrangers,
maladie du Président, retrait d’investisseurs étrangers, cas d’Ebola… -, il
suffit de regarder froidement la situation pour ramener les problèmes du pays à
leur dimensions réelles : ceux d’un pays en voie de développement qui
essaye d’en sortir. Pas de quoi menacer la stabilité d’un régime qui a su et pu
éviter les pires moments (coup d’Etat de 2008, attaques de AQMI, contagion du «printemps
arabe», accidents de parcours…).
Alors ? Ne reste plus que se poser la question
fondamentale : quelle alternative au dialogue ?