Autant vous dire toute de suite, je n’ai aucune prétention
à traiter le bienfondé juridique (Charia) de la décision de remettre le repos
hebdomadaire au dimanche au lieu de vendredi. Je ne prends pas le temps d’être
précis dans les dates des décisions ultérieures concernant le weekend par le
passé.
Je ne suis pas sûr si c’est sous la présidence du colonel
Mohamed Khouna Ould Haidalla que la décision a été prise de fixer les journées
de vendredi et samedi comme jours de repos. Je crois que oui, parce que c’est
bien à cette période que la tendance islamiste avait pu forcer la main au
pouvoir jusqu’à l’amener à organiser un simulacre d’application de la
Charia : il y a eu exécution, lapidation et amputation sur la place
publique. Les images existent encore et avec elles l’horreur du moment. Cela
participait aux tendances autoritaristes violentes du régime de l’époque.
Trois fois, les autorités revinrent sur la décision depuis
les années 80. La dernière fois, c’était en 2008 sous le régime civil qui avait
estimé que le coût était exorbitant pour le pays. C’est bien sous l’actuel
Président, alors chef de l’Etat et du Haut Conseil d’Etat, que l’on reviendra à
vendredi. Ce qui entrait dans le cadre d’une démarche politicienne qui visait à
exploiter un sentiment dit «national». avec la rupture des relations
diplomatiques avec Israël – même si cette décision était autrement plus
courageuse, plus significative et plus porteuse -, celle de ramener le weekend
au vendredi plaisait à une frange de la société. Le tollé que la décision
actuelle suscite, mérite qu’on s’y arrête pour faire quelques remarques :
- Le weekend a longtemps été fixé
par simple arrêté parce qu’il couvre l’organisation du travail. En 2004,
il a été introduit dans le Code du travail alors que tout le monde savait
que cela ne devait pas relever du domaine de la loi. Cette infraction n’a
pas été relevée et n’a pas été corrigée. Elle est donc restée.
- Chaque fois que le pays a voulu
changer les jours de repos, les autorités ont fait appel aux Ulémas et
Exégètes du Fiqh malékite. Chaque fois, les élites religieuses ont répondu
dans le sens que voulaient les autorités. Parce que toutes les
interprétations sont possibles.
- Le Khalife Omar Ibn Al Khattab
est le premier à instituer un repos hebdomadaire au profit des élèves des
écoles coraniques. Ce repos a été fixé du mercredi après-midi à vendredi
en milieu de journée. Donc l’après de mercredi, la journée de jeudi et la
matinée de vendredi. Rien à voir avec ce que nos élites religieuses
prétendent aujourd’hui.
- Le Khalife Omar dont le règne
coïncide avec l’apogée du premier Etat musulman – en termes
d’épanouissement, d’organisation, de structures étatiques fonctionnelles,
de centralisation, de gestion, de rigueur, de probité, de justice,
d’équité -, ce Khalife n’a pas pensé instituer un repos hebdomadaire pour
l’administration de l’Etat qui fonctionnait tout le temps sans relâche.
- Le travail dans la matinée de
vendredi n’enlève en rien le côté sacré (ou studieux) de cette journée.
Cela dérange seulement les personnes qui concluent que parce que les Juifs
ont un jour de repos qui est le samedi et les Chrétiens le dimanche, les
Musulmans doivent obligatoirement avoir un jour de repos qui ne peut être
que le vendredi. Discutable, même très discutable…
- Nous appartenons à un
environnement, à une région où il existe d’autres pays musulmans comme
nous : le Sénégal, le Mali, l’Algérie, le Maroc, la Tunisie pour ne
citer que les plus proches de tous les points de vue, ont tous leur
weekend samedi et dimanche. L’alignement sur l’Arabie Saoudite, l’Egypte,
le Qatar ou la Jordanie ne fera pas de nous autre chose que ce que nous
sommes : un pays partagé entre un Maghreb Arabe et une Afrique de
l’Ouest qui s’imposent à nous malgré les réticences des plus idiots
d’entre nous.