A
peine avons-nous poussé un ouf de soulagement en apprenant que les trois pôles
revenaient à la table de négociation après un blocage causé par le deadline,
voilà qu’un autre blocage survient, cette fois-ci parce que le FNDU tient à
mentionner le terme «agenda unilatéral». La Majorité a immédiatement
ressenti cela comme une provocation visant à donner l’impression que le pays
vit dans une situation d’exception où l’une des parties tente d’imposer son
point de vue. «Nous croyons être dans une phase de négociations qui ouvre
sur une situation consensuelle. Nous sommes obligés de tenir compte des délais
constitutionnels tant qu’il n’y a pas un accord, mais rien n’empêche de revenir
sur tous les délais quand on se mettra d’accord», déclare un membre de la
délégation de la Majorité.
Hier,
on apprenait que le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) a
finalement accepté de revenir avec une proposition : accepter de laisser
le gouvernement convoquer le collège électoral dans les délais en contrepartie
d’un deadline fixé pour douze jours pour terminer le dialogue.
Quand
ils se sont quittés mercredi dernier sur une note plutôt de rejet, les trois
pôles avaient buté sur un deadline. Deux des pôles (la Majorité et la CAP)
avaient estimé pouvoir en finir avant le 21 avril, date ultime pour la
convocation du collège électoral si l’on voulait respecter les délais fixés
pour la présidentielle future. Alors que le FNDU avait jugé qu’il n’était pas
question de bénir la convocation par le gouvernement du collège électoral.
Pourtant une voix, celle de Me Lô Gourmo Abdoul, s’était fait entendre pour
expliquer qu’il s’agissait là d’une affaire qui ne regardait que le
gouvernement qui pouvait adopter le système du «pilotage automatique».
Finalement ce sont les voix «discordantes» qui l’emportèrent : la
réunion fut suspendue sans rendez-vous précis.
Samedi,
les trois présidents de groupes se sont retrouvés pour écouter la nouvelle
proposition du FNDU. Le chef de file de la Majorité demanda à discuter avec les
siens pour savoir si oui ou non il allait accepter. Mais on était sûr que la
Majorité allait accepter une proposition qu’elle a été la première à faire lors
de la première séance. Surtout qu’elle gagnait un point en donnant l’impression
que c’est elle qui faisait des concessions et que ce sont les autres qui font
perdre le temps.
Rappelons-nous
que quand le dialogue a été ouvert, c’est le FNDU qui a exigé la présence du
gouvernement, ce qui a demandé deux jours. Quarante-heures ont été nécessaires
pour lui permettre de venir présenter sa proposition sur le nombre des
participants : il était le seul à demander 7 sans pour autant pouvoir
donner sa formation. Après quarante-heures d’attente, le FNDU a finalement
exigé une représentation de 11 membres pour chaque délégation (pour désamorcer
les divergences intérieures). Adoption enfin de l’ordre du jour, mais désaccord
sur le deadline. Report qui prend 24 heures, puis nouveau report pour voir
venir les délégations à la table. Avec un long exposé du FNDU qui finit par
refuser un deadline de moins de trois semaines. Nouveau report pour enfin
revenir après trois jours reprendre les choses là où on les a laissées et
accepter ce qui a été refusé sans raison véritable. Pour, de nouveau, suspendre…
Parce qu’au moment de signer le P-V de réunion, le FNDU a exigé la mention de «l’agenda
unilatéral». Ce que les autres ont refusé, créant ainsi un nouveau blocage.
C’est
ainsi que le dialogue commencé le 1er avril - et qui avait donné
pour cela l’allure d’un «poisson d’avril» - n’a pas commencé réellement (au
20 avril). On a certes établi l’ordre du jour qui a été celui proposé par le
FNDU, puis trouvé un compromis autour du deadline, mais le véritable dialogue n’a
pas encore commencé.
Deux
scénarii possibles : le premier est celui qui voit les choses buter sur
l’incapacité des trois pôles à arriver à un consensus. Après tout, nous avons
en situation de face à face des groupes qui se sont toujours rejetés. Les
principales constituantes du FNDU ont exigé le départ du régime en place
pendant plus de trois ans. Le régime les a toujours traités comme ennemis.
Tandis que la CAP a répété, une année durant qu’elle ne participera à aucun
nouveau dialogue. Il faut rappeler ces positionnements pour savoir d’où viennent
les protagonistes. Cela permet d’apprécier le degré de suspicion et la forte
défiance qui les caractérise.
Dans
le cas d’un non accord, une élection présidentielle sera certainement organisée
avec les candidats indépendants et les partis qui voudront bien les soutenir. C’est
la force de l’engagement des protagonistes qui renforcera ou non son caractère
pluraliste lui donnant la légitimité requise. Après l’élection tout peut
survenir, y compris un accord politique autour de nouvelles élections
législatives et municipales, voire d’un gouvernement d’union nationale.
Le
deuxième scénario est celui que nous espérons tous et qui consiste à voir les
parties aboutir à un accord politique satisfaisant les attentes de chacun.
Parce que chaque parti, chaque syndicat (tous sont affiliés à des partis),
chaque ONG (toutes sont rangées sur les partis), chaque «personnalité
indépendante», chacun a sa position, sa tactique, son calcul… ce qui ajoute
à la confusion.
Malgré
cela on peut espérer que les pôles se mettent d’accord sur ce qui est «acceptable»
et qui constitue une réelle avancée dans la recherche d’une transparence totale
dans les élections. Il est sûr que tout accord, ne serait-ce que sur le
renouvellement de la CENI, impliquera nécessairement un recul du calendrier
électoral. Dans ce cas, on ne parlera plus de la «constitutionnalité»
des délais, on oubliera de remettre en cause la légitimité de l’élection sur
cette base, parce qu’un accord politique consensuel est au-dessus de tout.
En
attendant, il y a des questions qui doivent être posées aux protagonistes
principaux : que perd le Président Ould Abdel Aziz en cherchant une
élection consensuelle et, pour ce faire, en faisant les concessions les plus
fortes ? Pourquoi ne pas déclencher un (heureux) électrochoc en
rencontrant par exemple directement les plus significatifs des leaders de l’opposition
(Ahmed Ould Daddah au titre de chef de file de l’opposition, Mohamed Ould
Maouloud pour son aptitude à discuter) ? Quelle alternative pour le FNDU
qui a été créé soi-disant pour apporter un sang nouveau, un discours nouveau,
un cadre nouveau… quelque chose qui peut sortir l’opposition radicale de son
isolement à la suite du boycott des législatives ? Le FNDU va-t-il revenir
à la logique de confrontation expérimentée sans succès par la COD pendant plus
de quatre ans ? Que peut-il mobiliser comme forces ? Quels leaders
pour cette nouvelle logique de confrontation ? Quelle stratégie ?
Quelle vision ?
On
voit bien que le FNDU croit tenir la force politique (en unifiant les partis
appartenant ou non à la COD), la force sociale (en impliquant les syndicats qui
ont toujours pourtant accompagné les partis auxquels ils son affiliés), la force
du leadership (en écartant les chefs traditionnels et en imposant des «personnalités
indépendantes»)… Mais il ne s’agit là en fait que d’une reconstitution des
anciens schémas qui ont prouvé leur inanité.
Que
faire quand on ne peut rien faire ? That’s question…