Le retrait de l’agrément de Tamkeen Bank par le Conseil monétaire
de la Banque Centrale de Mauritanie, relance les polémiques autour du système
bancaire mauritanien et au-delà du système financier.
Les premiers commentaires n’ont pas manqué de rappeler le cas de la
Maurisbank, absente depuis quelques semaines à la séance de compense de la BCM.
Mais l’on a évité de parler de la source des dysfonctionnements de ce système
qui est d’abord liée à la faiblesse de la direction de la supervision bancaire.
Une direction qui n’a jamais, par le passé, pu (ou voulu) imposer son autorité aux
banques primaires et institutions financières de la place.
C’est bien l’absence d’une telle autorité qui explique la
multiplication exponentielle des agréments qui se chiffrent à une vingtaine
pour les banques et à beaucoup plus pour les institutions financières
spécialisées. Une autorité qui vient de s’exercer sur le cas de Tamkeen Bank
dont le projet avait été initié par des opérateurs koweitiens, libanais et
mauritaniens.
Le Conseil monétaire a, au cours de sa réunion du 11 septembre, «constaté
que les actionnaires de la banque n’ont pas libéré le capital dans les délais
prévus par la législation en vigueur». Par conséquence, il a retiré l’agrément.
L’ordonnance 2007-20 réglementant les établissements de crédit explique en son
article 18 que «le retrait de l’agrément est prononcé par la Banque
Centrale, soit à la demande de l’établissement de crédit, soit d’office lorsque
l’établissement de crédit concerné : a) ne remplit plus les conditions au
vu desquelles l’agrément lui a été accordé ; b) n’a pas commencé son
activité dans un délai de douze (12) mois à compter de la date de notification
dudit agrément après mise en demeure non suivie d’effet».
Pour revenir aux causes profondes du «mal bancaire», il faut
noter que la prolifération des institutions financières (entre banques et
établissements) a été justifiée par le boom pétrolier et minier prévisible
alors. Mais rien n’a été fait pour atténuer les effets de la crise de ces deux
secteurs économiques et de la désaffection qui en a résulté. L’effet boomerang
de la crise, mais aussi des dysfonctionnements dans la gestion des secteurs
pétroliers et miniers est pour quelque chose dans la saturation du système
bancaire. Trop de banques pour une activité qui ne suit pas forcément.
Autre source de crise, l’existence de systèmes financiers
parallèles spécialisés dans le crédit. La manifestation de l’existence de ce
système se trouve dans le phénomène dit «chipeco». Quand les parents des
victimes de ce système de crédit manifestent pour réclamer la fin du régime de «la
contrainte par corps», ils se trompent de cible. Ce qu’il faut combattre –
et amener les autorités à combattre – c’est le système parallèle de crédit et les
taux usuriers qui s’y pratiquent. C’est quand même un exercice illégal d’une
activité réglementée et dans des conditions légalement réprimées. Aux autorités
de combattre le phénomène en le ramenant dans le formel. C’est le moment pour
le ministère de la justice d’agir, surtout que son locataire actuel Sidi Ould
Zeine est un banquier qui connait parfaitement de quoi il s’agit.
La détention par des particuliers de fonds à même de servir dans
des opérations financières, indique aussi que la bancarisation est restée
faible malgré les nouveaux billets et les campagnes entreprises par la BCM pour
obliger les détenteurs de gros fonds à les déposer dans les banques.
Il y a aussi l’effet de ce nouveau système bancaire d’inspiration
islamique. C’est bien dans le cadre de l’encouragement de l’adoption de ce
système que nombre de banques et d’officines ont eu l’agrément. Mais est-ce que
la direction de la supervision bancaire a suivi cette explosion de «produits
financiers islamiques» ? est-ce qu’elle s’est réellement dotée de
moyens légaux pour assurer une réelle surveillance et un contrôle efficace du
volet islamique de l’activité bancaire ? Dans le cas par exemple de la
Maurisbank – parce que tout le monde semble se focaliser sur cet exemple – que peut
la Banque Centrale quand cette institution a le droit d’invoquer l’interdiction
pour elle de traiter les créances à intérêt ? En l’absence d’un contrôle
efficace, le secteur financier islamique en Mauritanie, n’est-il pas devenu une
simple formalisation des activités de blanchiment d’un argent «politique»
avec des émetteurs et des destinataires occultes ?
L’on ne peut terminer ce rapide tour d’horizon –
qui reste superficiel tant que des enquêtes ne sont pas menées sur le secteur
bancaire – sans noter le poids de ce système sur la communauté nationale qui a
plusieurs fois payé ses déboires. Sans retour dans la mesure où il peine à
jouer le rôle qui doit être le sien dans le développement du pays. Si les
banques «traditionnelles» ont failli, c’est que les autorités chargées de
faire respecter les lois et règlements en la matière l’ont voulu si elles n’y ont
pas franchement contribué.