Je suis sur la route de Mederdra où je suis
invité par un ami, notable politique dans le département. Sidi Mohamed Ould
Sidi (dit Mohamed el Khamess) organise une cérémonie de soutien au candidat
Mohamed Ould Abdel Aziz. Cette précampagne qui s’exprime à travers les «initiatives»,
survivance d’un âge que nous ne voulons pas passer.
L’occasion pour moi de sortir de Nouakchott et de
recommencer à respirer les airs intérieurs. Plus que 17 kilomètres à goudronner
des cinquante qui séparent Tiguind de Mederdra. Les poteaux électriques devant
servir le réseau qui s’étend de la ville vers les localités Ouest jusqu’à Boer
Tores sont en phase de fin d’installation. Dans moins d’un mois, l’électricité
arrivera certainement dans toutes ces localités. A ce moment-là aussi toute la
route sera très probablement goudronnée. Mais déjà l’on voit les changements
sur les populations suite à l’existence de telles infrastructures. Avec cette frénésie
dans les constructions aux abords de la route et donc la mise en valeur des
terres. L’on attend d’autres incidences plus importantes pour les populations,
notamment les facilités de transport, l’existence de nouvelles activités, l’ouverture
de nouvelles perspectives pour les marchés éventuels… cela ne s’arrête pas là.
Pour les habitants l’effet psychologique est très
important.
Voilà une «vieille» ville qui n’a pas
connu de grands changements depuis les années soixante. Une ville qui a subi en
plein les effets dévastateurs des sécheresses qui ont frappé la région des
années durant. Puis la pression politique, la ville ayant toujours été le foyer
de la contestation et du refus de l’ordre établi, elle a fourni l’opposition en
cadres et en idéologues, ce qu’elle a dû payer sous les régimes des cinquante
premières années de l’indépendance.
Dans quelques mois, disparaitront certainement,
les vieilles maisons en briques de ciment fortement mélangé au sable ocre des
dunes environnantes, disparaitront aussi les vieilles portes en bois qui sont
là depuis le début des années soixante. Parce que les habitants voudront donner
de la valeur à leurs habitations, parce que la nouvelle route permettra
d’acheminer plus aisément les matériaux nécessaires, les nouvelles conditions
attireront des professionnels du bâtiment…
A Medredra, la mairie et les populations doivent
travailler quand même à préserver ce qui reste de la ville historique : le
lieu où le Cadi Hamed Ould Bebbaha (inégalable Erudit, somptueuse personnalité
débordant de générosité et d’humanisme) rendait la Justice en toute
conscience ; l’ancien gîte d’étape ; l’emplacement des anciennes
prisons qui ont vu quand même passer Shaykh Hamahoullah, M’hammad Ould Ahmed
Youra et quelques-uns des illustres résistants de l’époque coloniale et
postcoloniale ; les maisons administrative (dyaar el bidh, école
Folenfant, marché central, la tribune érigée en 1965, le château d’eau
(l’ancien), la maison du préfet, les deux puits qui alimentaient la ville avant
les années soixante…
Au lendemain du coup d’Etat de juillet 78, un
nouveau préfet a été nommé à Mederdra. Sa première décision a été de vider la
salle des archives dans la rue. Laissant disparaitre ainsi une mine
d’informations sur une époque qui fait quand même partie de l’Histoire de ce
pays. Pour s’expliquer plus tard, ce préfet devenu gouverneur pour ses hauts
faits d’arme puis président de la Cour Suprême, disait qu’il fallait détruire
les traces du colonisateur…
Il faut préserver
quelque chose de cette histoire, ne serait-ce que quelques monuments.