Qu’est-ce qu’on n’entend pas comme bêtises énoncées par les
spécialistes, parfois les politiques les plus en vue à propos de l’enlèvement
de deux cents filles par Boko Haram, cette secte nigériane désormais affiliée à
Al Qaeda ? Comme si les activités de cette secte étaient nouvelles. Comme
si la jonction entre elle et les mouvements Ashabab de Somalie et AQMI au
Maghreb n’étaient pas attendues. Comme si les actions meurtrières n’avaient pas
déjà fait des milliers de victimes au Nigéria (la plupart des Musulmans).
Depuis quelques années, on voyait se durcir les positions
de la secte nigériane. La présence de Nigérians au Nord du Mali a été signalée
dès 2006. Et toutes les analyses prévoyaient la mise en place d’un arc-de-feu
qui lierait AQMI dans l’espace sahélo-saharien à la Corne de l’Afrique en
passant par l’hinterland ouest-africain. Très tôt on avait même parlé de la
menace que faisait peser la présence de cet activisme sur la façade atlantique
de l’Afrique de l’Ouest : qu’est-ce qui empêcherait les combattants
salafistes de la zone de faire la piraterie comme les Somaliens ?
Avec l’enlèvement de près de deux cents filles nigérianes,
on a l’impression que le monde découvre la menace qui fait régner la terreur en
semant la mort et le désespoir au sein des populations de la sous-région.
Si le cycle ayant mené à la naissance du Sud Soudan a été
un artifice d’Hollywood dont les «citoyens» ont réussi à embarquer avec eux
l’administration américaine, l’action de la France en Afrique de l’Ouest et au
Maghreb a déjà conduit à des désastres qui ne finissent pas de coûter aux pays
et aux populations.
C’est d’abord l’aventure libyenne qui a pesé lourd sur la
stabilité de la région. En suivant les postures d’un sombre philosophe au
crépuscule d’une carrière faite de coups d’éclats médiatiques (BHL), le
président Sarkozy avait commis une erreur très grave d’abord en poussant l’OTAN
à détruire la Libye, ensuite en donnant son vert à l’assassinat sauvage du
dictateur Moammar Kadafi. L’instabilité de la Libye et l’enracinement des
groupes armés extrémistes dans ce pays allaient irradier toute la région. A
commencer par le Mali dont une partie a été occupée par les groupes jihadistes.
C’est donc l’opération Serval ayant servi à libérer le Nord
du Mali qui a été le deuxième acte «irréfléchi» des Français dans une
zone qu’ils croient pourtant connaitre. Sans anticiper sur la réaction des
populations du Nord et tout en faisant un mauvais calcul sur l’apport que
pouvait avoir les groupes rebelles «amis», la France s’est engagée sur
un champ de bataille qu’elle n’est pas près de quitter. Certes les Tchadiens
ont été d’un grand concours, mais à quoi ont servi les autres armées africaines
mobilisées dans le cadre de la MISMA (Afrique) puis la MINUSMA (ONU) ?
Sans attendre d’entrevoir l’issue de cette guerre, la
France s’est ensuite engagée en Centrafrique. L’opération Sangaris est parue plus
comme une couverture aux exactions commises contre les Musulmans de ce pays que
comme une opération de pacification. Elle continue de coûter au contribuable
français déjà en difficulté à cause de la crise économique.
C’est maintenant le Nigéria qui intéresse la France de
François Hollande. Cinq chefs d’Etats viennent de prendre part à un sommet
convoqué par le Président François Hollande à Paris. Pour discuter de la
situation au Nigéria et de l’activisme de Boko Haram.
Au cours d’une conférence de presse tenue à l’issue de la
réunion, le Président Paul Biya du Cameroun : «Nous sommes ici pour
déclarer la guerre à Boko Haram». Mais avec quels moyens et comment ?
Aucune précision après le sommet. Le plan adopté se base
sur les échanges de renseignements et d’informations, la coordination et la
mutualisation des moyens, notamment de surveillance autour du Lac Tchad et la
mobilisation d’une force d’intervention.
François Hollande de préciser quand même qu’«il n’est
pas besoin pour la France de déployer des unités militaires» parce qu’«elles
sont déjà présentes dans la région». Le problème pour le Président
français, c’est qu’il a toujours mis en avant la pauvreté des pays «assistés»
par l’envoi des troupes, alors que le Nigéria est quand même un pays riche,
très riche et dont les forces participent à plusieurs opérations de maintien de
paix dans le monde. Cet argument est donc tombé. Qu’est-ce qui restera donc du
sommet de Paris ? Rien sinon qu’il aura été une étape de plus dans la
fuite en avant des autorités françaises qui tentent de maintenir l’image d’une
France influente et volontaire sur la scène internationale. Comme pour faire
oublier les déboires intérieurs d’une politique à laquelle peu de Français
croient encore.