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lundi 26 janvier 2015

Et le droit dans tout ça?

A la suite de la mutinerie de la prison centrale de Nouakchott, les autorités judiciaires sont vite montées au créneau pour se justifier plus que pour éclairer. Un passage des propos entendus, l’affirmation que la décision de libérer ceux parmi les prisonniers dont la peine avait expirée avait été prise le vendredi même, «mais des problèmes personnels avaient empêché la mise en œuvre de la décision avant la fin de l’heure légale».
En entendant cela, je me suis rappelé des propos similaires tenus en avril 2002 par le directeur de la police politique qui me retenait alors depuis douze jours. Il arrive avec ses principaux collaborateurs et me dit : «Tout est fini, la décision de te libérer est prise parce qu’on n’a rien trouvé contre toi. Mais on arrive en fin d’heure et je ne peux procéder à sa mise en application parce que je vais en weekend». Et en riant : «…quarante-heures de plus ce n’est rien, à la première heure dimanche tu pourras aller chez toi…»
Treize années séparent les deux affirmations, mais leur effet est le même. Leur justificatif aussi. Voilà qu’un responsable – peu importe s’il est de la police ou de la justice – peut décider de maintenir en prison quelqu’un qui est libre par le fait de la loi ou de la décision politique. Peu importe pour ces gens si les détenus souffrent, peu importe ce que la liberté signifie pour quelqu’un qui en était privé, peu importe si leurs décisions personnelles respectent ou non la morale, la loi… Un abus d’autorité, voilà ce que le Procureur a reconnu l’autre soir à la télévision publique.
Cet abus d’autorité, le ministère de la Justice avait cherché à l’éviter. Il y a quelques années, le ministère avait commandité un système d’alerte pour permettre à la direction des prisons de suivre l’état d’avancement de la peine de chaque prisonnier électroniquement. A la fin de la peine, un bip permettrait aux autorités concernées d’agir immédiatement. L’Union Européenne avait financé ce projet dont le mécanisme n’a jamais été utilisé par les autorités concernées. Après cet incident, il est temps de s’approprier et d’activer ce mécanisme qui existe sous forme de projet parce que personne n’en veut au ministère.
Ce qu’on nous cache et qu’on n’a pas pu comprendre à travers tout ce qui a été dit et écrit sur la question, c’est que les prisonniers sont une source de revenus. Tant qu’ils sont là. Pour tout le système, judicaire et pénitencier.
A la longue, un système maffieux s’installe où chacun trouve un petit quelque chose à soutirer. De l’avocat, au juge, au gardien de prison, au codétenu… tout le monde… a besoin de prisonniers.
En contrepartie, les prisonniers établissent facilement des rapports de complicité avec cet environnement dans lequel ils sont obligés de s’adapter. C’est seulement ainsi qu’on peut comprendre comment des prisonniers salafistes peuvent avoir des Smartphones dans leurs cellules. Ce qui leur permet de maintenir le lien avec l’extérieur, parfois de continuer à prêcher leurs dangereuses idéologies, à recruter…
La mutinerie de l’autre soir doit servir. Aucune impunité n’est acceptable en la matière. Et pour le signifier, la réaction doit être rapide.
Pas besoin de rapports pour savoir que l’abus d’autorité a été exercé à l’encontre de citoyens dont la peine a expiré ou de savoir que les prisonniers ont besoin de sérieuses complicités pour préparer un tel coup.
Pas besoin d’analyses pour comprendre que les manquements et les excès ont mis le pays dans une situation qui a remis en cause toutes les certitudes concernant la sécurité et la stabilité. Qu’ils ont mis les Salafistes dans la position des Justes qui revendiquent un droit, juste ce droit… qui ont fini par faire plier l’injustice par la violence… comment faire ensuite pour empêcher la jeunesse mauritanienne, une certaine partie de cette jeunesse, de les adopter comme héros… en un temps où la recherche de modèle et de héros est effrénée ?

Il y a des coupables à la faillite – même momentanée – de l’ordre et de la justice. Il faut faire payer quelqu’un… qui ?