Brahim Ould Boyhi… Il est pour moi un mélange de Saint-Exupéry et de
Mermoz. Il a du premier la sensibilité rebelle et généreuse, du second la détermination
guerrière. Il a des deux la rigueur professionnelle et la passion pour l’aéronautique.
Il fait partie de ceux qui ont fait rêver la génération qui est la mienne quand
on entendait parler du premier pilote de ligne qui a conduit le Président
Moktar à de nombreux sommets ou quand on se perdait dans les articles consacrés
au premier commandant de bord africain d’un Airbus à Air Afrique.
Il m’a envoyé ce texte que lui a inspiré le crash de l’avion de la
Malaysian Airlines, le MH 17 :
«Le 17 juillet 2014, le Boeing 777
Malaysia Airlines MH 17 a explosé en vol dans la région de Donetsk (Ukraine).
Une des trois causes suivantes est responsable de cette explosion : une
défaillance technique de l’avion lui-même, un engin explosif mis à bord, un
missile tiré d’un autre avion ou du sol. Laquelle est la «bonne» ? Seule
une enquête minutieuse peut apporter des réponses plausibles. Dans l’immédiat,
chacun y va de ses supputations, analyses ou intérêts : missile tiré par
les indépendantistes pour les uns, missile tiré par un avion militaire
ukrainien pour les autres; une commission d’enquête ukrainienne ou
internationale. Pour ce qui est de ce dernier point, lorsqu’un accident
survient, la pratique internationale constante est d’engager deux commissions :
1.
Une commission judiciaire
dont l’objectif est d’établir les responsabilités aux fins d’indemnisations des
victimes et de sanctions pénales, le cas échéant. Le magistrat désigné a toute
autorité sur l’épave et les éléments qui subsistent de l’aéronef et qui ne
peuvent être déplacés qu’avec son autorisation. Les corps ne peuvent être
inhumés également qu’avec son autorisation. La commission et le magistrat son
désignés par les autorités judiciaires du pays d’occurrence de l’accident. Si
celui-ci survient dans les eaux internationales, la prérogative revient au pays
d’immatriculation de l’aéronef. Ce fut, par exemple, le cas du vol Air France
Paris-Rio qui s’était abîmé dans les eaux internationales de l’Atlantique sud.
2.
Une seconde
commission technique, communément connue sous la dénomination BEA : Bureau Enquête et
Analyse (ou Accidents). Son rôle n’est nullement d’établir une quelconque
responsabilité. Elle doit rester factuelle, recueillir et analyser tous indices
et éléments physiques ou non permettant d’expliquer l’enchainement fatal afin
de proposer des mesures correctives. C’est une structure de l’autorité ou du
ministère chargé de l’aviation civile, mais totalement autonome et indépendante.
Elle se compose au moins de :
Ø Un représentant de l’Etat d’occurrence ;
Ø Un représentant de l’Etat d’immatriculation de l’aéronef ;
Ø Un représentant de l’exploitant (compagnie aérienne) ;
Ø Un représentant du constructeur de l’aéronef ;
Ø Un représentant des organisations professionnelles des pilotes;
Elle fournit des rapports intermédiaires, le premier devant être
produit sous un moins, pour permettre de prendre les mesures urgentes que la
situation exige : arrêt de vol ou restriction d’utilisation éventuels de
l’avion concerné ou de la flotte du même type et modèle, si leur navigabilité
est soupçonnée d’être en cause. Le rapport de cette commission composée
d’experts, neutres, objectifs est extrêmement important dans la mesure où ses
enseignements et recommandations ont toujours permis :
ü De faire évoluer les législations de conception et les normes de
construction des avions ;
ü D’adapter les normes et standards de l’exploitation aérienne ;
ü D’améliorer la formation et le maintien des compétences des
personnels de conduite, d’entretien et d’exploitation.
Dans le cas présent, se pose le problème de la souveraineté sur le
lieu d’occurrence dans la mesure où la région de Donetsk a proclamé son
indépendance. Et dans l’état actuel des choses, les indépendantistes sont en
situation d’empêcher l’accès à la zone de l’épave du MH 17, ou du moins le
retarder.
Une commission d’experts indépendants doit être
déployée sans délais qui auront à faire parler les débris de cet avion, loin de
toutes pressions et considérations politiques.
Alors, on serait édifié relativement rapidement les causes de cette
catastrophe.»