Depuis
le temps qu’on en parle, cela est arrivé : Dr Moulaye Ould Mohamed Laghdaf
a démissionné et a été remplacé à la tête du Gouvernement par Yahya Ould
Hademine jusque-là ministre de l’équipement et des transports. Deux questions
se posent actuellement : qui est le nouveau Premier ministre et où va
aller son prédécesseur ?
Natif
du Hodh Chergui (Djiguenni), Yahya Ould Hademine est l’un des premiers
ingénieurs de Mauritanie. Il fait partie des premières générations ayant fait
leur formation au Canada. Il a travaillé à la SNIM où il a fini par être directeur
général de la SAFA (société arabe de fer et d’acier), puis de ATTM (autre
filiale de la SNIM spécialisée dans le BTP) avant d’être promu ministre de
l’équipement et des transports dans le deuxième gouvernement de Ould Mohamed
Laghdaf de l’après-élection 2009.
Travailleur
d’une grande compétence, il a vite acquis la confiance du Président Ould Abdel
Aziz au nom duquel il a dirigé de grands travaux qui ont permis de lancer un
maillage du pays par les routes goudronnées. Ce réseau qui reste encore à
terminer, a été au centre du bilan présenté par le Président sortant lors de la
dernière campagne présidentielle.
Mais
Ould Hademine n’est pas seulement un technicien confirmé, il est aussi un homme
politique qui a fait ses preuves au cours de joutes orales dans la sphère du
Parlement notamment. Très respecté par les députés de l’opposition de l’époque,
Ould Hademine a pu débattre raisonnablement avec les protagonistes du pouvoir
qu’il représentait.
Mais
ses compétences techniques et son histoire politique seront occultées par son
appartenance tribale qui fera certainement l’objet de commentaires plus ou
moins sulfureux. Il appartient en effet à l’un des plus grands ensembles de
Mauritanie, les Laghlal qui ont cette particularité d’être disséminés sur
l’ensemble du territoire national. Jusque-là, la tradition voulait que le
Premier ministre ne pèse pas en terme tribal.
On
a feint d’oublier, quand il a été nommé, l’identité tribale de son
prédécesseur, Dr Moulaye Ould Mohamed Laghdaf qui est lui d’une tribu, les Tajakant,
aussi nombreuse, aussi disséminée, tout aussi influente sinon plus. L’homme qui
avait longtemps vécu à l’extérieur et qui n’appartenait à aucune faction
politique locale, pouvait faire valoir ses qualités intrinsèques pour justifier
son choix par la junte au lendemain du coup d’Etat de 2008. Il a depuis servi
loyalement le Président Ould Abdel Aziz. Il a été notamment l’homme qui a géré
pour lui la difficile transition du gouvernement d’union nationale. Il a été
son interface avec l’opposition qu’il a essayé à plusieurs reprises d’intégrer
dans le processus. Bref, l’homme Ould Mohamed Laghdaf fait partie du système
Ould Abdel Aziz qu’il a accompagné toutes ces années. Il est pour cela
difficile de l’imaginer hors-circuit.
Les
qualités propres de Ould Hademine, sa parfaite connaissance du pays et son
expérience de l’administration en font un Premier ministre à part entière au
moment où le nouveau dispositif fixant l’équilibre du pouvoir, doit être
réellement mis en œuvre. En effet, la réforme constitutionnelle introduite à
l’issue du dialogue de 2012 fait du Premier ministre un véritable chef de
gouvernement et le rend responsable devant le Parlement. Ce qui libère le
Président de la République de certaines contingences et, au même moment, donne
une marge de manœuvre et un pouvoir réel au Premier ministre, chef du
gouvernement.
C’est
pourquoi il faut s’attendre à ce que les choix du nouveau Premier ministre
soient bien les siens. A part pour les affaires étrangères, la défense,
l’intérieur, il faut bien croire que Ould Hademine aura son mot à dire dans les
choix des personnes pour occuper les autres postes de responsabilité.
C’est à partir de la nomination du gouvernement que
nous saurons si oui ou non, Yahya Ould Hademine est un «nouveau» Premier ministre.