Une première secrétaire. Une Peule, largement la
cinquantaine. Le boubou ample sans extravagance, le mouchoir noué autour de la
tête couvrant parfaitement ce qui doit l’être. Tout en elle sent l'expérience
et le professionnalisme. Déjà la disposition des documents sur son bureau et le
rangement des classeurs indiquent un sens méticuleux de l’organisation.
Gentiment, elle me demande, dans un Hassaniya
sans accent : «vous désirez Monsieur?» Le ton comprend la majuscule,
tellement il dégage le respect. J'explique que je suis venu déposer un courrier
adressé à son patron. Elle propose d’abord de me faire une photocopie pour y
apposer la décharge. J'en suis ravi.
«Mon patron est sorti, mais je vous promets
qu'il recevra le courrier qui sera à sa lecture dès qu'il revient». J'en
suis persuadé vu le ton ferme et rassurant. Je n'ai donc pas besoin d'insister
comme il est d'usage.
Je reviens le lendemain. Cette fois-ci, je suis sûr que le patron a eu le courrier, mais je voudrai insister pour accélérer le traitement. Je reviens vers la dame d'hier. Elle m'explique que pour me faire annoncer à son patron, je dois m'adresser à une autre secrétaire…
A peine la quarantaine, le corps de la Mauresque, rabougri par des années d'inactivité, probablement de gavage par des produits augmentant l'appétit, le visage ravagé par les produits chimiques dits de beauté, l’air de rien…
Je reviens le lendemain. Cette fois-ci, je suis sûr que le patron a eu le courrier, mais je voudrai insister pour accélérer le traitement. Je reviens vers la dame d'hier. Elle m'explique que pour me faire annoncer à son patron, je dois m'adresser à une autre secrétaire…
A peine la quarantaine, le corps de la Mauresque, rabougri par des années d'inactivité, probablement de gavage par des produits augmentant l'appétit, le visage ravagé par les produits chimiques dits de beauté, l’air de rien…
Pour attirer l'attention de la dame, il me faut
répéter les salutations d'usage plusieurs fois... Finalement, elle daigne
suspendre la discussion avec son amie affalée sur deux des fauteuils de la
salle d'attente. Juste pour me répondre : «alaykoum salam»… et replonger
ensuite dans la discussion. Puis son téléphone sonne, «... Aywa, tu es
toujours a Kaédi? Elmelhaf shimmaasi?...»
Apparemment le débat tourne autour du voile et de
sa valeur à Kaédi, la capitale du Gorgol où vont les commerçantes de tout le
pays pour s'approvisionner chez les teinturières... La conversation prend fin
avec un soupir poussé par la secrétaire visiblement excédé de devoir revenir à
moi qui suis toujours debout.
Elle s'adresse à sa compagne et lui dit : «C'est
Jamila. Elle dit qu'elle dépense tout son argent et qu'elle n'a plus de quoi
payer son voyage retour. Je lui dois ce que je lui ai emprunté le mois passé et
elle me demande de lui envoyer de l'argent par Gaza Télécom, c'est près de
Polyclinique... Monsieur vous ne savez pas où se trouve Gaza Télécom?». Je
ne savais pas et même si je savais, ce n'est pas à elle que je vais
l'indiquer...
Elle sent, elle comprend à mon regard et à mon
air... Toujours est-il qu'elle se lève enfin et va dans le bureau de son
patron. «Il est toujours occupé avec l'un de ses collaborateurs. Ils sont
plongés dans une étude, d'ailleurs je n'ai pas pu lui parler». Puis elle
s'affale à côté de son amie et commence à lui parler à très haute voix, comme
si elle se trouvait dans un autre lieu. Le manège dure un quart d'heure. C'est
son amie qui m'invite finalement à m'asseoir. Une discussion passionnée avant
de sortir toutes les deux. «Nous allons chercher Gaza Télécom, fais attention
aux lieux et si quelqu'un demande, dis que je ne suis pas loin».
Le Monsieur à qui est confiée la mission de garder la maison, est témoin de toute la scène que je viens de raconter. C'est sans doute pour cela que la minute qui suit, il entre dans le bureau du patron, visiblement pour m’annoncer. Il revient et me demande d’entrer…
Le Monsieur à qui est confiée la mission de garder la maison, est témoin de toute la scène que je viens de raconter. C'est sans doute pour cela que la minute qui suit, il entre dans le bureau du patron, visiblement pour m’annoncer. Il revient et me demande d’entrer…
Je m’arrêterai
là dans ce récit. Parce que ce qui m’intéresse ici est de décrire comment
peut-on être reçu dans une administration mauritanienne. Cela dépend finalement
de l’aptitude du premier contact qui est la (ou le) secrétaire, et de sa
disponibilité à remplir la mission qui est la sienne. Combiner professionnalisme
et bienveillance sont des qualités qui demandent la compétence. Ce qui manque
dans nos administrations.