Cette
ville qui devait être la porte du sud-est mauritanien, un peu la vitrine du
pays sur l’Afrique noire, n’a jamais bénéficié de sérieux efforts de
développement. On s’est suffi jusqu’à présent à faire actionner son réservoir
électoral au profit de celui qui a le pouvoir. Elle doit sa notoriété dans le
pays, à ce fameux résultat de la présidentielle de 1992. Quand, aux aguets, les
soutiens de Ould Taya avaient déniché quelques 18000 voix, toutes acquises à
leur candidat. La solution était intervenue alors que le candidat-Président
avait envisagé de faire intervenir l’Armée. Sur cet épisode justement on
aimerait bien entendre les acteurs de l’époque, parmi eux surtout ceux qui
courent encore derrière une reconquête hasardeuse du pouvoir.
Kobenni
est un gros village – ou une petite ville – qui vit de son hinterland. Ce qui
lui donne un aspect rural évident. Il y a bien sûr la centrale électrique qui
permet d’éclairer la nuit. Il y a l’alimentation en eau qui reste aléatoire :
il faut attendre que la SNDE lâche l’eau dans une fourchette allant de neuf
heures à onze heures du matin, cela relève du bon vouloir du gérant de la
station SNDE. Il y a toutes ces grandes antennes qui devaient fournir le
service télécommunication. Mais ici le réseau est si faible, que l’internet
n’existe presque pas, surtout pour Mattel et Mauritel. Facilement, le réseau
malien l’emporte. Du coup on paye pour un roaming, ce qui profite largement aux
opérateurs mauritaniens. Ceci expliquant peut-être cela. Le problème, c’est que
cette ville, vitrine de la Mauritanie, devait mieux se présenter. Pour des
raisons sécuritaires, mais aussi de standing et d’image, les pouvoirs publics
devraient faire plus vers Kobenni.
C’est
à partir d’ici que peut s’organiser la lutte contre l’immigration clandestine,
contre le terrorisme, contre les trafics, contre le crime organisé sous toutes
ses formes. Le développement économique, culturel et social de ce département
est le meilleur rempart contre les risques de dérives qui ont menacé et qui
menacent encore les populations de cette portion de l’espace sahélo-saharien.
Kobenni,
c’est aussi un espace de convergence et d’intégration qu’il faut célébrer. Ici,
on passe d’une langue à une autre naturellement. On commerce quotidiennement
parce que chaque village a son jour de marché où les populations viennent du
Mali, de la Mauritanie et du Sénégal. Quand on prend le temps d’écouter et
d’observer les gens en activité, on est frappé par cette symbiose non encore
polluée par les activistes de Nouakchott. Ici, on est encore dans la Mauritanie
de toujours, celle qui a inspiré le pays à sa naissance et qui s’est voulue une
terre d’accueil, de tolérance et d‘intégration.
L’hivernage
a eu un retard cette année, mais les quantités de pluies enregistrées jusqu’à
présent sont satisfaisantes. Les gens sont heureux. Ils ne demandent en général
que la paix, la sécurité pour pouvoir s’adonner à leurs activités commerciales
et pastorales.
A
l’entrée de la ville, il y a toujours ces barrages que la police dresse, on ne
sait pourquoi, si ce n’est pour obliger les usagers de la route à avoir affaire
à ses éléments. Les barrages sont faits de vieux pneus et d’ustensiles usés,
toute ferraille qui peut donner l’impression qu’on entre dans un dépotoir.
Quand vous vous arrêtez, en général, c’est le plus maigrichon des flics
présents qui vient vous voir pour vous poser la question que tous les postes de
Mauritanie – et ils sont nombreux – vous posent : «’arrvouna ‘la
rouçkoum». La manière la plus ancienne de demander l’identité de quelqu’un,
c’est de l’inviter à se présenter. La réponse doit comporter la filiation et
l’appartenance tribale, parfois aussi l’itinéraire. Vous pouvez leur dire
l’identité qui vous vient à l’esprit, personne ne va jamais vous contrôler, au
moins si vous êtes un propriétaire de véhicule personnel… les transporteurs et
leurs passagers doivent souffrir un peu plus.
Kobenni
ne déroge pas à la règle, sauf que si vous y restez quelques jours, vous
devenez facilement un élément du paysage. Ce qui vous permet de passer sans
trop faire attention aux contrôles.