La reconduction de Nani Ould Chrouqa à la tête du
département des pêches et de l’économie maritime a au moins permis de passer
immédiatement à l’action. Au premier Conseil des ministres, il a fait adopter
une note conceptuelle de la nouvelle stratégie de la ressource halieutique.
Cette stratégie sera élaborée à l’issue d’un processus de concertations qui
inclura tous les intervenants aux côtés du ministère. Après avoir dressé un
diagnostic précis de la situation, la nouvelle vision se déploiera autour de la
ressource, du système d’exploitation, du système de transformation et de la
valorisation, des affaires maritimes pour aborder enfin la gouvernance du
secteur.
Le secteur représente aujourd’hui 30% du budget national,
20% des ressources du Trésor et 6% du PIB. Il permet d’employer environ 40.000
personnes. Cela aurait pu être beaucoup mieux si la ressource avait été
exploitée de manière plus efficiente, à même de permettre son intégration
effective à l’économie nationale et d’en faire un levier social (emploi). Mais
on peut dire que les politiques menées jusqu’à ces dernières années, faisaient
profiter les autres de cette manne économique et des opportunités sociales
qu’elle procurait. Ce sont les Européens, les Chinois, les Japonais, les
Russes… qui pompaient la ressource, chacun selon les arrangements trouvés avec
les autorités par l’intermédiaire de ses partenaires privés sur place. Tandis
que c’est le Sénégal qui a le plus employé dans le secteur.
La nouvelle stratégie couvrira la période 2015-18 et fera
la distinction entre les composantes des pêches et de l’économie maritime. Dans
la mesure où il faudra d’abord axer sur le système de production, les moyens,
les types de navires, les types de captures industrielles, côtières et
artisanales, sur les capacités de stockage et leur suivi. Ensuite engager une
politique volontariste de développement des infrastructures de base, de
promotion de l’industrialisation pour la création de valeur ajoutée.
La parfaite connaissance de l’état de la ressource
détermine tout le reste. C’est effectivement à partir de là qu’on pourra savoir
quel système d’exploitation il nous faut. Pour ce faire tenir compte des modes
et des moyens d’accès à la ressource, indique le document. L’intérêt étant de «réaliser
l’équilibre tant recherché entre les exigences de préservation de la ressource
et celles de la maximisation de ses retombées sur la Collectivité nationale».
Sans le développement de la transformation et la
valorisation du produit, on ne peut espérer son intégration effective à
l’économie nationale. Cela passe par ce que le document appelle «la
domestication de la production». Le document d’expliquer : «l’absence
d’investissement public dans les infrastructures de services de base, tout au
long de nos côtes, associée à la vision rentière de l’exploitation de la
ressource constituent un frein important dans la domestication et la
transformation de la ressource, gage de création de valeur ajoutée et
d’intégration du secteur à l’économie nationale».
Le document définit un objectif global déployé en cinq
axes :
1.
Promouvoir une approche scientifique
garantissant la préservation et la diversification des ressources
exploitables ;
2.
Proposer un système
d’exploitation rénové qui réajuste les modes et les moyens d’accès aux
potentiels exploitables des ressources ;
3.
Déterminer une approche réaliste
et opérationnelle permettant une réelle domestication des captures gage d’une
intégration du secteur au tissu économique nationale et la génération des
retombées socioéconomiques qui en sont attendues ;
4.
Développer de nouveaux mécanismes
pour une meilleure gestion des affaires maritimes qui favorise la préservation
du milieu marin et l’exploitation du potentiel économique des activités
maritimes ;
5.
Concevoir un modèle de
gouvernance qui garantit une exploitation durablement responsable et optimale
des ressources halieutiques et une gestion saine et rentable de l’espace
maritime national.
Le secteur de la pêche a été un haut-lieu de trafics, de
mauvaise gestion, de laisser-aller, de corruption… Il a longtemps symbolisé l’état de
déliquescence morale et économique dans lequel le pays a vécu jusqu’en 2005. On
n’oubliera jamais : les bateaux clonés, ces bateaux (un, deux ou même
trois) fonctionnant avec la même licence ; les flottes dites nationales
alors qu’elles appartenaient à des opérateurs chinois, espagnols et qui
fuyaient quand elles ont tout pillé ; ces accords de pêches avec l’Union
Européenne et autres partenaires, conclus à la va-vite, avec des dessous de
table certains et octroyant tout au partenaire tout en privant le pays du
profit maximal de sa ressource ; ces méventes de produits qui sont plus
l’effet d’ententes entre usiniers nationaux, intermédiaires et acheteurs
étrangers ; tout ce que le secteur a coûté à l’économie nationale pendant
des décennies… on n’oublie rien, rien de rien… même pas ce produit financier de
la pêche dilapidé dans les casinos de Las Palmas, de Vegas et d’ailleurs. On
dit à Nouadhibou que Las Palmas doit en partie son développement à Nouadhibou…
n’est-ce pas ?
Heureusement pour les anciens prédateurs (dont certains
sont toujours actifs et cherchent à perpétuer le système d’antan), le
diagnostic que les autorités entendent réaliser se limitera à évaluer :
§
Le
contexte économique, afin de situer le secteur dans le cadre macroéconomique du
pays et d’apprécier son apport au développement;
§
Le
contexte géographique et socioculturel, en vue de cerner les rapports de la
société avec le secteur et d’évaluer le niveau d’adéquation de ses retombées
aux attentes de celles-ci ;
§
Le
cadre organisationnel, institutionnel et réglementaire pour juger les
niveaux de performance, d’efficacité et d’efficience ;
§
Les
opportunités et les risques liés au développement du secteur qui sont à prendre
en compte pour garantir la cohérence des politiques à proposer avec son
environnement général ;
§
Les
stratégies antérieures et leurs impacts, avec comme objectif d’en relever les
acquis à capitaliser les échecs à éviter dans la stratégie future ;
§
Les
investissements dans le secteur :
évolution, répartition, niveau d’adaptation aux besoins de développement, ...