Toute la soirée de vendredi à samedi, Nouakchott a vécu au rythme
d’événements singuliers et pour le moins inattendus survenus dans la prison
civile de Nouakchott.
Tout commence en fin d’après-midi quand des prisonniers salafistes
accrochent des gardes venus mater un sit-in qu’ils organisent depuis plus d’une
semaine. Ce sit-in visait à protester contre le maintien en détention de quatre
d’entre leurs amis dont la peine a expiré et que le Parquet refuse de libérer,
sans explications.
L’accrochage entre gardes et prisonniers prend l’ampleur d’une bataille
rangée qui voit les Salafistes prendre le dessus, avec le retrait des gardes
qui laissent derrière eux deux de leurs camarades qui deviennent alors des
otages aux mains des prisonniers. On tente dans un premier temps de couvrir la
mutinerie en utilisant la force. Mais très vite, les autorités se rendent
compte qu’il est trop tard. Les Salafistes, bien organisés et ayant les moyens
technologiques de faire participer l’extérieur au déroulement des événements,
ont déjà envoyé les images des deux otages à l’extérieur.
Sans scrupules, la plupart des moyens d’informations privés –
télévisions et sites électroniques – publient immédiatement les photos.
L’alerte est donnée. Les événements se déroulent alors en direct de la prison
de Nouakchott.
C’est un peu avant minuit que preneurs d’otages et autorités arrivent à
un accord : les quatre prisonniers salafistes sont libérés en échange de
la libération des otages. Une honte à double niveau.
D’abord au niveau de l’éthique : voilà des prisonniers dont la
peine a expiré et qu’on maintient malgré cela en prison. Une habitude qui
relève de la normalité de l’excès d’autorité dont font preuve les hommes du
Parquet. Il suffit de faire la liste de tous les prisonniers dont la peine a
expiré et qui sont maintenus malgré cela en détention. Paresse ou
insouciance ? probablement les deux à la fois.
Ensuite au niveau sécuritaire : voilà que des prisonniers qui plus
est salafistes peuvent prendre en otage des gardes en plein Nouakchott. On est
loin, très loin, du zéro risque qu’on espérait avoir approché avec toutes les
réussites en matière sécuritaire.
L’action de ces dernières vingt-quatre heures met effectivement à nu le
système judiciaire en étalant sur la place publique ses défaillances, son
incohérence et sa mauvaise foi. Défaillances, incohérence et mauvaise foi sont
à la source de l’arbitraire exercé au quotidien contre toutes les victimes qui
ne comptent (ou décomptent pas).
Elle a mit à nu aussi les insuffisances du système pénitencier qui finit
par vivre sur le compte des prisonniers qui, eux, ont tout loisir à se
comporter comme ils veulent. Sinon comment expliquer la présence de téléphone
de grande qualité dans la prison ? et les armes blanches, s’il y en a
eu ? et cette bonhomie qui caractérise les relations entre prisonniers et geôliers ?
que dire aussi de ces prisonniers fraichement rapatriés de la prison du désert
qui les isolait et qui prouvent qu’ils ont la possibilité de continuer à agir
et à recruter ? où en sont les ONG qui reprochaient aux autorités de les
avoir isolés ?
Les prisonniers salafistes dont la peine a été consommée et qui ont
finalement été libérés à la suite de cette action violente sont :
1.
Tiyib Ould
Salek, arrêté en 2005. Il était accusé d’abord de participation à l’opération
de Lemghayti qui a coûté la vie à 17 de nos vaillants soldats. Il a été ensuite
jugé pour avoir reçu de l’argent de l’extérieur en vue d’organiser des actions
terroristes et d’avoir recruté à cet effet. Il est accusé d’appartenir à une
filière internationale, c’est pourquoi les services espagnols ont demandé à
l’interroger dans le cadre de l’enquête sur les attentats de Madrid le 11 mars
2004.
2.
Mohamed
Said Ould Moulaye Eli accusé d’avoir participé à plusieurs actions d’Al Qaeda
au Maghreb Islamique (AQMI). Il a été appréhendé puis jugé en Algérie où il a
écopé de trois ans fermes. Remis à la Mauritanie, il a été condamné à deux ans.
Sa peine a expiré le 15 de ce mois.
3.
Taleb Ould
Hmednah, recherché pour appartenance à AQMI, il a été arrêté au Sénégal puis
remis à la Mauritanie. Il a été jugé et condamné à cinq ans de prison. Son
frère Abdel Kader a été tué au Mali au cours de l’offensive française de 2013.
Sa peine a pris fin il y a deux mois environ.
Mohamed el Hafedh alias Jouleybib qui fait partie de
ceux qui ont bénéficié de l’amnistie faisant suite au dialogue de 2010. Il est
vite repris et accusé de recruter pour le compte d’AQMI. Il est condamné à cinq
ans avant de faire appel, ce qui lui permet de réduire sa peine à trois ans qui
ont pris fin ce vendredi, le jour de la mutinerie.