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dimanche 14 septembre 2014

Quel weekend pour nous ?

Autant vous dire toute de suite, je n’ai aucune prétention à traiter le bienfondé juridique (Charia) de la décision de remettre le repos hebdomadaire au dimanche au lieu de vendredi. Je ne prends pas le temps d’être précis dans les dates des décisions ultérieures concernant le weekend par le passé.
Je ne suis pas sûr si c’est sous la présidence du colonel Mohamed Khouna Ould Haidalla que la décision a été prise de fixer les journées de vendredi et samedi comme jours de repos. Je crois que oui, parce que c’est bien à cette période que la tendance islamiste avait pu forcer la main au pouvoir jusqu’à l’amener à organiser un simulacre d’application de la Charia : il y a eu exécution, lapidation et amputation sur la place publique. Les images existent encore et avec elles l’horreur du moment. Cela participait aux tendances autoritaristes violentes du régime de l’époque.
Trois fois, les autorités revinrent sur la décision depuis les années 80. La dernière fois, c’était en 2008 sous le régime civil qui avait estimé que le coût était exorbitant pour le pays. C’est bien sous l’actuel Président, alors chef de l’Etat et du Haut Conseil d’Etat, que l’on reviendra à vendredi. Ce qui entrait dans le cadre d’une démarche politicienne qui visait à exploiter un sentiment dit «national». avec la rupture des relations diplomatiques avec Israël – même si cette décision était autrement plus courageuse, plus significative et plus porteuse -, celle de ramener le weekend au vendredi plaisait à une frange de la société. Le tollé que la décision actuelle suscite, mérite qu’on s’y arrête pour faire quelques remarques :
  • Le weekend a longtemps été fixé par simple arrêté parce qu’il couvre l’organisation du travail. En 2004, il a été introduit dans le Code du travail alors que tout le monde savait que cela ne devait pas relever du domaine de la loi. Cette infraction n’a pas été relevée et n’a pas été corrigée. Elle est donc restée.
  • Chaque fois que le pays a voulu changer les jours de repos, les autorités ont fait appel aux Ulémas et Exégètes du Fiqh malékite. Chaque fois, les élites religieuses ont répondu dans le sens que voulaient les autorités. Parce que toutes les interprétations sont possibles.
  • Le Khalife Omar Ibn Al Khattab est le premier à instituer un repos hebdomadaire au profit des élèves des écoles coraniques. Ce repos a été fixé du mercredi après-midi à vendredi en milieu de journée. Donc l’après de mercredi, la journée de jeudi et la matinée de vendredi. Rien à voir avec ce que nos élites religieuses prétendent aujourd’hui.
  • Le Khalife Omar dont le règne coïncide avec l’apogée du premier Etat musulman – en termes d’épanouissement, d’organisation, de structures étatiques fonctionnelles, de centralisation, de gestion, de rigueur, de probité, de justice, d’équité -, ce Khalife n’a pas pensé instituer un repos hebdomadaire pour l’administration de l’Etat qui fonctionnait tout le temps sans relâche.
  • Le travail dans la matinée de vendredi n’enlève en rien le côté sacré (ou studieux) de cette journée. Cela dérange seulement les personnes qui concluent que parce que les Juifs ont un jour de repos qui est le samedi et les Chrétiens le dimanche, les Musulmans doivent obligatoirement avoir un jour de repos qui ne peut être que le vendredi. Discutable, même très discutable…
  • Nous appartenons à un environnement, à une région où il existe d’autres pays musulmans comme nous : le Sénégal, le Mali, l’Algérie, le Maroc, la Tunisie pour ne citer que les plus proches de tous les points de vue, ont tous leur weekend samedi et dimanche. L’alignement sur l’Arabie Saoudite, l’Egypte, le Qatar ou la Jordanie ne fera pas de nous autre chose que ce que nous sommes : un pays partagé entre un Maghreb Arabe et une Afrique de l’Ouest qui s’imposent à nous malgré les réticences des plus idiots d’entre nous.
Last but not least, quand l’Etat moderne est sorti des sables et qu’il a fallu lui définir ses fondements, ce pays était peuplé de Ulémas autrement plus pieux, autrement plus pourvus, autrement plus authentiques, autrement moins portés sur leurs intérêts personnels, autrement plus engagés et plus courageux à défendre les préceptes religieux, autrement moins aigris, autrement plus tolérants, plus intelligents, plus humains… Est-ce que feu Mohamed Ali Ould Addoud a récusé le weekend d’alors ? feu Abbe Ould Khtour, el Haj Ould Vahfou (que Dieu le préserve), Bouddah Ould Bouçayri, Meyeye Ould Bebbaha, Guerraye Ould Ahmed Youra, Abdoul Aziz Sy… qui des dizaines d’une élite véritablement détachée des choses de la vie ici-bas, qui de cette élite a trouvé que cela méritait un tollé ? Personne. Alors que ceux qui nous empestent aujourd’hui et qui ne sont rien par rapport à ceux-là, qu’ils se taisent, qu’ils soient au moins plus mesurés dans leurs appréciations. On ne peut pas se taire, parfois justifier, les crimes, les exactions, le pillage des ressources nationales (y contribuer parfois), l’exercice de l’arbitraire, le racisme, le népotisme, le déni du droit…, et s’offusquer de la manière pour une affaire de jour de repos. Ce n’est pas essentiel et ce ne le sera jamais.