Cela s’est passé lundi dernier. Je circulais tranquillement sur l’avenue
Kennedy, en plein jour quand le bip signala l’ouverture de l’une des portières.
Le temps pour moi de contrôler et je me retrouve au milieu d’un tintamarre
indescriptible. Tous les passants, en voiture ou non, ont vu un jeune ouvrir la
portière arrière et prendre un sac où se trouvait mon ordinateur et tous les
disques durs que j’avais emportés ce jour-là pour les travailler. Vous imaginez
la cacophonie, voire le chaos que cela occasionna.
Le jeune se rendit à l’évidence : impossible pour lui d’échapper.
«Je voulais juste te rapporter ton sac qui a été volé par mon ami». Ridicule.
Je l’embarquais quand même pour aller à la police. En route, il essaya par tous
les moyens de me convaincre de le laisser partir. Mais je ne pouvais me
permettre de le laisser parce qu’il m’a parlé d’un second complice, et puis
comment relâcher un voleur pris en flagrant délit sans l’amener à la police ?
Ce que je fais. On me remet une note – une sorte de reçu pour garder le numéro
de la déclaration.
Aujourd’hui on m’appelle au commissariat pour me prier de faire une
déposition qui sera à la base de son déferrement. J’arrive et je vois le jeune
toujours derrière les grilles.
Je réfléchis alors à un fait : j’ai vu beaucoup de jeunes
croupir en prison pendant deux, trois, quatre et même cinq ans pour des vols de
réchauds à gaz sans avoir été jugés ; j’en ai vu battus, obligés à sombrer
dans le vrai banditisme pour avoir volé un téléphone portable ; j’en ai vu
purement et simplement relâchés par les juges alors que leurs forfaits, délits
ou crimes étaient beaucoup plus dangereux qu’un vol finalement raté…
Je m’interdisais alors de provoquer plus de malheurs pour ce jeune
qui, visiblement, en avait bavé toute sa vie. Quand je déclarai mon intention de
retirer ma plainte, les policiers m’entourèrent pour me convaincre du contraire :
«C’est à cause de ces attitudes que nous sommes incapables de lutter contre
la criminalité. Ce type était 24 heures avant que vous ne l’ameniez. Nous l’avons
libéré parce que sa victime avait refusé de déposer plainte. Il va être
nouvellement libéré et ira sévir encore…»
J’expliquai alors que s’il est déferré, il aura droit à l’un des
traitements suivants : soit le juge le libère faute de place dans la
prison et parce qu’il n’a finalement rien volé ; soit il le dépose en
attendant un procès dont la tenue prendra probablement des mois, voire des
années. A quoi cela peut-il servir ?
Les policiers étaient finalement d’accord. Entre
nous la conclusion était celle-là : tant qu’il n’y a pas une réforme en
profondeur du système judiciaire, on ne peut pas finalement espérer que la
lutte contre la criminalité soit des plus efficaces.