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mercredi 19 mars 2014

La presse, bouc-émissaire

Depuis cette fameuse nuit où des exemplaires du Saint Coran ont été découverts déchirés et jetés par terre, il ne se passe pas un jour sans qu’on s’en prenne à la presse accusée tantôt d’avoir «soufflé sur les braises», tantôt «provoqué les débordements». Prêches de vendredis, articles, entretiens, séminaires…, tout devient occasion. Comme si la presse était responsable des écrits contre le Prophète (PSL), ou du mauvais entretien des Livres saints. La presse elle-même a commencé à jouer à ce jeu dont l’objectif est de trouver un bouc-émissaire pour éviter de mettre le doigt sur là où ça fait mal. Derrière cette littérature – de mauvaise facture souvent – se dessine une volonté de faire revenir la chape de plomb, de réinventer l’article 11, de limiter la liberté d’expression.
En fait notre société n’est plus capable de se regarder en face. Notre élite – intellectuelle, religieuse et politique – ne peut plus répondre aux questionnements légitimes d’une jeunesse prise au piège d’une mauvaise préparation à la vie. Mal outillée pour faire face à un destin des plus aléatoires, notre jeunesse vu un désarroi profond. Devant l’état d’hébétude qu’elle vit, la réponse n’est pas celle du traitement violent mais celle du dialogue. il se trouve que ceux qui devaient être les «répondants» dans ce dialogue nécessaire n’ont plus rien à dire. Ils ont démissionné et préféré «les nourritures terrestres» à celles de l’esprit…
Cette régulation que l’on tente d’imposer à la presse, est en fait une nécessité dans une Mauritanie où l’on se pose plus de questions que l’on apporte de réponses. Il est vrai cependant que la démesure dont font preuve les organes de presse ajoute au désarroi général. Parce qu’elle n’est pas encore mature, la presse participe effectivement à la perte de repères. Parce qu’elle essaye d’aller au rythme des changements sociaux décidément trop rapides, la presse déboussole encore plus le mouvement social général. Mais cela n’en fait pas un responsable du tourbillon qui nous prend.
La presse peut et doit participer à la mise en place de nouveaux systèmes de valeurs partagées, de valeurs citoyennes, de valeurs positives. Et s’empêcher résolument de jouer le jeu de ceux qui tentent d’atomiser encore plus, d’émietter encore plus un corps social largement déstructuré.
La presse n’est pas responsable et la liberté d’expression n’est pas à mettre en cause. C’est plutôt notre capacité à bien lire, à bien interpréter les transformations sociales, à concevoir des solutions à nos problèmes, à apporter des réponses à nos questionnements…, c’est tout cela qu’il faut remettre en cause.