C’est
tard dans la soirée de jeudi (27/2) que le bureau exécutif du Rassemblement des
forces démocratiques (RFD) a fini ses conciliabules et décidé de participer
finalement au forum de l’unité et de la démocratie qui devait s’ouvrir le
lendemain.
La
veille, mardi d’avant, la même instance avait gelé sa participation à ce forum
dont on voulait faire un grand rendez-vous. Une décision surprenante, même si
par ailleurs elle est justifiée par les appréhensions nourries par le RFD
vis-à-vis des acteurs du forum. La cause directe de ce gel serait le
renoncement du comité d’organisation à donner la présidence de la manifestation
à Ahmed Ould Daddah qui devait faire le discours d’ouverture. Deux jours d’intenses
pourparlers entre les partis de la Coordination de l’opposition démocratique
(COD) et le comité d’organisation auront permis d’arriver à une solution :
la présidence de la première journée et le discours d’ouverture seront confiés
à Ould Daddah, président du RFD, la présidence de la deuxième journée reviendra
à Ely Ould Allaf, ancien ministre, ancien diplomate et représentant ici des
personnalités «indépendantes» (ou
«influentes», selon le terme en Arabe, «eshakhçiyaat al mou athiraa»)
et la troisième journée, c’est Lalla Aïcha Sy qui, au nom de la société civile,
doit diriger les séances finales de synthèse et d’adoption des résultats des
trois ateliers (cf. article dans le journal de cette semaine).
Le mal est fait cependant : les divergences au sein de la COD
sont apparues au grand jour pour des questions de protocole alors que le
fondamental n’était pas encore à l’ordre du jour. Cet incident va participer à
l’atténuation des effets de la rencontre parce qu’il aura prouvé que le
personnel politique est encore divisé et qu’il manque de confiance en son sein.
«Si l’on se chamaille pour un discours d’ouverture et la présidence d’une
séance, qu’est-ce qu’il en sera quand il s’agira de partager le pouvoir ?»,
se demandent les plus sceptiques. Déjà que ce n’est pas toute l’opposition qui
se sent concernée par le forum…
En plus de la Coalition pour une alternance pacifique (CAP),
constituée par les partis ayant participé au dialogue de 2011-2012 (APP, Al Wiam
et Sawab), l’Alliance pour la justice et la démocratie (AJD/MR) de Ibrahima
Moktar Sarr est absente du forum. Pourtant il s’agit bien d’un parti d’opposition
qui a eu quatre députés et au moins une Mairie de Nouakchott lors des dernières
législatives et municipales. C’est bien le président de ce parti qui a été le
deuxième à être reçu par le Premier ministre Dr Moulaye Ould Mohamed Laghdaf
pour continuer la démarche commencée avec Mohamed Ould Maouloud de l’UFP.
Cette démarche, saluée par l’UFP, vise à ouvrir des concertations
autour de la présidentielle à venir et des conditions qui pourraient amener l’opposition
à y participer. Elle a commencé avant même le forum comme pour en diminuer l’importance.
Ceux de la COD avaient alors demandé à surseoir à toute réponse à l’invitation
du Premier ministre tant que le forum n’a pas fait ses conclusions. Mais l’on
sait déjà que le Premier ministre doit rencontrer Saleh Ould Hanenna, président
de Hatem, un des partis de la COD, ce dimanche, alors que le forum se tient
encore. Le refus de Ould Daddah de répondre à l’invitation est encore
circonstanciel parce qu’il ne s’agit jusqu’à présent que d’un «report de
réponse» en attendant la fin du forum.
Certains voient déjà se défiler, derrière ces rencontres, la
possibilité d’ouvrir un nouveau dialogue comme celui de 2011-2012. Mais, à part
la COD, tous les autres partis sont contre toute perspective de nouveau
dialogue, y compris l’AJD/MR. Tous les partis qui ont participé aux dernières
élections n’acceptent pas non plus l’idée d’une reprise de ces élections. Le pouvoir
n’aura pas à répondre à ces deux doléances exprimées çà et là. Il se contentera
de laisser les partis s’affronter là-dessus.
Comme d’habitude, on fera ce qu’on sait le mieux faire :
perdre le temps. Tout en sachant que le décret de convocation du collège
électoral sera communiqué au plus tard le 21 avril prochain et que la date proposée par la CENI pour l'élection présidentielle est le 21 juin, les partis
croiront que le temps s’arrêtera pour les laisser cogiter ce qui est le mieux
pour eux. On s’approchera inexorablement de l’échéance, ce qui obligera à
accepter le minimum possible ou à ne rien accepter. Quoi qu’il en soit, la
décision qui sera prise n’aura pas été mûrement et sagement réfléchie. Ses conséquences
seront donc énormes pour les acteurs politiques qui tenteront de rebondir une
nouvelle fois. Vainement.
Faut-il envisager un nouveau forum dès à présent ? Peut-être…
En 1991, le refus de voter la Constitution avait conduit à la création du Front
démocratique uni pour le changement (FDUC). Plus tard ce sera le Front des
partis de l’opposition (FPO), à la suite du boycott de de 92. Puis la COD, à la
suite du refus de reconnaitre les résultats de la présidentielle de juillet. Et
aujourd’hui le FDU (sans le C de changement) après le boycott des dernières
législatives et municipales… Les sigles se suivent et se ressemblent. Et avec
eux les manières et les méthodologies.