Tôt ce matin, j’ai lu une information sur une déclaration qu’aurait
faite le diplomate algérien Saïd Djinnit depuis Dakar. Le représentant spécial
des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest – c’est son titre – parlait devant
les chefs de mission de paix des Nations Unies dans la région, quand il a fait
une sortie sur la Mauritanie en exigeant que le dialogue soit repris pour avoir
des élections inclusives et acceptées par la communauté internationale.
Les propos arrivaient au lendemain des déclarations faites par l’Union
européenne laquelle, tout en souhaitant une élection «transparente» et «ouverte»
n’insistait pas outre mesure sur le dialogue préalable. Un revers pour les
acteurs politiques détracteurs du régime qui, on le sait, compte d’abord sur
les positions des partenaires avant leurs capacités à mobiliser les foules en Mauritanie.
La sortie de Saïd Djinnit prenait donc toute sa dimension politique dans la
mesure où elle allait à contre-courant. D’autant plus qu’il s’agit d’un
diplomate chevronné qui connait parfaitement bien le dossier mauritanien, qui
plus est un Algérien… On voit d’ici le poids des mots quand ils sont prononcés
par un diplomate comme Saïd Djinnit…
C’est vers quatorze heures que le démenti est tombé. Nos confrères
de l’ANI (édition francophone) ont pris la peine de prendre les contacts
nécessaires (c’était quand même bien gros). Cela a donné a démenti cinglant et
ferme de la part du responsable onusien.
«Je déments formellement avoir lancé un appel
aux partis politiques mauritaniens dans ma déclaration à la presse du vendredi
dernier 9 Mai à l’issue de la réunion de concertations entre les chefs de
mission de paix des Nations
Unies en Afrique de l’Ouest. Je déplore que ma déclaration
ait été déformée pour la rapporter à la situation en Mauritanie.»
Que s’est-il passé ? Saïd Djinnit précise : «Dans ma
déclaration, j’avais fait état des élections qui sont attendues en Afrique de l’Ouest en 2015 et au-delà et souhaiter qu’elles se
déroulent dans des conditions pacifiques et inclusives pour préserver les
acquis démocratiques et la stabilité dans la région.»
Contrairement aux premiers propos qui
n’apparaissent nulle part que dans des médias mauritaniens, cette déclaration a
fait le tour des agences. Pourtant, à part un aucun des sites qui avaient
publié en première l’information, n’a daigné reprendre le démenti. Même après
la publication de ce démenti, certaines chaînes de télévisions (privées) n’ont
pas hésité à la donner à la une le soir même, c’est-à-dire des heures après le
démenti.
Quand le Président Macky Sall accédait
à la présidence du Sénégal, exactement au lendemain de la nomination de son
gouvernement, j’ai lu que son ministre de l’hydraulique avait fait une
déclaration sur la volonté de son pays de reprendre le fameux projet des
Vallées fossiles. Je cherchais alors dans tous les sites d’information
sénégalais, puis sur ceux de la région, nulle trace de cette déclaration qui
constituait un casus belli au niveau du gouvernement mauritanien qui a toujours
estimé qu’un tel projet changeait le cours tranquille des eaux du Fleuve et qu’il
remettait donc en cause tous les accords précédents. Pour dire qu’il s’agit là
d’une information de première importance.
J’appelais le directeur du site qui me
donna le nom du journaliste qui avait écrit l’information. Un jeune très
volontaire mais qui ne parle d’autre langue que l’Arabe, d’autre dialecte que
le Hassaniya (utile à savoir pour le reste). Je lui demandais poliment s’il
était sûr de son information parce que j’allais la reprendre. Il confirma
ajoutant une longue relation de discussions qu’il aurait eues récemment avec le
ministre en question et en présence de son homologue malien en marge d’une
réunion de l’OMVS à Bamako (sic). En quelle langue ont eu lieu ces discussions ?
Le jeune journaliste cafouilla et je compris qu’il s’agissait d’un scoop qui n’en
était pas. Un genre dans la méthode du «çina’at il khabar» (la création
de l’information). N’importe lequel de nos confrères vous dira que «la vraie
information aujourd’hui est celle qui va au-devant des faits, qui les provoque…,
le journaliste professionnel, c’est bien celui qui peut anticiper sur le cours
des événements et qui n’hésite pas à prendre des risques en donnant l’information
probable, possible…» D’où toutes les dérives que nous constatons. D’où
aussi la décrédibilisation du fait et de la vérité en général. D’où enfin cette
culture du mensonge et de la rumeur qui a pris le dessus dans notre société.
La bataille,
la bonne cause, est bien de rétablir les vérités, de réhabiliter la vérité des
faits. Elle mérite d’être menée.