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vendredi 19 septembre 2014

C’est ce que les nôtres avaient redouté

En trois semaines, le contingent tchadien basé au Mali dans le cadre de la mission de maintien de la paix dans ce pays (MINUSMA) a perdu dix soldats. Suffisant pour que les autorités de ce pays dénoncent ce qu’elles considèrent désormais comme la conséquence d’un dispositif «discriminatoire» qui fait de leurs soldats une sorte de chaire à canon. Dans un communiqué publié à la suite du dernier attentat qui a coûté la vie de cinq soldats tchadiens, le gouvernement dit avoir constaté «avec regret que son contingent continue à garder ses positions au Nord-Mali et ne bénéficie d’aucune relève. Pire, notre contingent éprouve des difficultés énormes pour assurer sa logistique, sa mobilité et son alimentation». C’est que le gouvernement tchadien voit que son contingent est «utilisé comme bouclier aux autres forces de la MINUSMA, positionnées plus en retrait». Ce qui explique l’ultimatum adressé par les autorités tchadiennes qui promettent de «prendre les mesures qui s’imposent». Menace de retrait à peine voilée : «un délai d’une semaine est accordé à la MINUSMA pour opérer les relèves nécessaires et mettre à la disposition du contingent tchadien tous les moyens destinés à l’accomplissement de sa mission».
Cité par une dépêche de l’AFP, un officier tchadien a déclaré qu’«à la date du 24 août, il n’y avait même pas une radio à Aguelhok pour communiquer avec les autres localités. C’est grave. Nous vous demandons si c’est parce que sommes des Noirs que nous n’avons pas droit aux mêmes mesures de protection que les autres troupes». Avant de prévenir : «mais si ça continue, nous allons plier bagages».
Quand la France avait sollicité une participation mauritanienne à l’effort de guerre au Mali, la Mauritanie avait, dans un premier temps conditionné cet apport par une demande expresse du gouvernement de transition d’alors. Ce qui fut fait. Mais ce gouvernement s’était empressé d’ajouter qu’il voulait confiner l’éventuel contingent mauritanien dans la région de Douenza, non loin de la frontière avec le Burkina Faso, à des milliers de kilomètres des frontières avec le pays. Les Mauritaniens avaient alors refusé parce la région indiquée était trop loin de leurs bases arrières et ils savaient parfaitement qu’ils seraient plus exposés que toutes les autres forces africaines présentes.
D’une part parce que cette guerre les concernait à ce moment-là plus que les Sénégalais, les Burkinabés, les Togolais ou même les Tchadiens qui ont fini par payer le prix le plus lourd. Ce sont bien les Tchadiens qui vont palier la faiblesse voire l’incapacité des autres troupes africaines pour se retrouver à l’avant-garde du front terrestre, comme boucliers devant les troupes françaises engagées au sol. Pendant Serval et après Serval, pendant la MISMA (mission africaine) et avec la MINUSMA, ce sont bien les Tchadiens qui vont souffrir de leur engagement réel au combat.
Les Mauritaniens étaient d’autre part aguerris pour faire face aux troupes et méthodes jihadistes. En effet, l’Armée mauritanienne est sortie de sa confrontation avec AQMI plus forte, mieux équipée et surtout beaucoup plus mobilisée qu’elle ne l’était avant. Elle est la seule à avoir pris les devants, anticipant le projet de AQMI de faire des régions sahariennes, un Jihadistan comme cela se fera plus tard en Irak et au Levant (avec Da’ish et l’Etat islamique). Quand elle faisait face et qu’elle agissait, aucun des Etats riverains, y compris le Mali, n’a voulu lui porter main forte. Au contraire, le pays fut critiqué pour son engagement, certains des «amis» allant même jusqu’à le trahir en donnant des renseignements à AQMI et ses acolytes.
Quand il s’est agi de Serval, les Mauritaniens ont compris que ce n’était pas leur guerre. Ils se sont contentés de bien tenir leurs frontières. Quand il s’est agi des forces internationales – MINUSMA -, les nôtres ont compris que ce n’était pas encore le moment de se laisser entrainer dans un bourbier qui ne dit pas son nom. Aujourd’hui, les faits leur donnent raison : il serait arrivé à nos troupes ce qui arrive aujourd’hui aux Tchadiens (et même pire), avec ce sentiment d’être payés pour mourir à la place des autres.

C’est le lieu de saluer cette anticipation qui a permis au pays de ne pas s’engager dans une guerre qui n’est pas encore - ou qui n’était plus - la sienne. Même s’il faut surveiller ce qui se passe de très près tout en évitant d’y prendre part tant qu’il s’agit d’une guerre de prestige d’un Président, François Hollande qui en manque terriblement.