Pages

dimanche 20 juillet 2014

Enlisement français... quand même

«Enlisement : le fait de s’enliser», de «s’enfoncer progressivement dans le sol». Ce mot tant redouté par les militaires quand ils sont en campagne est ainsi défini dans le dictionnaire.
Le 11 janvier 2013, la France «répondait» à l’appel au secours des autorités de la transition malienne : les Jihadistes qui avaient du Nord malien un sanctuaire avaient décidé de marcher sur Bamako et ce n’est pas l’Armée malienne qui pouvait arrêter leur marche. Rapidement – très rapidement – le Président français François Hollande accepta d’envoyer son armée aux devants des agresseurs. C’est l’opération Serval qui tire son nom de ce félin d’Afrique vivant dans les savanes humides.
Quelques semaines plus tard, la débâcle des Jihadistes permet aux Français, accompagnés de quelques troupes maliennes de donner à l’opération un air de «libération». Si la France a été incapable de mobiliser avec elle l’Europe et l’Amérique, quelques pays de la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) acceptèrent d’envoyer des troupes. Seuls cependant les Tchadiens et dans une moindre mesure les Nigériens participèrent réellement aux combats. Les premiers ont payé un prix exagéré dans l’effort de guerre.
Un rapport d’une commission parlementaire française mettait récemment l’accent sur «une intervention justifiée confirmant la capacité des forces françaises et révélant les faiblesses de l’Europe de la défense» (reproche fait aux Européens qui n’ont pas suivi automatiquement la France dans ses velléités belliqueuses). Le même rapport explique que «les intérêts européens et français en jeu se sont combinés avec l’appel au secours d’un pays central en Afrique de l’Ouest pour justifier pleinement l’intervention française». Soit.
Les responsables politiques et militaires français avaient promis qu’il s’agirait là d’une action «limitée dans le temps» (et dans l’espace parce qu’elle s’arrêtera aux confins du pays Ifoghas dont la capitale, Kidal restera aux mains des rebelles alors qu’on avait promis de permettre au Mali de recouvrer sa souveraineté totale). Pour ces responsables, il fallait faire un montage qui permette de passer d’une force africaine pour sécuriser le Mali (MISMA) à une force onusienne de maintien de la paix au Mali (MINUSMA). Ce qui aurait permis à la France de retirer ses troupes au plus vite.
Mais il fallut attendre la tenue d’élections présidentielles «libres» au Mali. Même si une partie de ces troupes a été rapatriée sous prétexte que la situation était désormais sous contrôle d’une armée malienne «réorganisée et bien formée pour faire face aux menaces».
Forces africaines et françaises continuaient à subir les attaques des groupes armés disséminés dans le désert saharien. Une guerre se déroulait loin des yeux du monde. Elle faisait de nombreuses victimes dont des civils, ce qui augmentait justement les possibilités de recrutement au profit des groupes armés. Nombre de jeunes Peulhs, Songhaïs, Touaregs et Arabes sont allés combattre dans les rangs des groupes armés suite à des bavures dont furent victimes les leurs sur leurs territoires respectifs. On n’en parle pas, parce que les médias sont tenus à l’écart de cette zone. Et les rares journalistes qui s’y aventurent doivent désormais avoir dans l’esprit le destin tragique de l’équipe de RFI près de Kidal.
L’activité des groupes armés est assez forte pour faire deux conclusions. La première oblige la France à revoir ses plans et à décider autre chose que le retrait «après la libération du Nord malien». Les troupes africaines, malgré la bravoure et la combativité des troupes tchadiennes, ne peuvent contenir, même partiellement, la menace. Elles sont de plus en plus perçues comme des forces d’occupation et leur présence est plutôt encombrante pour les populations qui n’y trouvent aucun intérêt.
De l’autre côté, l’Armée malienne est encore incapable de se reprendre et d’imposer son autorité sur son territoire et à ses populations. On a vu lors des derniers événements de Kidal, le comportement des troupes d’élite pourtant bien formées et bien équipées par les Européens.
Alors ? La France de Hollande est donc obligée de revoir sa stratégie. Sans donner cependant l’impression que l’opération Serval s’enlise. Pour ça, il faut changer son nom. Elle devient l’opération «Barkhane»… les barkhanes, ces dunes sous forme de croissant, qui se déplacent très rapidement au gré du vent dominant (en général celui qui vient du nord-est)… les géographes aiment comparer un champ de barkhane à un vol de canards. On revient fatalement aux noms d’animaux (ou d’oiseaux) que portent les expéditions militaires françaises en Afrique (épervier, sangaris, serval…).
La nouvelle orientation consiste à déployer quelques trois mille hommes dédiés à assurer la paix dans la région sahélo-saharienne et dont le commandement sera installé au Tchad avec deux postes avancés, un au Niger et un dans le Nord malien.
«Maintenant, explique le ministre français de la défense, il y a le souci pour nous et pour les pays de la zone de veiller à ce qu’il n’y ait pas de recrudescence des activités terroristes», parce qu’«il y a toujours des risques majeurs de développement de Jihadistes dans la zone qui va de la Corne de l’Afrique à la Guinée Bissau». Grande ambition que celle de sécuriser tout ce territoire !
La stratégie qui sera suivie est celle qui va allier renseignements et frappes. Grâce au déploiement des drones et bien sûr d’autres moyens de surveillances sophistiqués, la force pourra identifier tout mouvement suspect dans l’espace sahélo-saharien et «le traiter» dans l’immédiat.
On a vu ce que cette stratégie a donné en Afghanistan où les moyens déployés par l’OTAN, principalement par les Etats-Unis sont autrement plus modernes et doivent être plus précis que ceux que la France peut disponibiliser à elle seule. Chaque jour sa bavure, un jour un cortège nuptial est détruit par les avions de combat, un autre c’est une réunion de famille… Dans l’espace nomade du Sahel et du Sahara, cela risque de faire des ravages…
A peine lancée, l’opération est déjà critiquée par les experts militaires français qui trouvent que l’effectif est insuffisant. Il n’est pas exclu donc de le voir augmenter au fil des mois à venir pour permettre une couverture efficace des territoires allant du Tchad à la Mauritanie en passant par le Niger, le Burkina Faso et le Mali. En somme les pays du fameux G5 du Sahel. Comme quoi…

En conclusion, nous sommes partis d’une opération circonscrite dans le temps et dans l’espace (les troupes devaient se retirer moins d’un an après le début des opérations en janvier 2013, après avoir libéré et remis le Nord du Mali aux autorités de Bamako), on arrive à une opération qui vise l’installation dans la durée (on parle de dizaines d’années) et qui doit désormais couvrir les cinq pays de l’espace sahélo-saharien (Tchad, Burkina, Niger, Mali et Mauritanie). Alors ?

Rappel à l'ordre

Le dernier Conseil des ministres, celui de jeudi dernier (17/7), a été l’occasion pour le Président Ould Abdel Aziz de faire un rappel à l’ordre à ses ministres. Au moins sur deux questions.

La première concerne les véhicules que certains départements n’ont pas remis au Garage administratif chargé de gérer le parc automobile de l’Etat. Depuis quelques années, le gouvernement avait décidé de centraliser la gestion de ce parc en mettant à disposition les véhicules aux administrations qui en feront demande. A charge pour elles de les remettre après la mission qui doit être circonscrite dans le temps et dans l’espace.

Cette mesure phare du premier mandat limitait l’usage des 4x4 surtout et participait à la diminution considérable des charges de l’Etat. Mais elle a vite été atténuée par le comportement des administrations qui se pliaient certes à la démarche consistant à exprimer le besoin tout en «oubliant de rendre les véhicules après utilisation». Le phénomène a pris de l’ampleur et la direction du Garage administratif a donc été obligée de le signaler. C’est au cours de ce Conseil que la question a été soulevée par le Président. La réponse des ministres, surtout celui des finances, a été que ces véhicules sont utilisés dans des «missions quasi-permanentes». Ce qui n’a pas convaincu parce qu’il a été finalement convenu «d’y voir clair».

La deuxième sortie «musclée» a concerné la lutte contre la gabegie. Le Président Ould Abdel Aziz a souhaité que ce mandat soit celui du renforcement des mesures prises pendant le premier mandat. Il a ainsi fait remarquer que la procédure consistant à faire rembourser par les contrevenants les sommes détournées, n’est finalement pas dissuasive. Il est désormais décidé que tout fauteur sera immédiatement démis de ses fonctions, il devra ensuite faire face aux implications pénales de ses actes et enfin rembourser s’il y a lieu. S’il doit aller en prison, il ira en prison pour rembourser ensuite.

Le Président a mis en garde les ministres et a promis d’envoyer des équipes d’inspection dans tous les départements pour bientôt. Ces équipes seront priées de rendre leurs rapports au plus vite. Il a donné l’exemple de cette ambassade de Mauritanie qui loue depuis trois ans un immeuble à 31 millions (équivalent en devises) par mois, alors qu’elle se fait virer chaque mois la coquette somme de 71 millions. Une différence de 40 millions, soit un total de un milliard quatre-cent-quarante millions qui sont allés suivre des chemins qui restent à définir. Le plus bizarre, c’est que le Président a dit que «trois personnes différentes ont occupé ce poste d’ambassadeur». Aucune n’a signalé l’anomalie. Est-ce à dire que les trois en ont profité à des moments différents ? est-ce que le ministère des finances était de mèche ? comment se faisait la transaction ? où allait le surplus ?

On n’en sait rien, même si le Président a indiqué que la découverte du pot-aux-roses est due au hasard d’une rencontre entre les inspecteurs de l’IGE et le propriétaire de l’immeuble en question. Le propriétaire leur aurait donné les preuves qu’il recevait juste les 31 millions du contrat initial…

Ces rappels à l’ordre arrivent à un moment où le ministre qui qu’il soit tient mal dans son fauteuil, ne sachant ce qu’il va advenir après l’investiture du 2 août. En général, dans de pareilles circonstances, les responsables sont pris par une boulimie qui s’explique par la volonté de vouloir en profiter avant de partir. Non seulement, ils sont sevrés de leurs congés annuels sans pour autant savoir s’ils restent, mais ils sont avertis en plus… comme un homme averti… en fait, il en vaut combien ?