Encore
une fois le monde politique de chez nous se laisse aller sans chercher à
anticiper sur l’avenir. Le niveau du débat et ses objets restent les
mêmes : dialogue inclusif sans toutefois préciser qu’est-ce qui peut en
être l’objet. A entendre les plus radicaux, on croirait aisément qu’on en est
encore à «exiger» le départ du Président Ould Abdel Aziz et de son
pouvoir. Aucune leçon ne semble avoir été tirée de l’expérience des cinq
dernières années. On ne semble pas non plus croire que les élections législatives
et municipales de 2013 et la présidentielle de juin dernier constituent un
tournant. Mais le plus grave est sans doute le refus de mettre en perspective
l’échéance de 2019.
2019,
c’est en principe la fin du deuxième mandat du Président Mohamed Ould Abdel
Aziz. La Constitution a limité les mandats à deux. Le Président lui-même n’a
pas attendu les derniers événements du Burkina Faso pour faire le serment de
respecter les termes de la Loi fondamentale lors de sa prestation de serment en
août dernier. Rien ne semble à présent pouvoir l’amener à remettre en cause ses
engagements et tout indique au contraire qu’il quittera tranquillement le
pouvoir après avoir accompli ce qu’il a pu. On jugera plus ou moins sereinement
du bilan, mais une chose est évidente : la Mauritanie a changé dans le
sens d’une nette évolution qui lui ouvre de belles perspectives d’avenir.
Le
retour sur la scène internationale, le règlement du passif humanitaire,
notamment de l’esclavage avec la mise en œuvre d’une feuille de route visant à
l’éradiquer, la liberté d’expression qui devient un acquis irréversible, et
surtout la stabilité et la sécurité dans un environnement fragilisé par les
conflits de toutes sortes. Quoi qu’en disent ses détracteurs, Mohamed Ould
Abdel Aziz n’est pas resté les bras croisés.
Sur
la scène politique, quelques tournants s’annoncent. Avec la mise en place du
nouveau Bureau de l’Institution de l’Opposition démocratique, une possibilité
nouvelle apparait à travers le dialogue institutionnel parce que consacré par
l’exigence légale d’échanges entre ce Bureau et le Président de la République.
La première rencontre a eu lieu aujourd’hui. L’avenir à ce niveau dépend de la
capacité de proposition des responsables du nouveau Bureau et de leur aptitude
à restaurer un climat de confiance avec le premier responsable du pays.
Tawassoul
qui dirige l’instance de l’Opposition sait pertinemment que l’avenir politique
dépend de l’anticipation et donc de la préparation de l’échéance 2019. Ce qui
explique en partie le boycott de la présidentielle, boycott qui s’apparente à
une réserve (mise en réserve). L’intérêt pour le parti islamiste est bien
d’occuper sa place et de jouer pleinement son rôle de chef de file de
l’Opposition démocratique. Un leadership qui doit se gagner par l’expression de
la compétence à proposer.
Là
où l’avenir se dessine pour le parti islamiste, c’est justement la tombée en
désuétude des leaders traditionnels de l’opposition qui seront atteints par la
limite d’âge en 2019. A part Mohamed Ould Maouloud de l’Union des forces du
progrès (UFP), tous les autres auront d’ici là dépassé l’âge légal pour se
présenter à une élection. Un immense couloir est donc ouvert devant la mouvance
islamiste en ces périodes de vaches maigres pour le personnel politique.
Ce
ne sont pas les quelques figures emblématiques d’un passé honni qui feront
ombrage à des forces nouvelles qui pourront se dessiner dans les années à
venir. Ceux qui se proposent aujourd’hui et s’activent pour imposer leur
leadership sur une scène politique en désarroi, n’arriveront pas à se recycler
même si l’opération de leur blanchiment a été opérée sous la bénédiction de
l’opposition traditionnelle. On a vu en effet comment les repus du régime
d’avant 2005 et les disgraciés des périodes suivantes ont pu phagocyter les
regroupements de l’opposition, de la Coordination de l’opposition démocratique
(COD) au Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU). Ce n’est
certainement pas avec de l’ancien – surtout celui-là - qu’on peut tracer un
avenir pour le pays.
L’avenir
appartient à ceux qui auront compris que l’action politique a besoin de deux
jambes pour marcher debout : la responsabilité et l’exemplarité.
L’exigence
de responsabilité exclut tous les prophètes de malheur qui dépeignent
continuellement de sombres présages pour le pays et qui sont donc incapables de
véhiculer l’espérance en un futur viable.
L’exigence
d’exemplarité exclut tous ceux qui, aux commandes et au service de différents
pouvoirs, n’ont pas pu et/ou n’ont pas cherché à influer positivement sur les
événements pour améliorer la gouvernance, pour promouvoir la citoyenneté et
l’égalité, la justice et l’équité, la tolérance et l’humilité.