La succession au sein d’un parti est toujours un événement
qui est scruté attentivement par les observateurs. L’Union pour la République,
même s’il prend l’allure d’un avatar du PRDS, est encore LE parti le plus suivi
de Mauritanie. On persiste à croire qu’il a encore son mot à dire dans
l’exercice du pouvoir, qu’il dirige la galaxie Majorité, qu’il lui arrive
d’imposer ses hommes, qu’il est un cadre de promotion pour les hommes et femmes
politiques avides de pouvoirs… Nonobstant tout ce qui s’est passé avant,
pendant et après les élections législatives et municipales de 2013, on veut le
rendre responsable de ses échecs. Comme quand il a peiné à avoir une large
majorité au Parlement, on a fait semblant d’oublier qu’il avait été l’objet de
plusieurs attaques, les unes provenant de différents niveaux des hautes sphères
de l’Etat, y compris de la Présidence. On a encouragé ici et là les
candidatures de partis «proches», parfois «concurrents». Pour
finir avec l’impression qu’il y avait une réelle volonté de saper le parti dit
«au pouvoir».
L’Union pour la République (UPR) tiendra pourtant. Ce qui
n’empêchera pas de démettre son président de l’époque, Mohamed Mahmoud Ould
Mohamed Lemine. Le remplacement a pris l’aspect d’un limogeage et même d’une
disgrâce qui a quand même été évitée par la nomination de l’ancien président de
l’UPR comme Ambassadeur.
A la tête du parti, il est remplacé par Isselkou Ould Ahmed
Izidbih, ancien directeur de cabinet du Président de la République, ancien
Recteur de l’Université de Nouakchott. A tous ces niveaux de responsabilité, il
n’a pas hésité à s’attaquer de front à la mouvance islamiste, d’abord sous sa
forme syndicale à l’Université (enseignants et étudiants), puis sous forme de
parti pendant son passage à la Présidence. On avait cru justement que l’heure
de la franche confrontation avec cette mouvance organisée ou non au sein de
Tawaçoul, que cette heure avait sonné.
Après l’épisode Al Moustaqbal et son interdiction dans le
sillage des violentes manifestations qui ont fait suite au saccage d’un
exemplaire du Coran, vint l’heure des débauchages. Des groupes ont été effectivement
arrachés à la mouvance et à d’autres partis. Mais quelques mois ne suffisent
pas pour marquer définitivement la vie d’un parti, à plus forte raison le
changer. L’UPR, et pour la troisième fois, réunissait son Conseil national pour
le transformer en Congrès extraordinaire afin de désigner une nouvelle
direction connue en détail depuis bientôt une semaine.
Le choix de Me Sidi Mohamed Ould Maham n’a donc pas
surpris. Même celui de son premier adjoint, Djié Ould Sidaty était connu bien
avant. Ce qui surprend (encore que…), c’est bien que le changement de direction
du parti n’ait pas touché tous les autres membres du directoire (Bureau
exécutif) : les autres vice-présidents et le secrétaire général seront
maintenus, alors qu’on attendra le 20 du mois pour savoir qui des autres
membres vont être remplacés.
Me Sidi Mohamed Ould Maham est l’un des avocats du Barreau
mauritanien qui ont marqué les grands procès du passé, notamment celui de
Wadnaga (2004-5) pendant lequel il avait été en prison pour excès devant le
Juge. Il fait partie d’une jeunesse qui a flirté avec le nationalisme arabe
(nassérien) avant de faire partie du premier noyau de le jeunesse islamiste. Il
va se faire connaitre du grand public quand il se présente comme le principal
instigateur de la fronde parlementaire contre le Président Sidi Mohamed Ould
Cheikh Abdallahi. Il est alors de toutes les manifestations hostiles au pouvoir
en place.
C’est bien cette fronde qui va préparer, avant de le
légitimer, le coup d’Etat du 6 août 2008 qui amène le Général Mohamed Ould
Abdel Aziz au pouvoir. Pour dire qu’il fait partie quand même des soutiens
originels de celui qui sera élu au suffrage universel en 2009 puis en 2014,
chaque fois au premier tour de l’élection présidentielle.
Son élection laborieuse comme député d’Atar explique en
partie le cursus qu’il va suivre plus tard. Le militant des premières heures
est appelé, sans doute pour ses qualités de tribun, à la communication et au
porte-parolat du gouvernement. Nous sommes au beau milieu de la confrontation
avec l’Opposition et particulièrement les Islamistes de Tawaçoul. Me Ould Maham
n’hésitera pas répondre du tac au tac, ce qui lui vaudra d’être dans la ligne
de mire de l’Opposition radicale.
Alors qu’on le croyait fini après son départ du gouvernement,
il revient à la tête de l’Union pour la République (UPR), le parti dit au
pouvoir. Ses premiers mots sont tranchants et indiquent que son premier
objectif sera de reprendre en main le parti et ses émanations, y compris le
gouvernement dont «les membres doivent agir en ayant à l’esprit qu’ils sont
des militants de ce parti dont ils défendent les valeurs».
Deuxième message, c’est celui de l’ouverture sur
l’Opposition qu’il convie à un dialogue sincère et franc. Il rappelle que pour
son parti, il n’y a pas de démocratie sans opposition constructive.
Troisième et dernier message, c’est l’intransigeance
vis-à-vis des «constances nationales». C’est dans ce sens qu’il dénonce
les revendications autonomistes exprimées récemment par les FLAM (Forces de
libération africaines de Mauritanie). Et va plus loin pour s’attaquer à ceux
qui «bénissent par les mots ou par leur présence» de telles
revendications.
Si l’on s’en tient aux apparences, on s’aperçoit vite que
les membres du Conseil national donc du Congrès de l’UPR n’ont pas exprimé une
grande chaleur à l’arrivée de Me Ould Maham. Le refus d’attendre la levée
solennelle de la réunion est une manifestation de ce manque d’intérêt.
Seulement, on oublie la force de caractère du politique et la ténacité de
l’avocat. Avec Me Ould Maham à la tête de l’UPR, on peut être sûr de
l’avènement d’une dose de vitalité qui fera son effet sur la scène politique.
Reste que le plus attendu est bien l’effet de ce renouveau sur l’UPR, sur ses
structures, sur sa littérature, ses méthodes de travail, son organisation en
vue de renouveler ses structures de base…
L’UPR restera-t-il ce parti incapable d’anticiper, courant
toujours après les évènements pour les justifier au lieu de les impulser et de
les préparer ? Jusqu’à présent, ce parti se réveille juste le temps d’un
Conseil national transformé en Congrès… même pendant les élections, il s’est
toujours contenté d’accompagner sans diriger. L’arrivée de deux politiques à sa
tête – le premier vice-président fait partie du groupe des Nassériens démissionnaires
du PRDS au milieu des années 90 (ce qui n’est pas donné à n’importe qui) -,
cette arrivée va-t-elle en faire un parti à part entière ?