Le premier barbu est un commerçant. Il se
présente comme quelqu’un qui a été floué par un autre barbu. Ce deuxième barbu
est un ministre de la République qui plus est des affaires islamiques. L’affaire
commence par une démarche singulière du ministre qui fait appel au premier
barbu de lui «faire fructifier» quelques 44 millions. Après quelques
temps, le ministre demande à son homme de faire les comptes. Le barbu «bookmaker»
- parce qu’on lui demande de faire des affaires rapides et bénéfiques en
faisant des placements (comme des paris) – prend avec lui le ministre pour lui
montrer certains «investissements» dans l’immobilier avant de lui
remettre la somme de 20 millions.
Passe le temps et pas de nouvelles du premier
barbu, celui à qui a été confiée la somme de 44 millions. Récemment, le
ministre trouve une astuce pour récupérer «son» bien. Il appelle son traitant
pour lui dire qu’il a quelques milliers de dollars, quelques milliers d’euros
et quelques autres du Dirham Emirati. En tout, la valeur de 27 millions. Le ministre
revenait de voyage du Golfe et il est plausible (visiblement) qu’il ait ces
sommes.
Au bout de quelques heures, le barbu bookmaker
arrive avec ses 27 millions. Le ministre le laisse dans le salon du
rez-de-chaussée pour «mettre l’argent en lieu sûr et ramener les devises».
Mais au retour, le ministre ne rapporte que 3 millions, «je garde le reste
parce qu’il me revient». Catastrophe !
Branle-bas de combat et mobilisation générale. Le
premier barbu essaye par tous les moyens de récupérer cet argent en arguant qu’il
s’agit d’un pactole ramassé chez des opérateurs de place (tous des barbus). On ne
sait pas comment le contact direct est fait entre le ministre et ceux qui
prétendent être les véritables propriétaires de l’argent. Certainement à
travers les réseaux tribaux qui sont devenus le cadre de toutes les combines
mafieuses.
De ce qui a été publié, on voit clairement que les
barbus «propriétaires» avaient comme objectif d’enregistrer les
déclarations du ministre sur la question pour utiliser éventuellement l’enregistrement
comme moyen de pression. Finalement, les choses sont allées très vite et l’enregistrement
fut publié sur le net.
Maintenant on sait que le ministre a refusé de
rendre l’argent et qu’il dit que la manière utilisée est «légale». Que le
premier barbu a dit qu’il était prêt à rembourser l’argent du ministre qu’il a
utilisé pour l’achat de terrains et de maisons. Que les barbus, «vrais propriétaires»,
tiennent à poursuivre le ministre avec lequel pourtant ils n’ont aucun rapport.
Mais on ne sait pas d’où vient l’argent du
ministre. On ne sait pas non plus pourquoi le Parquet ne s’est pas mêlé de l’affaire
ne serait-ce que pour voir clair dans l’activité de ces banques parallèles. Ni la
police financière, ni les services de contrôle de la BCM ne sont intéressés par
l’affaire.
Ce qui est discutable dans les procédés, c’est d’abord
l’activité «commerciale» du ministre. Au moins sur le plan moral. Et même
sur le plan du «légal» (shar’i). Le bon sens, caractéristique de tout
système législatif, ne peut ouvrir la voie à la personne lésée pour se faire
justice. Sinon, c’est une grande partie des Mauritaniens qui doit vouloir se
faire justice elle-même, l’état des créances et des affaires étant celui qu’on
connait. Le ministre Ahmed Ould Neyni est sans doute l’un des meilleurs
connaisseurs de la science religieuse islamique (malékite), n’empêche que sa
position est indéfendable.
Ce qui est indiscutable, c’est qu’il s’agit d’une
«affaire» qui doit être éclaircie devant l’opinion publique. Ce qui est –
ou parait – indiscutable aussi, c’est le crédit moral dont jouissent les
protagonistes de cette histoire… ce crédit est-il justifié ? c’est la
question qu’on finit par se poser quand on voit toutes ces figures auréolés de
grandes barbes – bien ou mal taillées – et marquées par les traces des
prosternations régulières, toutes ces figures les unes trompant les autres et
toutes trompant tout le monde.